Le système sert à
perpétuer, par des moyens divers, le pouvoir et les privilèges de certains
groupes au sein de la société. Sa force tient au fait qu'il exerce une emprise
presque absolue sur nos vies mais que nul ou presque ne sait qu'il existe.
Ainsi il est omniprésent, inséré dans notre quotidien, semblable à une ombre
qui nous accompagne, décide, dans une grande mesure, de nos destins, mais cette
violence, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit est le plus souvent douce.
Elle peut être brutale, la domination brise alors les corps, mais le système
privilégie d'autres méthodes. Comment est-ce qu'un tel mécanisme, grotesque a
bien y voir, parvient à perdurer ? D'abord parce qu'il contrôle, par le biais
des images et des mots, notre pensée. On a le sentiment d'une prolifération
extrême de l'information, tout peut être dit et tout est dit, cette liberté
suscite une certaine ivresse, tout le monde, par la magie de la technologie, se
sent investi du pouvoir de participer au débat public, d'altérer le cours des choses
mais cette hétérogénéité apparente masque un véritable conformisme. Ainsi le
système impose des limites à la pensée, ce n'est pas tant ce qu'il dit qui est
important mais ce qu'il ne dit pas, ce qu'il passe sous silence. Ce silence,
alors que la parole explose, est cette frontière invisible entre le permis et
l'interdit. On ne parlera donc jamais des racines profondes du pouvoir, celles
qui organisent et structurent la société mais du pouvoir apparent qui devient
la cible de toutes les critiques. On offre aux masses des divertissements qui
ne sont pas anodins mais qui détournent leur attention de ce qui est
véritablement important. Et mieux encore, on peut les inciter a un comportement
qui va à l'encontre leurs intérêts immédiats. On peut considérer que c'est
la clef de voûte de la domination. On croit être au plus proche du vrai mais ce
vrai n'est qu'un fragment au sein d'un vaste ensemble qui est caché, invisible.
Il est évident que tout le monde n'est pas dupe. Des voix s'élèvent et
dénoncent. Mais le système sait légitimer ses voix en utilisant une rhétorique
de la diabolisation. Ceux qui sont critiques sont des extrémistes sinon même
des fous. Le système peut aussi monter de toutes pièces des actes de violence
et leur faire porter le chapeau. Ces voix ont ultimement un faible écho, elles
demeurent aux marges parce qu'on les y confine, de force ou de gré. Le système
a, par ailleurs, adopté une stratégie d'une grande efficacité, qui est la
récupération des "élites". Il se trouve au sein de toute société des
têtes pensantes, des êtres qui disposent, à des degrés divers, de
l'influence, qui sont les plus aptes à déchiffrer les mécanismes de
l'oppression, ce qui les rend éminemment dangereux. On les "récupère"
en les intégrant dans des réseaux de pouvoir, qui servent, par exemple, à les
aider dans leurs carrières ou à les propulser sur la scène publique et on parvient
ainsi à les neutraliser. L'ingéniosité de cette stratégie s'explique par le
fait qu'elle donne l'illusion du pouvoir à ces élites alors même que les gens
qui les constituent sont en fait des dominés, des pantins ou des idiots utiles
du système. On constate que ce sont souvent ces élites qui sont à l'avant-garde
du combat contre l'oppression ou l'injustice alors qu'ils sont soumis, sans le
savoir, à une oppression bien plus pernicieuse. Ils se croient lucides,
d'autant plus qu'ils sont généralement très intelligents, mais nul aveuglement
n'est plus forcené que le leur. Mais la véritable force du système, comme je
l'ai dit plus haut, tient à son invisibilité. Il est ancré au sein de nos vies,
il est l'air qu'on respire, les lois qu'on respecte, le système financier, le
système éducatif ou encore et surtout la politique mais on ne le voit pas. On
pourrait le comparer à un spectre qui possède le corps d'un être sans que
celui-ci s'en aperçoive. Et c'est sa force. Et son génie. Le pouvoir qui domine
et écrase, revêtu du masque parfait de son invisibilité. On ne peut se révolter
contre un système dont on ignore l'existence. On ne peut se libérer de l'oppression
alors qu'on ne sait même pas qu'on est opprimé. Ainsi le système parvient-il à
se perpétuer, étendant toujours plus loin les tentacules de sa domination. Pour
qu'une infime minorité puisse jubiler, il faut que la majorité souffre, en
consentant à son asservissement. Telle est la logique du système.
Umar
TIMOL.
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