LA MISÈRE.
Des millions d’humains rampent à même la boue,
à ras de terre où macèrent les eaux croupies
comme si leur chair, leur esprit se confondaient
avec la pourriture fécale du sol
et le chaos de vieille tôle rouillée,
d’argile corrodée, d’obscurité moussue,
d’entassements d’ordures et détritus fumants.
Des millions d’humains naissent dans ce vomi,
dans cette odeur fétide où l’on voit un peu mal
ce qui les distingue de la fragilité,
de la saleté vile et de la puanteur.
La misère malaxe les grossièretés,
les fébrilités les impensables laideurs
des cloaques immondes marécages urbains
où l’on est allé
jusqu’au plus bas de la vie,
jusqu’au bout de la déchéance faisandée,
de la souillure souillant la souillure même.
La misère va toujours droit à l’essentiel,
elle nie insolemment et obscènement
nos doux conforts moraux et nos raffinements
les plus élaborés ces luxes de l’esprit.
Sa vue peut pulvériser les bons sentiments
car elle parle la langue peu châtiée
de la presqu’animalité, de la survie,
ce qu’elle touche devient
abomination,
aberration (dit-on), déni du Bien, du Mal.
La misère a cette odeur fauve d’âpreté,
de ricanements tonitruants d’hyène, d’haine,
de déchirures prêtes à vous ouvrir en deux,
d’abjection qu’on ne peut plus guère abjurer,
de tourbillons de tourbe et de grasse pluie,
de colonnes de poussière à vous étouffer.
Elle a arraché
tous les rideaux protecteurs,
leurres dissimulateurs, emballages fictifs,
enjoliveurs chargés de rehausser l’Humain,
de nous maintenir dans
la fiction de nous-mêmes.
Voilà pourquoi son étalage fangeux cloue
nos âmes entre la trouble hypnose et
la nausée.
Voilà pourquoi détestons-nous la regarder
bien de face - elle mange l’œil de son éclat
sombre, nous foule aux pieds de sa scatologie
et elle est tellement
plus nombreuse que nous !
Patricia
Laranco.
20/10/2022.
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