Te souviens-tu ?
Le vertige de ce jour aimant avait éveillé la clameur des dunes.
Dans le désert, on avait désappris les gammes de la solitude et
elle était tombée en syllabes dans le puits troublé de l’innocence et des
étreintes.
Nous avions le désir entrelacé aux corps étonnés de la
complétude à venir, le ventre chaud et humide des éraflures du plaisir, le
regard tissé du fils de l’ivresse et de la certitude de l’indicible.
Nous n’étions pas faits pour se quitter. Mais les arbres aussi
finissent par mourir un jour, tout comme les feuilles naufragées des émois,
élaguées par le temps et les possibilités de l’ailleurs.
Il faut deux corps qui se parlent pour parer à l’exil du
ressenti.
Mais, aujourd’hui, je vois le crépuscule tressaillir dans
l’inespéré de ta parole car tout mot est incendiaire quand le miroir renvoie au
silence.
Et la nuit s’évertue à renverser les barricades de la quiétude
pour ouvrir une brèche dans l’immanence du désir.
Et je retiens sa leçon : il ne faut pas dévisager l’absente car
nulle ivresse ne saurait naître des blessures de la mémoire ou de l’espérance
candide.
Et c’est avec des mains écorchées d’avoir caressé le vide que je
déplace vers l’estuaire imbibé d’encre et de larmes ce cri nu de l’amour qui
se meurt.
Et je fais ta demeure dans ce vers retenu par le poème pour
clamer le visage défiguré des rêves et des souvenirs.
Et je défais le linceul protecteur des songes pour t’aimer une
dernière fois dans ta nudité mensongère.
Je m’accoude au muret fissuré de notre paysage éventré et je te
murmure une dernière fois :
Te souviens-tu ?
On s’est beaucoup aimés.
Gillian GENEVIEVE.
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