Elle
m’apparaissait toujours dans ces longues robes imprimées des années 40. D’un bleu tirant sur le noir. Un tablier
délavé autour de sa taille menue et si fragile. Des souvenirs qui sont restés
au fond de moi, vivant au fond de moi.
J’aimais
retrouver la voix douce et fatiguée de cette vieille dame au visage un peu
pâle, où chaque ride, racontait une histoire. Ses cheveux blancs, montés en
chignon, lui donnaient un air souverain et sévère de grande reine solitaire.
Elle qui ne devait pas être plus haute que notre révérende cloche du village.
Elle
me prenait par la main. Je la serrai très fort dans mes bras. Elle me parlait
tout bas, méticuleusement, comme un antiquaire en retraite de garde-meuble.
Dans la cuisine, la seule pièce du rez-de-chaussée, frissonnait le café sur la
cuisinière bois et charbon. Quelques châtaignes dans la braise bruissaient
dangereusement.
Il
n’y avait pas encore la télévision. On écoutait Édith Piaf, Dario Moreno depuis
un poste de radio à galène. Ce qui me bouleversait, c’est cette photo un peu
jaunie, d’un monsieur encore jeune, qu’elle regardait parfois d’un œil sombre
et pensif.
Dès
que j’arrivai sur le perron de la porte, elle m’examinait de la tête aux pieds,
comme ces belles petites plantes vertes dont elle prenait grand soin. «
Potin/Picotin » allaient bon train. Elle me racontait souvent le passé, composé
de légendes, d’anecdotes.
Enfin,
arrivait l’heure fatidique d’aller se coucher. Je me souviens de cette chambre
qui n’en était pas une. Une sorte d’alcôve contiguë à la salle du séjour. Là où
somnolait un gros chat noir dévergondé. Sur le mur habillé de chaux nos ongles
d’enfants y avaient inscrit l’inquiétude du silence.
Dans
l’ombre, nous écoutions craquer les meubles anciens. La solitude, avait l’odeur
de la cire et du bois mort. Une toile d’araignée nous révélait la sagesse. Avec
la nuit, les platanes prenaient volontiers des allures de grands monstres. Elle
me retrouvait le matin, grignoté entre mes épaules, dévoré par le gros édredon
tout en rondeur, me murmurait à l’oreille les mots les plus simples du monde,
avec une immense tendresse.
«C’est
l’heure de se lever petit garnement ».
Richard TAILLEFER.
In PoéVie
Blues, Prem'édit, 2015
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