Je sais.
Les ruines se pavanent. En
caravanes. En rangs d’oignon. Titanesque défilé d’ombres.
Je suis plantée au carrefour. A l’intersection
décisive. Là où sont les rouleaux de vent ; les nuages empalés aux
arbres. Où le vide, lui-même…se vide.
Bons vœux ! Bons vins !
Bons vieux ! Bons veaux !
Je gobe des parcelles d’air. Qui passent
à proximité.
Sur ma langue, quelques photons. Qui
fondent, telles des pastilles. Avec un goût acidulé. Un dernier éclat de
pépite. Bref.
Je sais. Les particules hésitent. La
bave blanche et bleue ondule. L’instant n’est jamais qu’un instant. Il ne faut
pas lui faire confiance.
Chut ! Tout, de nous, est creux
et courbe.
On s’évapore dans l’azur.
Demain est à double tranchant. La
lune a chu dans la rigole. Entraînée par ses rides sales. Personne ne la
ramassera. Elle serait trop dégoulinante. Puante. Maculée de boue et de merde.
Je sais. L’aurore est fatiguée.
Zigzags, bris de miroir. Fractures.
Fragilités. Hésitations. Ouvertes
tels des entonnoirs.
Il y a des arrière-pays. Qui ont des
géants à échasses. Et de l’herbe qui pue le gaz.
Nomme-moi quelque chose d’autonome !
Les sable …Oui, le sable, peut-être.
La banalité se répète.
Sans quoi comment l’appellerait-on ?
Des étiquettes. Sur les choses. Que
nous, nous dénommons des mots. Pourtant, les choses, en elles-mêmes, parlent.
Depuis bien plus longtemps que nous.
Des embranchements et des fourches.
Et des désorientations. Vertigineuses…mais salutaires.
Le tissu se déchire soudain. Des
anfractuosités paraissent. Et se teintent de rouge-sang. Pour singer les
réseaux veineux.
Quelque part, dans l’arrière-cour, l’étrange
travail se poursuit. Bruit mécanique mais feutré. D’usure et de révoltes
sourdes.
Un chuchotis. Qui n’est pas nôtre.
Vas-y, dis ce que tu es et,
aussitôt, tu cesseras de l’être !
Regarde, un peu…les volets qui
attendent, sans moufter, que tu passes.
Ecoute un peu…la dérision que fait
planer le haut piaulement des mouettes.
Apprends à lire le monde qui est
posé juste à côté des mots !
Balafre la membrane de mots et de sens
que tu as tissés !
Pars dans tous les sens,
éparpille-toi comme une graine printanière ! Redeviens le pollen illuminé
et en apesanteur capricieuse !
Mais tu es toujours là. Tu attends.
Tu crois atteindre par l’attente.
Les tigres de papier pépiaient.
Les monuments écrasaient le monde.
De leur sévérité rigide. Ou de leur rigidité sévère.
Pierre et vent. Quand je vins ici. L’Europe
se résume à ça. La pierre et le vent. Voilà.
La pierre avait goût d’eau, de sel.
Le vent, saveur aigre et fadasse. Avalé à pleines goulées. Pour un peu l’on
aurait dit que son recourbement naissait de la pierre de taille.
Décider.
Les chemins accourent. Toujours en
ordre dispersé.
Leurs nœuds leurs écheveaux me
glacent.
Raser les murs…mais qu’ils sont
froids !
S’évertuer à conférer une ossature,
à bâtir un squelette à notre vie qui ressemble à un blob, ou au corps d’une
pieuvre…Pour qu’elle tienne debout.
Patricia Laranco.
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