mardi 8 avril 2014

Patricia LARANCO interviewe Aqiil GOPEE au SALON DU LIVRE DE PARIS !

Aqiil GOPEE.







Nous sommes le samedi 22 mars 2014, en plein après-midi, au SALON DU LIVRE DE PARIS qui se tient, comme chaque année, au Parc des Expositions de la Porte de Versailles.
Le tout jeune écrivain mauricien Aqiil GOPEE, 16 ans, vient à peine de recevoir, en mains propres, son PRIX DU JEUNE ECRIVAIN DE L’ORGANISATION INTERNATIONALE DE LA FRANCOPHONIE, lors d’une table ronde réunissant, au stand P76, quatre jeunes espoirs de la littérature francophone mondiale. Bien sûr, il rayonne de bonheur.
Si j’ai tenu à l’interroger, à obtenir de lui cette « interview », c’est que ce jeune surdoué de la littérature, auteur de nouvelles et de textes poétiques, est l’un des représentants les plus prometteurs de l’avenir de la littérature mauricienne.



PL :
Comment, Aqiil, le « virus » de l’écriture vous est-il venu?
AG :
A l’âge de 11 ans, je lisais déjà beaucoup. Essentiellement de la littérature fantastique, toujours en langue française. J’aimais particulièrement  ce qu’écrivait  R. L  STYNE. Tout cela m’a donné l’envie de raconter une histoire, et de publier.
PL :
De publier, d’emblée ?
AG :
Oui.
En premier, j’ai écrit une petite nouvelle, restée inédite, La créature des neiges. C’était une histoire fantastique.
PL :
Avez-vous, dans votre démarche d’écriture, été encouragé, soutenu par votre milieu familial ?
AG :
Oh, oui, mes parents m’ont beaucoup encouragé, surtout mon père. Mon père m’a introduit à la lecture. Il m’achetait beaucoup de livres.
PL :
Et ensuite ? Quelle a été la suite de votre cheminement ?
AG :
Eh bien, à 14 ans, j’ai appris, par Umar TIMOL, l’existence de L’Atelier d’Ecriture, de Barlen PYAMOOTOO, qui se tenait à  l’Institut Français de Rose-Hill…et je me suis mis à le fréquenter chaque samedi, de 10h à 12h. Barlen m’a apporté énormément de conseils, d’ordre littéraire ; pour le reste, je recevais aussi certains conseils, d’ordre éditorial, de Umar.
Je travaillais toujours à mes textes chez moi, puis, le samedi, j’apportais ma production à l’Atelier, où Barlen me la corrigeait. Il y avait aussi des lectures communes des textes de tous les participants, par conséquent beaucoup d’échanges, et c’est une chose qui a été très importante pour moi. Ça m’a apporté beaucoup, je dois dire que je me suis senti pris en charge, et que ça m’a aidé. Grâce à cette « école » qu’a  été pour moi l’Atelier – et qui a duré deux ans – j’ai le sentiment d’avoir beaucoup progressé dans mon travail d’écriture.
PL :
A côté de ça, y-a-t-il eu, pour vous, d’autres sources d’encouragement ?
AG :
Oui, j’ai été encouragé, aussi, par l’un de mes professeurs. C’était un professeur de Français de l’Alliance française, qui me donnait des cours particuliers.
PL :
Que s’est-il passé, après tout ça ?
AG :
En 2011, j’ai participé au prix du LIVRE D’OR, un prix mauricien ; il était présidé par ANANDA DEVI. En fait, le jury était composé de Ananda Devi, Issa ASGARALLY, Vèle PUTCHAY, BERTHELOT, des gens assez conséquents…J’ai obtenu, à ce concours, une mention spéciale.
Ensuite, j’ai cherché, tout seul, un éditeur en ligne, et j’en ai trouvé un : EDILIVRE. J’ai pu, ainsi, publier pour la première fois, en version e-book et en version papier classique, une histoire fantastique que j’avais écrite, La Pièce.
PL :
Quel en était le thème ?
AG :
Un grenier vivant….mais je n’étais pas vraiment satisfait de ce texte.
Parallèlement, je continuai à lire. Beaucoup.
PL :
Donc ?...
AG :
J’ai fini, au bout d’un certain temps, par aller de nouveau voir Barlen, et je lui ai proposé un autre manuscrit, intitulé Fantômes ; il a accepté de le publier. Le livre est paru aux Editions de L’Atelier d’Ecriture.
PL :
Parlez-moi un peu de ce livre…
AG :
Fantômes, c’est un recueil de nouvelles.
PL :
Mais encore ? Pourquoi le choix de ce titre ?
AG :
Eh bien…parce que je considère qu’on a tous des fantômes en nous ; mes personnages principaux sont tous hantés, d’une manière ou d’une autre.
PL :
Comment ce livre a-t-il été reçu du public ?
AG :
Bien. Le recueil a été tiré à 400 exemplaires. La publication a été relayée de façon satisfaisante à Maurice, que ce soit en librairie ou par la presse. Elle était en rayons, notamment, à la librairie L’Atelier littéraire, et elle s’est bien vendue.
La même année, celle de la parution de Fantômes, les Editions de l’Atelier ont fait paraître une seconde publication : un recueil de poèmes, cette fois. Il porte sur le thème du désir, de l’amour impossible, et son titre est Orgasmes.
PL :
Orgasmes ! C’est un titre audacieux. Quelles réactions a-t-il provoqué, surtout venant d’un tout jeune homme, dans une île où les mentalités restent tout de même passablement puritaines ? N’y a –t-il pas eu des gens choqués ?
AG :
Non, les gens, dans l’ensemble, n’ont pas été choqués négativement. Les mentalités évoluent. Les jeunes, maintenant, à Maurice, parlent de « ces choses » de façon de plus en plus libre. Du reste, les textes contenus dans ce recueil, en eux-mêmes, n’ont rien de choquants, de trop érotique. J’ai éprouvé le besoin d’écrire moi-même la préface de ce livre.
PL :
Pourquoi ?
AG :
Parce que j’ai vu là un excellent moyen de m’exprimer.
PL :
Qu’est-ce qui, subitement, vous a donné l’envie d’écrire de la poésie ?
AG :
Eh bien, je suis venu à la poésie, assez étrangement, par la prose…en lisant Le non-désir, d’Ananda Devi. Ananda Devi a une écriture en prose fortement marquée de poésie.
PL :
Qu’est-ce que la poésie représente pour vous ?
AG :
Une évacuation de tout ce qui m’habite, de tout ce qui est négatif : les frustrations, les doutes, également une certaine colère…Voilà, pour moi, la poésie, ça sert à ça.
PL :
Ce recueil a-t-il le même écho que Fantômes ?
AG :
Oui. En tout cas il est diffusé exactement de la même manière : il est en rayons à la librairie L’Atelier littéraire et à la librairie Le Cygne.
PL :
Et maintenant ? Quels sont actuellement vos projets ?
AG :
Actuellement, je travaille sur un projet de roman. Un vieux projet, qui était un peu en sommeil. Mais j’ai eu la chance de rencontrer  Jean-Noël SCHIFANO au dernier SALON CONFLUENCES, à Maurice ; il travaille chez Gallimard ; nous avons parlé, et il m’a encouragé à reprendre le projet. Je m’y suis donc remis, avec une sorte de sentiment de pression. J’ai le ferme espoir de finir ce roman cette année.
PL :
Quel en est le thème ?
AG :
Cela tourne autour de trois femmes, qui ont un point de vue chacune sur la même affaire. Une vieille femme, qui fait plus ou moins partie de leur voisinage commun, s’est fait violer. Ce que je cherche à étudier, à creuser, ce sont leurs réactions…
PL :
Parlez-moi maintenant de votre manière concrète de vivre l’écriture… quand, et comment écrivez-vous ?
AG :
J’écris tous les deux ou trois jours. Sur ordinateur, chez moi. Surtout la nuit, lorsqu’il n’y a que le vide. Lorsque je suis tranquille.
Pour le reste, je laisse venir. J’ai une idée, des personnages qui me viennent, qui s’imposent à moi, puis je les laisse vivre.
PL :
Quelles sont vos références littéraires ?
AG :
Ananda Devi. J’ai lu la presque totalité de ses livres. De plus, j’ai eu la chance de la rencontrer.
PL :
De quoi vous a-t-elle parlé, au cours de ces rencontres ?
AG :
Du doute de l’écrivain, du mirage et du caractère éphémère du succès, de la déception qui suit un refus d’éditer, de la frustration.
PL :
De quelle manière voyez-vous votre avenir ?
AG :
L’écriture n’est pas mon but principal dans la vie. Cependant, sur le plan professionnel, je ne sais pas encore ce que je vais faire. Je dois avouer que l’avenir m’angoisse un peu. Rien n’est jamais acquis.
PL :
Comment voyez-vous le milieu littéraire mauricien ?
AG :
Je le vois de manière très positive, car il est de haut niveau. Il recèle beaucoup de talents d’envergure internationale. C’est un petit cercle. Mais beaucoup ont le potentiel pour le rejoindre. C’est pourquoi c’est le plus souvent possible que j’encourage les plus jeunes à croire qu’ils ont une voie dans l’écriture, et à ne pas se laisser étouffer par ce que les adultes veulent pour eux.
PL :
Comment définiriez-vous, en ce moment même, votre état d’âme ?
AG :
Je suis heureux, mais j’ai aussi pas mal de doutes, pas mal d’angoisses : je me demande souvent, par exemple, si, en tant qu’écrivain, je vais être à la hauteur de ce qu’on attend de moi. Et je me méfie des compliments !
PL :
Aqiil, vous écrivez actuellement uniquement en langue française. Avez-vous envisagé d’écrire, un jour, dans une autre langue ?
AG :
Oui. Il est possible qu’un jour, j’écrive en Anglais, ou en Kreol.












