mardi 23 janvier 2018

Les DEUX CŒURS de Umar TIMOL (Moris).



On a deux cœurs. Le premier amoureux de ses origines, de son identité première, une oeuvre maternelle. Le deuxième amoureux de l'ailleurs, un ailleurs qui s'apparente, par certains aspects, à de l'asservissement mais qui est séducteur et souvent irrésistible. Ces deux cœurs subsistent dans un même corps. On ne peut les distinguer tant ils se ressemblent. On ne cesse de célébrer ce cœur, qui puise ses racines dans la terre, et ainsi de dire notre appartenance à notre culture, nos coutumes ou notre religion. Mais c'est un cœur défaillant, fragile, qui ne meurt jamais tout à fait, on pourrait s'en passer à vrai dire mais le remords et la nostalgie nous en empêchent. On aime le deuxième cœur autrement, il y a des élans d'enthousiasme à son égard mais on n'arrive jamais vraiment à s'abandonner à lui. Il nous arrive parfois de le détester. C'est un cœur cependant irrésistible. Il est de l'ailleurs. On finit par céder à ses avances. Son rythme est frénétique, ses promesses folles, il dit l'aventure, la liberté et l'épanouissement de l'être. Il finit souvent, au bout du compte, par nous décevoir. Pourquoi est-ce qu'on ne le déracine afin qu'un seul soit ? Celui plus authentique, plus vrai. Peut-être c'est la peur, peut-être que le cœur premier risque de nous tuer alors qu'on a tellement envie de vivre, peut-être parce que le rêve est la substance des affamés. Et on est des affamés. Et ce cœur ne parvient à taire cette faim, cette rage. Certains parviennent à déraciner ce cœur, ils sont joyeux pendant un temps avant que le regret ne transmue leur peau en un lieu désertique. D'autres extirpent le cœur de l'ailleurs de leurs corps mais ils se flétrissent au bout du moment, corps devenus ces terres sèches et arides. Un seul cœur suffit mais on a deux cœurs. On aimerait qu'ils battent à l'unisson, qu'ils conjuguent leurs rythmes et le sang qui afflue dans leurs veines mais un seul cœur suffit. Un seul suffit. On a deux cœurs et on se meurt, à chaque instant, de tant aimer mais d'un amour dont la sentence est l'infidélité à soi.






Umar TIMOL.





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