La brillante poète réunionnaise Catherine BOUDET, dans sa préface
de deux pages à ce recueil de poésies (qui en compte, pour sa part, environ 90)
a tout à fait raison : le poète belge Arnaud DELCORTE est sans conteste un
implacable et insatiable scrutateur des
lignes d’horizon humaines doublé d’un hédoniste
de disposition dont le vers acéré
peut être qualifié de scalpel poétique.
Il n’en finit pas de s’immerger, toute porosité dehors, dans un bain d’humanité où il perçoit et chasse,
dans un but d’imprégnation, toute la densité charnelle, juteuse de la PRÉSENCE.
STROBOSCOPE suivi de STRIES déborde de présence AU
monde, et de présence DU monde réinterprétée, comme malaxée.
Il est assez rare que les poètes soient également des
scientifiques. Arnaud, lui, possède le sens aigu, un peu froid, le sens de la
dissection propre aux seconds tout en ne reniant rien, bien au contraire, de la
réceptivité vigoureusement sensitive et résolument sensuelle qui caractérise
les premiers.
On le sent proche de Rimbaud comme de la tradition surréaliste
audacieuse et foisonnante qui a tant marqué la Belgique. Entre grands tremblements de syllabes et coussins de strophes, il voyage sans fin
dans la liberté du langage, dans les corps-paysages et dans les lieux
géographiques.
Il nage dans les bas-côtés de l’existence, à contre-courant des sempiternelles entraves de la bienséance
et des foules délavées, terriblement en panne de sens. Il contre la comédie
burlesque et potentiellement toujours absurde du monde qui l’environne pour
tenter, à toute force, par son verbe, de lui reconférer une authentique
épaisseur de chair.
A. Delcorte est, de toute évidence, un homme qui aime les mots, qui
se délecte de leur sonorité. Il sait, en conséquence, en faire des sortes de « feux
d’artifice » intenses, qui nous sautent brusquement au visage : Acide ascorbique frisson érectile sur la
langue […] ; […] cimetière de
matière fissile ; Enzymes
ganglions cérébroïdes ogives […] ;
thérapie de basalte ; amour labial ; écran hémorragique ; à l’asymptote
du champ de vision. En bref, il nous étonne, et même, nous éblouit. Comme
Rimbaud savait si bien le faire.
Sa poésie, reflet, sans aucun doute, d’un univers mental et
sensitif des plus complexes, laisse voisiner révolte et plénitude sans que cela
détonne le moins du monde.
Il aime voracement la vie, et ce goût, presque violent, fait
contrepoids à l’amertume qui, en lui, pourrait, bien sûr, fort légitimement
surgir à la pensée – cependant jamais évacuée- des femmes excisées ou subissant l’outrage
de leur / mari, des homosexuels
lynchés, des SDF tondus ou des albinos
martyrisés, par exemple.
Le monde est un dégorgement de violences, d’intolérances mortifères mais également, de jouissances possibles, et l’amour peut être un vrai promoteur de métamorphoses.
La sincérité d’Arnaud Delcorte possède une dimension presque crue.
Il ne veut plus de faux-semblants.
Il se veut, et veut l’être nu
et sans autre élégance, débarrassé de toute tricherie. Poète dans l’âme, il
chemine vers […] l’envers du monde,
qui ne peut être que […] l’endroit du
rêve/.
La vitalité des corps, du corps est, en soi, porteuse d’une beauté
poétique qui l’hypnotise, et qu’il juge centrale. L’appel totalitaire des sens est de nature solaire, et, en tant que
tel, balaye tout, jusques et y compris Les
murs, qui soliloquent / tout / autour / du vide.
Sans être naïf, Delcorte, le voyageur impénitent, le visionnaire de
haute volée, s’abandonne toutes voiles sorties à l’émerveillement du vivre. Car
vivre est, en soi, un éveil, une porosité de chaque seconde.
Et c’est là que, du coup, à la toute fin du recueil, de manière
assez inattendue, notre poète atteint une espèce de « Saint Graal »,
de confluent quasi « mystique » : à la fois en contact et / en retrait permanent de la / multitude des
vivants être à / l’intersection de tous et à l’union / d’aucun […] sage. Parce que Seul reste le mystère transpercé de / ce monde bleu.
N’est-ce pas là, en effet, que se situent la liberté, le
dépassement suprêmes ?
P. Laranco.
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