L’écrivain mauricien Umar
TIMOL nous donne ici son deuxième roman. Un roman encore moins classique que l’était
son Journal d’une Vieille folle.
Le Monstre, c’est 76 pages de monologue
halluciné et fébrile qui nous conduisent dans un univers de science-fiction, de
post-apocalypse. Répétitif, incantatoire, le verbe est celui d’un long poème en prose par ailleurs
riche de méditation d’ordre philosophique, existentiel. Au fil des pages, le
héros, le fou s’englue dans un ressassement fiévreux de sa honte d’appartenir à
une espèce folle. Il aspire à nier, à répudier toute parcelle d’humanité en lui.
Car la nature humaine, qui a tout détruit, est fondamentalement destructrice.
La logique de son destin ne peut la mener qu’à la folie, une folie annihilante
mais en même temps raisonnante.
La folie est un
huis-clos, en fait une sorte de huis-clos initiatique où, justement, l’être
humain va jusqu’au bout de son essence monstrueuse.
Seul, terré,
traumatisé, tourmenté par ses démons, divorcé des Hommes, le héros n’a plus qu’à
s’abandonner au délire de son désespoir, de son colossal deuil. A l’envers du
fameux conte de La Belle et la Bête,
il cherche sciemment, au prix d’une sorte d’ascèse, une métamorphose qui le
fera renouer avec ce qu’il y a de « bestial » en lui. Car depuis
longtemps les chimères, les mensonges de l’humanisme n’ont plus de sens.
Plus encore que le Journal
d’une Vieille folle, le livre est terriblement sombre. Sa vision pessimiste
est digne d’une certaine tradition anglo-saxonne.
L’humanité est-elle,
sous sa forme actuelle, condamnée à s’autodétruire ?
Si elle veut survivre,
n’aura-t-elle d’autre choix que celui de muter radicalement, de dépasser son
stade actuel qui, après tout, n’est autre que celui d’un pauvre animal encombré
d’une cerveau trop grand, trop compliqué pour lui, d’un être en somme trop
composite pour ne pas représenter, in fine, un échec de l’évolution ?
Sais-tu l’enfer de la conscience […] ?, hurle le dernier Homme. Cri de Munch ?
L’aspiration à l’auto-dépassement,
à la pureté de l’Homme est-elle de l’ordre de la démence ?
Les paradoxes, les
tensions entre des pôles contraires qui l’habitent sont-ils tenables ?
Voilà quelles sont les
questions, très contemporaines, auxquelles nous renvoie ce roman qui, par
ailleurs, n’est pas sans refléter aussi fortement les préoccupations qui sont
celles de l’individu, du poète et de l’écrivain spiritualiste Umar Timol :
l’âme est-elle un fardeau pour l’être de chair, la bête que nous sommes encore,
ou bien est-ce le corps - boue, vecteur d’animalité pesante – qui doit
disparaître, s’autodétruire ? Notre aspiration à l’immatériel, à l’élévation
de l’âme, de l’être est-elle fondée ?
Pourquoi sommes-nous
portés à chercher ce que Timol évoque si souvent dans son œuvre : la
lumière, symbole éthéré de libération, d’allègement et d’Absolu ?
P. Laranco.
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