EXPÉRIENCE INOUÏE.
Je fleuris, en solitude nocturne. J’ai déjà tout vu et pourtant, j’apprends encore. Le corps vieillit, l’enfant reste. Malgré leurs cruautés, les envieux, les radins, les méchants n’ont pu l’y expulser. Il y bruisse encore une musique, toute intérieure, profonde. J’écris, tout ouïe à ces appels. Je les laisse guider le carrosse, qui, pour déglingué qu’il soit par les soubresauts de la route, achève, cahin-caha, l’itinéraire anachronique de son trajet lunaire.
Il n’y a pas de tragédie. Le cocher ne s’occupe que des chevaux. Le parcours est dessiné par un autre. Il y a, même, surtout, une calamiteuse satisfaction d’avoir évité tous les pièges d’une quelconque possession, de s’être mis en dehors de l’action insane exigée par le système, d’avoir scrupuleusement méprisé toutes formes du pouvoir. Elle me met hors de toutes réflexions, politiques ou sociales, sur l’actualité contemporaine. Elle me ringardise.
Parler de soi sans y mettre un sel de l’universel, c’est s’affadir au sentimental ou à la pédanterie intellectuelle, s’agiter au milieu d’un vide, être irrévocablement banni d’une merveilleuse, possible explication, de la présence sur terre. J’ignore si ces lignes nagent hors de cet écueil.
Heureusement et je ne peux expliquer comment, j’inculquai à ma peau la reconnaissance du beau Les rencontres d’aînés permirent cette audace. La folie l’entretint.
Cinquième jour de juin, sans autre chose à faire qu’avaler, par la paupière, un filandreux soleil de juin, je vis, en mon corps, l’expérience inouïe du vivant.
Serge-Mathurin THEBAULT.
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