mardi 22 octobre 2013
Un texte en prose de Umar TIMOL (Île Maurice) : "FRAGMENT".
Elle contemple son corps. Corps livré à la souffrance. Elle aimerait pouvoir le pétrir, l’achever à force de violence. Elle aimerait pouvoir l’enduire de lumière, pour qu’il s’éveille à son vouloir. Elle aimerait s’en éloigner, puis s’en défaire. Absolument. N’être plus ce corps. Mais elle ne peut pas. Elle appartient à ce corps. Il n’est que la mort qui puisse l’en séparer. Elle sait toutes ses dérives. Ce corps a tout tenté. Exercer les manigances de l’esprit. Ce corps a tout tenté. Livre aux dantesques de la chair. Ce corps a tout tenté. Parfois scellé dans les archives du dénuement. Ce corps a tout tenté. Mais la souffrance subsiste. Ce sont des clous qui transpercent le velouté de sa peau. La souffrance est en lui depuis toujours. Des clous, par milliers, pas millions, des clous qui déchirent, des clous qui blessent, des clous qui récusent tout répit. Elle contemple donc son corps, il est désormais assagi, cloîtré dans un demi-sommeil mais la souffrance couve. Tout à l’heure. Il se remettra à hurler. Sa patience est infinie. Elle le regarde avec tendresse presque. J’appartiens à ce corps. Elle sait tous ses usages. Elle pourrait presque l’aimer. Elle pourrait en faire un temple pour accueillir les âmes égarées. Elle pourrait en faire un temple qui dénouerait les mains trop longtemps murées. Elle pourrait en faire un temple pour que le poète puisse enfin le vénérer. Mais ce corps est d’une autre substance. Elle ne peut que le contempler. Et l’aimer peut-être. Et espérer qu’au-delà de son anéantissement demeurent les mots, ses mots, mots extraits de ses entrailles, mots devenus plus limpides que les fulgurances de la souffrance, mots façonnés par cette même souffrance.
Umar TIMOL.
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Merci Patricia Larenco de nous avoir donné à lire un texte d'une si intense et si poignante beauté .
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