Mon village en 2019.
Aux pieds des Alpilles, mon village
est un endroit comme un autre. La campagne a perdu ses parfums de vignes, de
lavandes et d’oliviers. Le kafé et quelques commerces résistent à l’appel du
large.
Trois troupeaux dans les champs et
de nombreuses brebis bleu marine dans les rues sombres. On accuse les loups
venus d’ailleurs de tous les crimes.
Les souvenirs les plus lointains de
mon enfance n’ont plus de prise.
Pourtant, on y fait la fête, on
boit, on mange, on y pêche. On s’engueule, on se bat. On y meurt aussi,
parfois.
Univers campagnard, le ton se fait
drôle et grivois, grave mais jamais tragique. On raconte encore des histoires
de doryphores. Les vieux témoins muets ont perdu leur patois,
« il ne faut pas aller en pré après
la Saint Martin ». Restent ces pierres lourdes qui ont sonné sous l’outil du
manant.
Le sel de leur front est un peu de
leur sang.
Qui se souvient de ce 2 décembre
1851 ? Mémoire du passé. Ceux de la société secrète montagnarde d'Artignosc.
L’image de la barricade. Les derniers insurgés d’Aups.
« Martin Bidouré, un enfant presque
(il n’avait que 17 ans) tomba en murmurant : — N’aï proun !
(J’en ai assez) ».
Richard TAILLEFER.
In Où vont les rêves quand la nuit
tombe, éditions Gros textes,
collection La petite porte, 2020.
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