mercredi 8 janvier 2020

Une prose poétique de Patricia LARANCO (Moris/France).




Je sais.
Les ruines se pavanent. En caravanes. En rangs d’oignon. Titanesque défilé d’ombres.
Je suis plantée au carrefour. A l’intersection décisive. Là où sont les rouleaux de vent ; les nuages empalés aux arbres. Où le vide, lui-même…se vide.
Bons vœux ! Bons vins ! Bons vieux ! Bons veaux !
Je gobe des parcelles d’air. Qui passent à proximité.
Sur ma langue, quelques photons. Qui fondent, telles des pastilles. Avec un goût acidulé. Un dernier éclat de pépite. Bref.
Je sais. Les particules hésitent. La bave blanche et bleue ondule. L’instant n’est jamais qu’un instant. Il ne faut pas lui faire confiance.
Chut ! Tout, de nous, est creux et courbe.
On s’évapore dans l’azur.
Demain est à double tranchant. La lune a chu dans la rigole. Entraînée par ses rides sales. Personne ne la ramassera. Elle serait trop dégoulinante. Puante. Maculée de boue et de merde.
Je sais. L’aurore est fatiguée. Zigzags, bris de miroir. Fractures.
Fragilités. Hésitations. Ouvertes tels des entonnoirs.
Il y a des arrière-pays. Qui ont des géants à échasses. Et de l’herbe qui pue le gaz.
Nomme-moi quelque chose d’autonome !
Les sable …Oui, le sable, peut-être.
La banalité se répète.
Sans quoi comment l’appellerait-on ?
Des étiquettes. Sur les choses. Que nous, nous dénommons des mots. Pourtant, les choses, en elles-mêmes, parlent. Depuis bien plus longtemps que nous.

Des embranchements et des fourches. Et des désorientations. Vertigineuses…mais salutaires.
Le tissu se déchire soudain. Des anfractuosités paraissent. Et se teintent de rouge-sang. Pour singer les réseaux veineux.
Quelque part, dans l’arrière-cour, l’étrange travail se poursuit. Bruit mécanique mais feutré. D’usure et de révoltes sourdes.
Un chuchotis. Qui n’est pas nôtre.
Vas-y, dis ce que tu es et, aussitôt, tu cesseras de l’être !

Regarde, un peu…les volets qui attendent, sans moufter, que tu passes.
Ecoute un peu…la dérision que fait planer le haut piaulement des mouettes.
Apprends à lire le monde qui est posé juste à côté des mots !
Balafre la membrane de mots et de sens que tu as tissés !
Pars dans tous les sens, éparpille-toi comme une graine printanière ! Redeviens le pollen illuminé et en apesanteur capricieuse !
Mais tu es toujours là. Tu attends. Tu crois atteindre par l’attente.
Les tigres de papier pépiaient.
Les monuments écrasaient le monde. De leur sévérité rigide. Ou de leur rigidité sévère.
Pierre et vent. Quand je vins ici. L’Europe se résume à ça. La pierre et le vent. Voilà.
La pierre avait goût d’eau, de sel. Le vent, saveur aigre et fadasse. Avalé à pleines goulées. Pour un peu l’on aurait dit que son recourbement naissait de la pierre de taille.

Décider.
Les chemins accourent. Toujours en ordre dispersé.
Leurs nœuds leurs écheveaux me glacent.
Raser les murs…mais qu’ils sont froids !
S’évertuer à conférer une ossature, à bâtir un squelette à notre vie qui ressemble à un blob, ou au corps d’une pieuvre…Pour qu’elle tienne debout.


















Patricia Laranco.













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