Elle nous donne l’envie de vivre. Ensuite elle nous fait disparaître. La mort est l’érection d’une démolition.
Je suis un homme mort depuis ma naissance. Je persiste à remplir l’espace. J’aurai aimé le saturer. L’espace a besoin de ma présence pour s’étendre, et pour vivre. L’espace, de par la mort qu’il hèle, me contraint à l’exigüité. Je suis l’être exigu. Une narine qui aspire l’air atmosphérique pour alimenter la machine de la mort. Je suis né mort.
Les êtres m’en veulent d’être l’être qui meurt.
Je n’ai pas d’amis. Je n’ai pas d’ennemis. Je vois passer des ombres. Je les vois s’évanouir dans leur portion d’absence figurée, matérielle
Les humains m’ennuient. Ils sont toujours là à te demander des comptes. Ils sont toujours là à vouloir savoir ce que toi-même tu ne sais pas, à vouloir comprendre ce que ton entendement est incapable de saisir. Les humains m’ennuient. Ils sont l’incessante revendication. Ils veulent savoir et comprendre. Moi, je me contente de disparaître. Je disparais en silence. Je ne veux pas laisser de trace. Je veux m’évaporer comme l’eau qui coule sur le sable dans la canicule, sans même laisser de souvenir.
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Voir passer les choses. Voir s’en aller ce qui s’en va. Je n’ai pas de désir. Je ne veux rien retenir dans le carcan du désir, ni sous le joug du pouvoir, ni à l’intérieur d’une structure, ni à la périphérie d’un doute, ni dans la geôle d’une certitude. Je ne veux rien savoir, rien comprendre, rien apprendre.
Le bouddha a eu la « révélation » au bas d’un arbre mort.
Je vis dans le creux d’un arbre mort.
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Grand esprit ! Donne-moi la lune à manger comme on ronge un os.
Comme on ronge l’os poudreux, sans moelle d’une vie qui va s’enténébrant.
Grand Esprit ! Donne-moi la force de prononcer la première syllabe de ton nom, et de m’en aller, lapant et avalant tes nappes de désert. Grand-esprit ! Apprends-moi à aimer mon prochain comme on saigne, apprends-moi à haïr mon prochain comme on naît, apprends-moi à abandonner mon prochain au creux de l’arbre mort à la merci des bêtes sauvages de l’illusion. Grand-esprit ! Je ne suis pas ton esclave. Je suis ton maître. Je suis celui qui, par mes innombrables manquements, te fait venir au jour, et grandir, et me dominer. Tu n’étais pas avant moi. Tu ne seras pas après moi.
Tu enfanteras dans la douleur et tu mangeras ton pain à la sueur de ton front, dit le Texte.
Hicham OUADGHIRI.
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