mercredi 11 novembre 2015

Lecture ( poésie française) : Richard TAILLEFER, "POEVIE BLUES", èditions PREM’ediT, 2015.





Oui, Richard TAILLEFER a raison :

« Ecrire
C’est un coup de poing
Qui cogne à la mâchoire des morts-vivants
Un soleil qui gicle de partout

Une blessure
Oubliée entre les pages »

D’où, sans doute, ce recueil qui porte admirablement son nom ainsi que sa couverture, d’un bleu très sombre : « PoéVie Blues ».
Une centaine de pages, quatre chapitres (Tendresse dans la pénombre ; Que sont devenus nos rêves d’oasis ? ; « Avant que LOU me mange » et Nous sommes tous des sentinelles fautives), une alternance de textes de prose poétique et de poèmes en général courts…on retrouve là la sobriété pudique et la densité qui caractérisent cet écrivain profond, doublé d’un homme de plein cœur, mais sur un mode, me semble-t-il, nettement plus grave, plus fataliste et plus pessimiste.
Si le poète engagé, l’homme sensible et attentif à l’ensemble de l’univers qui le baigne sommeillent toujours, on sent au détour de ces pages à la saveur fortement « automnale », tout le poids de la distanciation, de la détresse face à ce temps nouveau qui nous dépasse, de l’infini (Que d’étoiles sans fin / Pour tant d’espaces vides), de l’indifférence humaine, des absences qui, au fil du temps, se sont creusées, de La fatigue des os qui tous, nous laisse un peu sans ressort, d’une sorte de résignation teintée d’un certain nihilisme.
La solitude, l’absurdité (au sens sartrien) s’abattent sur nous – ou bien plutôt s’infiltrent en nous d’une façon insidieuse mais non moins prenante, comme le font les brumes tièdes, feutrées, en demi-teintes de l’été indien. Pas d’enfer pour aller voir si j’y suisOn ne fait qu’attendre…[…] Egaré dans l’opacité du réel, la […] peau […] Surface sensible / Sous la menace d’un essaim de guêpes.
Le ton de ce recueil est triste.
La seule consolation, dans tout cet amas de lucidités, de déceptions, d’inquiétudes et de pertes est – et demeure- cependant  L’extase du poète.
De ces vers (et non-vers), on retire un sentiment de retrait pour cause de lassitude.
Le balancement (l’hésitation ?) entre le « Carpe diem » contemplatif et une forme discrète, mais suintante de désespoir existentiel est omniprésent. De sorte que l’émotion se met à nous serrer, à nous tordre la gorge.
Poète jusqu’au bout des ongles et jusqu’à la racine des cheveux, Richard Taillefer est resté l’étranger, l’être à part, le semi-philosophe sans aucune prétention, mais riche de sincérité comme d’instinct qu’il fut toujours. Il s’enfonce à présent dans sa retraite, dans son retrait pensif, dans ses soupirs lancinants et pudiques.
S’immerger dans l’instant – plein à craquer de choses et de joies vraies, simples, minimes et d’autant plus précieuses, ou sentir approcher, à pas de loup inexorables, la nuit et le vide qui nous guettent tous ? Il ne le sait. Il est trop humble, et trop conscient de certaines données, pour prétendre savoir. Dans ces conditions, il ne peut que dire Je […] passe le témoin.
Richard Taillefer se définit lui-même comme un poète débraillé. Pour ma part, j’y ajouterai volontiers « poète désabusé ». Le/la poète seraient-ils « bluesy » par essence, par nature même ?
Il faut en tout cas saluer ce langage attachant et accessible à tous, qui sait tellement bien dire ce qu’il a à dire, en faisant bellement mouche.





P. Laranco.

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