Offrande du matin.
Comment fait-on
pour oublier
la naissance d’un cil
dans le printemps des yeux
Pour mesurer
le vol sacré de l’hirondelle
d’un été à un autre
La chanson aigre-douce
chantée à contre-jour
par une femme noire
dont le parfum persiste
Je dirais à l’enfant
le tranchant de l’éclair
l’appel fou des sirènes
l’inquiétude d’un mot
Les fontaines moussues
l’écluse du lavoir
le rire des blanchisseuses
Les rues surtout
boueuses comme il se doit
dans ce pays mouillé
où l’on m’a déposé
Arasées et bâties
les prairies à jacinthes
les talus gaëliques
les carrières d’ardoise
Hissé par la lumière
le tutoiement des cannes
l’orgueil des totems
les anthuriums
Jour après jour
dans la prunelle des agoutis
les longues barques du passé
pénètrent à contre-jour
Mais la pluie
la pluie dit qu’il ne se passe rien
dans tout ce qui l’entoure
Nerveuse et bondissante
avec cette élégance
que l’on accorde parfois
aux bêtes du désert
Lovée comme un petit serpent
dans un bris de lumière
tu dors
De jour comme de nuit
comme des guerriers Massaï
la sagaie à la main
Avoir grandi
dans un moignon de ville
à quémander sous les persiennes
la suite de l’histoire
Ne pas déranger l’ombre
mais donner acte à la lumière
de ce bain qu’elle se donne
dans l’échancrure des manguiers
Qui t’aime
de temps en temps tu te révoltes
tu fais des trous dans l’arbre
tu reçois le soleil
L’encre fraîche cueillie
au petit jour
dans la rosée des mots
ces riens que l’on entend
Tu ne vis pas de rêves
à petits pas
tu inventes l’espace
l’innocence te va
Inondé par la mer
le lieu de toute force
amendant le sommeil
la tendresse d’un signe
Avec nous
dans des colonnes d’ombre
l’enroulement tardif
d’une vipère d’eau
José LE MOIGNE.
In Poèmes du sel et de la terre, éditions L’arbre à paroles.
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