La Vie possède sans doute sa propre logique : la logique du
biologique, qui nous apparait on ne peut plus simple : durer, se survivre,
résister à l’entropie qui ramène tout
vers le chaos, vers l’inorganisé Elle n’a peut-être pas d’autre sens, pas
d’autre finalité que ceux-ci. A une échelle qui dépasse largement celle de
l’individu, de l’ego humains.
Sans doute la diversité du vivant sur Terre – qui nous semble
extrême – répond-t-elle à ce besoin : épouser le plus de formes possibles,
en arborescence, à partir d’un ancêtre commun unique, afin de parer à toutes ou
à une grande partie des éventualités possibles.
Mais tout cela nous suffit-il ? Tout cela répond-il à la
quête de relation et surtout, de SENS qui nous est propre ?
Que veulent les humains ? La vérité ?
Ils ne la supportent pas, ou très mal.
Le mensonge et la « comédie » ?
Ils s’en plaignent et les stigmatisent.
L’ego est devenu l’intime tyran de nos sociétés
« libertaires ».
Les conflits naissent de la convoitise (intérêt), ainsi que du
trop grand souci de s’affirmer (ego).
Où est l’essence de mon « Moi » ? Quel est le
sens d’ « être soi-même », de « s’affirmer en tant que
soi-même », alors que, tout au long de notre formation mentale,
depuis l’âge du nourrisson jusqu’à celui de l’adulte « fait »,
pleinement « mûr », nous sommes, pour une très grande part,
construits, déterminés par nos semblables, nos proches, ceux, celles qui
forment notre entourage, que nous imitons et qui nous influencent, ce bien
souvent à notre insu ?
Quel est le « Moi », le « Je », le
« Jeu du jeu » alors que, selon la fulgurante intuition philosophique
d’un poète nommé Arthur RIMBAUD, « je est un autre » ? Et quand,
de surcroît, notre soi-disant « moi profond » est composite,
complexe, changeant et susceptible de variations « kaléidoscopiques »
incessantes, ainsi que le faisait déjà remarquer MONTAIGNE (et encore, bien
plus tôt avant lui, les maîtres de la pensée hindoue) ?
Pour les Hindous, le « Moi » est une illusion, à
l’instar, d’ailleurs, de tout le reste de l’existence, de l’expérience
spatio-temporelle de Vie dans laquelle il se trouve baigner. Pour avoir une
chance d’approcher le fond des choses, la véritable nature du réel, il y a
nécessité, purement et simplement, de le dissoudre.
Pour l’Hindou, la véritable liberté se trouve dans le
détachement. La moksha, la libération
de l’âme, de l’être, n’est pas, ne peut être sans qu’au préalable n’intervienne
la mise en pièces du « Moi » au profit d’un état de conscience
modifié (EMC), d’un autre stade de perception, lequel passe par la
stabilisation du mental (par
l’exercice du Yoga).
Plus on est otage de son ego, plus la finitude de l’existence,
vécue comme insupportable, devient taboue.
La sur-dimension de l’ego et la priorité donnée à son
affirmation laissent l’Homme complètement à nu face à ses angoisses
fondamentales.
Toutes les différences des Hommes sont brodées sur la même
trame. Une trame de conscience réflexive, de langage et d’angoisse devant la
mort, le Temps ; de pulsion aventurière ou créative et de crainte
enfantine de l’inconnu immense, de l’instabilité du monde ; d’aspiration à
l’indépendance, à la réalisation de soi et d’impérieuse nécessité du lien,
quelque soit sa forme.
Cela vaut-il vraiment la peine d’essayer de « s’exprimer »,
de tenter de se faire mieux connaitre (de quelque manière que ce soit) dans un
monde de Narcisses qui, de plus en plus, ne compte que des gens qui campent sur
leurs jugements expéditifs, tronqués (que voulez-vous, « on n’a pas le
temps… », et puis « priorité à soi ») et qui, de toute façon, ne
sont capables de vous prêter attention que dans la mesure où vous êtes à même
de faire office de « miroir » pour les réfléchir ?