Voici quelques questions complémentaires, que j’ai posées à Aqiil par courrier électronique, quelques huit jours après la rencontre que nous avons eue au Salon du Livre :


PL :
Comment réagissez-vous à l’obtention de votre prix ?
AG :
Ce n’est que du bonheur. C’est pour moi la confirmation que j’ai réussi à m’élever jusqu’à la plateforme internationale, que mes écrits peuvent être reconnus autant à Maurice qu’ailleurs. Évidemment, ça me motive à fond pour continuer, pour ne pas m’arrêter maintenant.
PL :
Est-ce que vous vous sentez « différent » des autres jeunes de votre âge, du fait de votre précocité ?
AG :
Sur certains points, oui, forcément, mais en gros je pense suivre la même « culture » qu’eux, car je suis un jeune avant tout. J’ai juste peut-être une perception plus réfléchie du monde.
PL :
Quel souvenir garderez-vous de votre séjour à Paris ?
AG :
Il m’arrive de pleurer en y repensant. Cette semaine a été la meilleure de ma vie, pas à cause de l’obtention du prix mais à cause des personnes extraordinaires que j’ai rencontrées, en particulier les autres lauréats, qui venaient de la république démocratique du Congo, du Liban, de France, de Suisse, du Burkina-Faso, du Québec, de la France ou de la Belgique. Nous avons partagé ensemble des moments inoubliables, et leur souvenir restera à jamais là, dans mon cœur.






Patricia Laranco.



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