D’une certaine
façon, « oui et non » est la réponse idéale à presque toutes les
questions que l’on se pose. Nous lui préférons « oui », ou
« non » ; mais n’est-ce pas un fourvoiement de l’âme ?
Projeter
nos attentes sur « Dieu », n’est-ce pas franchement dérisoire ?
« Il » est à une mesure que nous ne pouvons même pas imaginer, tant
celle-ci nous dépasse.
Aussi
est-ce, si j’ose dire, lui faire « injure » qu’attendre quoi que ce
soit de lui.
Et si
« Dieu » avait créé les univers comme autant d’expériences ? Mi
par curiosité, mi par recherche de la distraction ? Un peu comme un Homme
qui lance des simulations informatiques, et qui y introduit sans cesse de
nouveaux paramètres, histoire d’explorer tous les possibles ? Et si « Dieu » mettait en branle
les grandes lignes de chaque univers dans le but de voir, ensuite, quel tour
les choses vont y prendre une fois laissées à elles-mêmes ?
« Dieu »
n’est qu’une désignation de ce qui est impossible à désigner. Voilà pourquoi,
désormais, je le mets entre des guillemets lorsque j’en parle par écrit. Ce
n’est pas, dans mon optique, une marque de désinvolture, mais de respect
suprême. C’est la marque d’une dévotion qui dépasse toutes les dévotions – car
elle prend en compte le cosmique, et le plus-que-cosmique ; le matériel et
le plus-que-matériel ; le spirituel et le plus-que-le-spirituel ;
l’au-delà et l’intime de tout, lesquels, in fine, se rejoignent. L’au-delà et
l’intime de tout : tête et queue de l’ouroboros.
Dès lors qu’on est
doté d’une conscience, il faut une indicible force pour ne pas se sentir écrasé
par la « vanité » du monde.
Cette force, la
Baghavad-Gita nous aide à l’acquérir.
Elle nous aide à
comprendre que l’être se situe à plusieurs niveaux.
Son message n’est
pas humaniste, dans la mesure où il se situe au-delà de toutes les formes de la
Création (qui sont, pour elle, aussi et d’abord, des formes de la perception),
du côté du « non-manifesté » voilé qui baigne notre Univers, et dont
la science, à sa manière, nous parle aussi.
Nous,
humains, nous cherchons l’amour ; nous avons besoin d’amour (parce que
c’est dans notre nature, dans la nature de notre espèce). De là à dire, à
penser que « Dieu est amour », c’est une toute autre affaire.
Soutenir
que Dieu est amour est une façon de
l’anthropomorphiser, particulièrement accentuée dans les religions du Livre,
notamment dans le Christianisme.
Si
nous lisons la Baghavad-Gita, Dieu n’est ni amour, ni haine. Il guide le sage
vers la libération de la « paire des opposés ».
L’idéal
de la Gita, c’est le suprême détachement, c’est la dissolution du Moi qui
rapproche de la suprême indifférence du Seigneur.
Il
n’y a aucune réelle manière de se représenter l’Infini et l’au-delà de l’infini
même.
Ne
cherchons pas à tirer ce qui nous dépasse si incommensurablement vers nous, ce
serait, par essence, vain et, par nature, dérisoire.
Contentons-nous
de pressentir cette « entité » indéfinissable. Qui ne se peut point
réduire. Qui est en nous mais aussi dans la totalité de notre cosmos, et bien
au-delà, et bien en-deçà. Qui est nous mais aussi « quelque chose »
d’infiniment plus large. Vouloir le cerner, c’est faire se dissoudre les mots
dans le néant.
Les
photos du télescope Hubble ne nous parlent pas d’amour, mais d’Infini, de
profondeur vertigineuse.
Le génie juif a
brillé, scintillé même, dans le domaine de l’intellect comme celui de peu
d’autres peuples (EINSTEIN, SPINOZA, KAFKA, MARX, et j’en passe en sont bien
les éclatantes preuves). Pourquoi faut-il que certains membres de ce peuple aient
été si maladroits en créant le sionisme et, surtout, au moment de la fondation,
si lourdes de conséquences, de l’état d’Israël tel qu’il est ? Pourquoi
faut-il que ces mêmes membres – ou leurs héritiers – persistent dans leur
attitude inflexiblement « coloniale » et expansionniste ?
Evidemment – et vous n’aurez sûrement pas tort – vous me répondrez qu’il s’agit
là d’une fixation émotionnelle post-traumatique très forte, liée à la Shoah.
Pour autant, le
peuple juif n’a-t-il pas largement les moyens intellectuels de se hisser
au-dessus des réactions – si justifiées soient-elles – de son cerveau limbique
et des empreintes que son Histoire, très persécutive, lui a laissé ?
L’enfant
intérieur, à la fois émerveillé et apeuré, je crois, ne meurt qu’avec nous-mêmes.
L’un des
« propres de l’Homme » est de ne pas savoir choisir entre petitesse
et vastitude.
C’est
tellement rassurant pour les hommes de se retrouver…entre hommes !
Peut-être la
« mission » du poème est-elle de capter l’âme irréductible, unique de
chaque instant ; en somme, sa magie singulière.