Ne vaut-il pas mieux, plutôt, se dire que les gens, les
« autres » ne nous connaîtront jamais et que, par voie de
conséquence, nous mourrons, nous disparaîtrons tous de ce « bas-monde » en inconnu(e)s,
et que ce qui « restera » de nous ne consistera qu’en quelques bribes
de souvenirs tronquées et mille fois déformées de quelques
autres ?...
La « postérité » elle-même n’a-t-elle pas qu’un
temps ?
Nous ne gardons jamais un véritable souvenir de nos « chers
disparus ».
Ce que nous gardons, ce n’est jamais qu’un souvenir de l’idée
qu’on s’en est faite.
Le bonheur – ou, à tout le moins, l’absence de malheur – peut
tenir à peu de choses : le fait de se trouver au bon endroit et au bon
moment y suffisent bien souvent.
Durant la seconde moitié du XXe siècle, sous l’effet des idéaux
libéro-démocratiques, du développement technologique à une vitesse accélérée et
de l’hyper-expansion du capitalisme, les gens ont, en peu de temps, atteint un
degré d’individualisme, voire (à partir des années 1970) de narcissisme, de
nombrilisme jamais encore égalés dans toute l’histoire des cultures humaines.
Le libéralisme et l’hédonisme ont, qu’on le veuille ou non, fabriqué un monde
d’atomisation sociale de plus en plus marquée où « chacun vit sa
vie », « pour soi », « dans sa bulle » en rejetant
toutes les contraintes – y compris celles qu’impliquent la solidarité, le lien
avec des êtres proches, la responsabilité, l’engagement. Au point qu’à présent,
nous voici en train de rabâcher à tout écho le mantra « Vivre
ensemble ».
A force de nombrilisme couplé à la surpopulation planétaire, les
impatients, fragiles Narcisses en viennent, bien souvent, à ne plus être même
en mesure de s’entre-supporter (et, a fortiori, de supporter les êtres qui ne
leur ressemblent guère). Un nouveau « type humain » émerge, qui
apparaît comme le (sombre) « héros »
des romans, des traités de sociologie, des productions
cinématographiques à gros budget et des documentaires : le sociopathe (dont,
visiblement, l’impérieux besoin de « jouir sans entrave », au
détriment des autres s’il le faut et sans culpabilité aucune, fascine le
public).
Vous croyez que tout ceci nous mène vers quoi que ce soit de
« positif » ?
Les mots butent et buteront toujours sur l’autosuffisance, sur
la densité et sur la mobilité des choses.
On est seul avec son histoire. Qui n’est celle de personne
d’autre. Qu’au fond, personne ne comprend. Parce que tout le monde l’interprète
d’une façon qui lui est propre.
On est seul avec ses blessures, ses bonheurs, ses espoirs, son
vécu, passé comme présent. Le partage n’est qu’une illusion. A part chez les
jumeaux, peut-être.
Que sait-on vraiment de quelqu’un, du « paquet », du
« ballot » de vie, de ressentis, de souvenirs, de réactions et
d’aspirations qu’il trimballe au profond de sa carcasse ? Que sait-on de
leur poids réel ? De leur véritable incidence ?
C’est, peut-être, en un sens, assez terrible et décevant de
constater cela. Et cependant, qui se veut lucide ne devrait jamais, à ce qu’il
me semble, le perdre de vue.
Quoi qu’on veuille bien dire de leur fameuse
« libération », les femmes ont toutes encore ce que j’appellerais un
côté « petite fille modèle » plus ou moins apparent (et dont elles
sont plus ou moins conscientes) mais qui continue de les imprégner, de les
travailler de l’intérieur.
Vouloir changer le monde en délivrant les créatures humaines de
la loi du plus fort, c’est fatiguant et c’est risqué. Ne peuvent y tendre que
les plus conscients et/ou ceux qui n’ont plus beaucoup de choses à perdre.
