LA FUITE.
Tous ces merdiques monuments. Et ces fêtes désordonnées.
Tous ces capharnaüms heurtés. Dans la lumière d’argent sourd.
Ces pentes raides qui soudain vous précipitent en vous poussant, d’une bourrade dans le dos, vers des précipices confus.
Ces montées. Vers des églises, des minarets, ou bien encore des stupas noirs. Qui hachent menu votre souffle.
Villes suintantes. Moisies. Spongieuses.
Intervertissant briques et brocs.
Lumière blafarde et floutée. Encadrée de goudrons qui pèsent.
On gravit ou descend pour rien.
Les galeries marchandes écrasent.
Les salles de musée, dans le noir, luisent. Météores, statues sans vitrines. Cours aux arcades affaissées, colonnades aux genoux en terre.
Il faut faire vite : tout se perd et tout se recrée dans le grand bain flou, mat. Quelque mascaret peut surgir à tout moment et vous saisir, vous charrier comme l’on expulse.
Aucun des tout petits tableaux énigmatiques entrevus ici et là, sur les parois tendues de velours d’un beau vert citronné à la nuance « prairie », n’y changera quoi que ce soit.
Votre recherche d’éléments merveilleux en sera pour ses frais.
L’air trop estompé, trop crayeux, sans éclat, a le pouvoir de dissoudre, de rebattre les cartes. De faire coulisser.
Il abolit. Il permute à sa guise, selon son bon vouloir, ou mieux encore comme bon lui semble. Vous aboutissez dans des foules qui se détournent, s’éloignent de vous, un peu à la manière de l’eau de la Mer rouge de part et d’autre des Hébreux. A cette différence près que vous ne passez nulle part; ne traversez rien.
Les œuvres de pierre sont, en réalité, faites d’excréments et de brume. Quand vous les touchez, elles déposent sur vous un sombre enduit, qui pue : exhalaisons étroitement entremêlées de fèces, de moisissure et de matelas de feuilles mortes gluantes, déjà méconnaissables. Saisi d’horreur, vous vous mettez à dévaler les innombrables volées de marches, souvent, pour moitié, trouées, interrompues de larges hiatus creux qui soufflent des essaims stagnants, suffocants de fine poudre laiteuse. Sauter par-dessus chacun de ces cratères de marbre défoncé, en de colossaux bonds, je peux vous le dire, n’est pas mince affaire. Votre cerveau se trouve pris entre des tenailles de fer qui appuient, pressent, rongent, forent autant qu’elles en ont le pouvoir, l’énergie. Vous ne vous saviez pas capable (et coupable) de pareilles acrobaties.
L’état d’oppression, d’une insoutenable manière, s’accentue. Vous fuyez.
Patricia Laranco.
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