Il
y a quelque chose de profondément mystérieux et poétique dans le fait que de la
matière tout ce qu’il y a de plus concrète comme les neurones cérébraux humains
et le dense réseau qu’ils forment, où courent des milliards d’influx
électrochimiques eux aussi parfaitement physiques, concrets puisse faire
circuler de l’information et générer un phénomène comme la pensée, lesquels
sont des entités immatérielles, virtuelles, abstraites. Pensons aussi à ce
second cas (connu) de « matière pensante » qu’est l’ordinateur, créé
par la cervelle humaine « à son image », à la suite du rêve de Turing.
Alors,
si le concret (matière, phénomènes) et l’abstrait (c'est-à-dire l’information,
le code, ainsi qu’on le voit, par exemple, dans le cas de l’ADN qui programme
la Vie dans ses grandes lignes) sont à ce point liés, pourquoi ne pas accepter
l’idée soulevée par de plus en plus de physiciens au fil de leurs réflexions
successives (*) que l’entité même
que constitue notre Univers, avec le fabuleux « réglage » de ses
grandes lois physiques, ne soit pas émanée par une réalité abstraite et
extérieure à lui ?
(*) Cf. l’ouvrage
de Igor & Grichka BOGDANOV LA FIN DU HASARD, Grasset, 2013.
Comment éviter les
excès ? L’Homme n’a pas le sens de la mesure. Il semble avoir tant de mal
à comprendre jusqu’au langage de la mesure, de la nuance !
Le
renouvellement des choses porte aussi un autre nom : le Temps.
On nous rebat les
oreilles avec « l’attirance des opposés ». Je suis de ceux qui n’y
croient pas. En effet, il ne manque pas d’en quêtes menées par des psychologues
véritablement scientifiques pour attester que l’Homme est plutôt attiré (du moins pour ce qui est des relations
durables) par des partenaires qui lui ressemblent, qui partagent des affinités
(tant physiques que psychiques) profondes avec lui (comme en atteste
d’ailleurs, entre autres, le fameux « plus, si affinités » des
petites annonces à but de rencontres sentimentalo-sexuelles). L’attirance des
contraires m’apparait donc comme une sorte de mythe, de légende fétichiste, au
demeurant particulièrement développée dans la culture occidentale, laquelle est
une culture de conquérant, de voyageurs au long cours.
Les sociologues
constatent aussi que, dans la très grande majorité des cas, les gens tendent à
s’unir à des personnes susceptibles de les rassurer, tant physiquement que psychiquement.
Mêmes provenances ethniques, sociales, même milieu, voire même profession,
mêmes idées, mêmes niveau d’instruction et centres d’intérêt, cela aide,
rapproche, cimente. Certes, on aime souvent le « dépaysement » –
voire parfois le contraste criant – pour ce qui est des aventures, des
« coups de foudre »-feux de paille. Il n’en reste pas moins que,
lorsque l’on est pas influencé, « déformé » psychiquement par des
facteurs artificiels, comme, par exemple, des facteurs liés à la très grande
domination d’un groupe (ethnique ou bien social) sur un (ou plusieurs) autre(s),
on dépasse difficilement l’empreinte de ce que les psychanalystes nomment les
« imagos » proches, familières, ancrées en nous depuis très
longtemps.
Plus
les Hommes sont nombreux, plus les sociétés ont tendance à devenir antagonistes
et violentes. On le voit déjà lorsqu’on se penche sur la longue Histoire de la
néolithisation au Proche-Orient, en Afrique du Nord et en Europe (Cf. LA RÉVOLUTION NÉOLITHIQUE EN FRANCE,
sous la direction de Jean-Paul DEMOULE, La Découverte, 2007). Aussi est-il
(peut-être) à craindre que dans les conditions actuelles de peuplement humain
(une démographie hypertrophiée), il faille s’attendre à de plus en plus d’inégalités,
de disettes, de mouvements migratoires de grande ampleur et…de génocides
monstrueux, comme on a vu déjà plus d’un au cours du XXe siècle. N’oublions
pas, au reste, que, dès la préhistoire (surtout néolithique, à ce qu'il semble), les conflits étaient déjà de type génocidaire (Cf. les
guerres préhistoriques, de Lawrence H. KEELEY, Perrin, 2009, dont vous trouverez
le compte-rendu sur ce site, en cliquant sur le lien http://larencore.blogspot.fr/2015/04/lecture-anthropologie-lawrence-h-keeley.html?m=0); quand il y avait
confrontation, tout comme bien d’autres animaux et, par particulier, les chimpanzés
(lire Frans DE WAAL), les mâles du groupe qui avait eu le dessus éliminaient froidement
et totalement leurs adversaires du même sexe ainsi que les enfants de ceux-ci
et s’appropriaient la part féminine encore fécondable du groupe défait.
De
quoi cesser de se faire la moindre illusion angéliste à propos de l’Homme,
ainsi, même, qu’à propos de « nos amies les bêtes ».
La première
personne dont on se doit de se méfier, c’est soi-même.
Le
fait d’avoir ou d’avoir eu une ou plusieurs idées géniales ne rend pas pour
autant un homme ou une femme parfait, ou parfaite.
Tout être humain
mérite à la fois d’être accusé…et défendu.
Nous
ne sommes ni des zones de lumière, ni des zones d’ombre. Nous sommes des zones
de pénombre. Et cela tous, toutes. Sans exception.
P. Laranco.
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