TIGE
Une tige, un matin,
et le soleil prend pied,
les yeux voilés devant la lente,
l'éblouissante, l'immense mort
promise au jour...
Une tige, avant tout,
avant le feu et la fumée,
pour la raison que le mot tige
c'est le nouveau nom de la vie,
son nom pour tout,
celui là même que personne
jamais n'entend pour ce qu'il est,
que nulle bouche ne vient souffler,
aucune elles sont taillées pour l'eau,
l'eau du silence,
l'eau si dormante et si profonde
que déjà dans la nuit des temps
les hommes l'appelaient néant :
aucune bouche n'est à même,
n'est en mesure de dire: « Tige !... »
pas une seule et pas la tienne
qui ne sait rien de l'éloquence,
qui ne sait que broyer le noir,
celui de l'ombre et du silence
qui règnent où est tombé son corps,
aucune bouche ni la tienne,
qui n'a de cesse de broyer
dans tes papiers carbonisés
l'encre brûlée de chaque nuit
question de remâcher tes mots
avant d'interpeller la ville
du haut des minarets venteux,
toujours au sujet de la flamme,
encore au sujet de la cendre
au sujet de la perte...
après il y'aura tant d'absence,
il y'aura tant d'affreux mutisme
qu'il faut perfectionner le cri,
prier qu'il soit monté en graine
l'articuler
sur le mot tige,
et puis l'envoyer noir sur blanc
sans autre signe avant-coureur,
le cracher poétiquement
pendant qu'on est à la hauteur,
en pluie, à la face du ciel ...
Henri Etienne DAYSSOL
in Voxpoési, Colonna Edition, 2014.
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