vendredi 20 novembre 2015

Le CHAOS vu par Umar TIMOL (île Maurice).

Et sans doute il faudra taire les mots et leurs platitudes, on ne leur inventera pas un nouveau sens, susceptible de dire le chaos, de raconter le chaos, on n'en fera une armure pour s'en protéger, on n'en fera une passerelle entre le néant et la vie. On sait ce qu'ils sont, ce qu'ils peuvent accomplir. Mais on y retournera quand même, comme ces mers qui ne peuvent jamais désemparer l'étreinte des rivages, on y retournera, avec une plus grande ferveur et on les déploiera, on leur accordera notre souffle le plus puissant, on les mêlera aux rythmes de notre corps, on ne cessera de les peaufiner, on les brutalisera parfois parce que c'est tout ce qu'il nous reste. Cela ne nous dispensera pas de l'analyse, cela ne nous empêchera de tendre nos mains vers les autres, cela ne nous empêchera d'êtres humains, confondus par notre précarité, notre incapacité à être, par nos absolus irrésolus, cela ne nous empêchera pas de nous enraciner encore plus dans nos gouffres. Et on se remettra à écrire et les mots parfois deviendront des versets, de lumières ou d'absences, qu'en savons-nous et qu'importe et les mots parfois énonceront les sortilèges de la beauté et les mots seront parfois cendres, anéantis par les sépultures de la nuit et les mots exorciseront ces éclipses constellées de plaies. Et les mots ne serviront à rien. Le chaos ne cessera son règne. Est-ce que vous savez que désormais tout fleuve est de la matière du sang ? Est-ce que vous savez que désormais les larmes sillonnent les corps pour y creuser des sillons infestés de lave ? Est-ce que vous savez que l'univers se dissipe à force de larmes ? Est-ce que vous savez que les os demeurent enfouis sous la terre car l'apocalypse ne peut désormais être ? Il est tant de sang que le sang des hommes s'est tari. Il est tant de sang qui pestifère les linceuls qu'ils se mettent à pourrir. Il est tant de sang que les crépuscules sont altérés. Le chaos ne cessera son règne. Les hommes sont les esclaves des élans de la destruction, ils sont de cet acharnement, ils saccageront avant de parfois nouer des liens plus solides que les tissages du silex et ils saccageront encore afin avant de transcrire les usages de l'amour dans leurs veines et ils saccageront avant de déposséder la pierre de tous les velléités de la violence et ils saccageront encore. Ils en sont les esclaves. Et on retournera aux mots, qu'importe l'heure, le jour, le temps n'est plus lors que les mots sont, mots dérisoires, on sait tout d'eux à trop les pratiquer, ils demeurent incompris, revêtus de guenilles, ornés des cavales de leur impuissance et on retournera aux mots, on les écartèlera s'il le faut, on les transmuera s'il le faut, on les trempera dans les eaux du baptême, dans des sources visqueuses, dans les entrelacs rendus obscurs par les cataclysmes, qu’importe, on les enduira d'argile, de diamants, d'or, qu’importe, on les contraindra à dire, on les cisèlera pour qu'ils en finissent avec le chaos. Mais le chaos sera. Et les mots aussi. Semblable à une ombre qui lui est toujours fidèle et qui ne cesse de dévisager sa folie.



Umar TIMOL.

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