L’être humain est ainsi fait qu’on ne peut jamais complètement
le « diaboliser », pas plus que l’on ne peut l’idéaliser en totalité.
Il n’est ni « blanc », ni « noir » ; sa
« teinte » est à trouver dans tout un continuum de nuances
intermédiaires.
On s’attache à la vie. Au fond, ne constitue-t-elle pas
l’addiction suprême ?
L’idée de quelque « intelligent design » ne
pourrait-elle pas être suggérée par le fait que les mathématiques expliquent
(et ont permis de comprendre)
l’agencement et le fonctionnement du monde physique, que ce dernier, à
tous ses niveaux, obéit à de grandes lois bien précises ( relativité, mécanique
quantique, principes de la
thermodynamique et
théorie du chaos, théorie de l’information…) et que
même le monde vivant, quoique très complexe et difficile à cerner, reflète
souvent un agencement mathématique (lire, à ce propos, l’ouvrage de Ian
STEWART, Les mathématiques du
vivant ou La Clé des mystères de l'existence, Flammarion, 2013).
Le fameux
phénomène de « déconnexion » de la réalité, de même que le fameux
« irénisme » bobo actuellement tant reprochés aux élites françaises
trouvent, pour une assez bonne part, leur explication dans l’entre-soi, dans le
goût du regroupement par affinités, lequel a tendance à organiser des
« citadelles ».
Frileux de
« nature », le Français contemporain, en dépit de ses sonores
paroles, aime à rester plutôt confiné en la compagnie de gens qui lui
ressemblent - et ce n’est certainement pas le développement exponentiel du
narcissisme que promeuvent les mœurs « modernes » au goût du jour qui
va le détourner d’une telle propension. Il n’aime le « dépaysement » qu’à des niveaux
superficiels et à des doses homéopathiques, ponctuelles, prudentes. Chez lui,
l’ « ouverture à la diversité » et l’ultra rabâché « Vivre
ensemble » ne sont souvent pas autre chose que des manières de
« mantras », des snobismes qui, finalement, n’ont pas une profondeur
très grande et donc, possèdent de sérieuses limites.
Je viens
d’une famille de métis. Pour moi, « noir » est un qualificatif qui se
mettra toujours entre guillemets ; et il en ira toujours aussi, de même,
en ce qui concerne le qualificatif « blanc ». Ces mots, en ce qui me
concerne, sont vides de sens, de résonance, et ce depuis toujours. Tant
pis pour ceux qui veulent souvent, non sans acharnement, me ranger dans
leurs petits compartiments rigides !
L’être est-il sa propre autojustification ?
Le Britannique est un snob qui, au moins, assume son snobisme.
Le Français en est un aussi. A part qu’il ne l’assume pas.
L’idéal de la femme soumise est un idéal de gamin. Il trahit la
fragilité, l’immaturité masculines.
Ménager les puissants, telle semble être la règle d’or, la règle
numéro 1 dans toutes les sociétés que recèle le monde animal – les sociétés
humaines comprises. Le mot-clé, celui qui ouvre toutes les portes est, et demeure
« POUVOIR ».
Instinctivement (pourrait-on dire), les gens « se
couchent » devant le pouvoir comme le font, sous le vent, les herbes. Même
si beaucoup le haïssent et lui en veulent aux tréfonds d’eux-mêmes, ils n’ont
qu’en de rares occasions l’audace, ou peut-être surtout un esprit de groupe
suffisant pour véritablement et efficacement parvenir à le défier (y compris en
« démocratie »).
Le capitalisme actuel se méfie de la philosophie, de la sagesse,
car la pensée, cela peut vous détourner de quelque chose qui lui est plus que
précieux, essentiel, indispensable : le désir et ses frustrations, sa
labilité capricieuse et, forcément, superficielle.
Tout ce qui distrait de la consommation brute et changeante, moteur du système, lui est éminemment suspect.
P. Laranco.
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