vendredi 31 janvier 2020

Un texte extrait du dernier recueil de poèmes de Richard TAILLEFER (France).




Mon village en 2019.

Aux pieds des Alpilles, mon village est un endroit comme un autre. La campagne a perdu ses parfums de vignes, de lavandes et d’oliviers. Le kafé et quelques commerces résistent à l’appel du large.

Trois troupeaux dans les champs et de nombreuses brebis bleu marine dans les rues sombres. On accuse les loups venus d’ailleurs de tous les crimes.

Les souvenirs les plus lointains de mon enfance n’ont plus de prise.

Pourtant, on y fait la fête, on boit, on mange, on y pêche. On s’engueule, on se bat. On y meurt aussi, parfois.

Univers campagnard, le ton se fait drôle et grivois, grave mais jamais tragique. On raconte encore des histoires de doryphores. Les vieux témoins muets ont perdu leur patois,

« il ne faut pas aller en pré après la Saint Martin ». Restent ces pierres lourdes qui ont sonné sous l’outil du manant.
Le sel de leur front est un peu de leur sang.

Qui se souvient de ce 2 décembre 1851 ? Mémoire du passé. Ceux de la société secrète montagnarde d'Artignosc. L’image de la barricade. Les derniers insurgés d’Aups.

« Martin Bidouré, un enfant presque (il n’avait que 17 ans) tomba en murmurant : — N’aï proun !
(J’en ai assez) ».


















Richard TAILLEFER.
In Où vont les rêves quand la nuit tombe, éditions Gros textes, collection La petite porte, 2020. 












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