mercredi 6 septembre 2017

FANTOME DE MOI, une prose poétiques de Laurent HILI, un jeune poète et revuiste parisien.



Ce soir d’été, je vois un fantôme. Il n’est pas visible et n’a pas de corps. Il ne porte rien et ne dépose aucun souffle. Il n’a pas de bouche et sans yeux, il ne me regarde pas. Sa présence est indiscernable de tout ce qui m’entoure.

La porte est fermée, il ne peut la toucher. Le fantôme ne se déplace pas et ne traverse aucun mur. Il n’est nulle part.

Ce soir un fantôme. La nuit est tombée prématurément à cause des nuages et de l’orage qu’on n’entend pas. Il pleut quelque part au loin, là où le son des gouttes est réconfortant. Il n’a pas d’odeur, elle est indiscernable des odeurs qui m’entourent.

Le fantôme est là, en pleine nuit. Le son du drap et de mes mains qui se rencontrent est comme retransmis par une enceinte. Décalé. Cet espace et le fantôme. Il n’a pas de taille et ne se mesure en rien.

A l’aube s’effleure le temps, un lieu d’infini. Entre le regard et la main, le parfum du tatami est en dehors de lui. Le fantôme se retire. Il n’a pas de couleur, elle est indiscernable du bleu et il n’est pas bleu.

A l’aube l’espace s’élargit ; des fleurs apparaissent sur le balcon. Des fleurs apparaissent si j’ouvre les yeux.
Dans le noir des paupières, elles sont là, contenues dans le regard.
Le mot fleur crée une couleur qu’on ne dit pas.

Je vois un fantôme et l’aube ouvre ma main. Rien d’autre qu’elle-même ne s’en trouve libéré. Les doigts dépliés et la porte fermée, les nuages sont lents. Le temps d’une fenêtre dure le temps d’un regard. Dans le noir des paupières, l’espace se répète confiné. Le fantôme n’y voit pas plus.

L’aube arrête le temps, le temps arrête l’aube et la porte se rapproche de mon corps levé.

Un torrent porté par le son du torrent, je l’entends si je regarde ma main. Ma main porte le torrent, je l’entends si je regarde mon reflet.

L’eau parle son chemin, dans les gouttes se sont glissées les couleurs des fleurs de la rive. Un avion est petit et il fait moins de bruit. Le fantôme ne l’entend pas.

La fraîcheur de la cascade s’élargit sans cesse sans aller jamais plus loin. Elle ne touche pas la cascade et se plaque sur mes joues. L’herbe se plie au moment même où les pieds s’y posent, le temps s’en accommode. La peau vive a cerné le fantôme. Il ne peut pas être proche et il n’est pas loin. Sa présence est indiscernable du vent.

Un monde plat et paisible, silencieux de nuit. Les vaches et les tracteurs y sont comme de petits objets posés sur le plateau. Une table sans nappe sur laquelle l’herbe a poussé et où un personnage solitaire en rouge et bleu marche sur la route. Le repas est servi dans des assiettes minuscules. Tout a été disposé sans contrainte : le circuit électrique fonctionne et la nuit les fenêtres jaunissent et la route est parsemée de formes arrondies et diffuses de lumière.
Tout se tait. J’imagine en mon corps un cri sans imaginer son bruit. Mon corps ma maison, mon cœur ma cheminée sans fumée. Le cri contient les organes, une caresse et toujours pas de bruit. Il emprunte les chemins intérieurs en étoile, jusqu’aux reculées des mains et des pieds. D’ici coulent les étroites rivières glacées à leur source. Dans la forêt des cheveux il fait plus sombre que dans l’étable des songes. Des bribes d’étoiles étincellent au vent. Ici à l’orée du bois, accroché à l’arbre sans tronc, je contemple le vaste monde, la tête du fantôme sur mon épaule. En lacé de ma solitude, quatre yeux multiplient les lumières, où sont les autres ?





Laurent HILI.
In revue Les livrets littéraires, N° 3, 2017





















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