jeudi 16 juin 2016

Lecture (poésie française) : Christophe BREGAINT, "ROUTE DE NUIT", La Dragonne, 2015.

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Le moins qu’on puisse dire à propos de la poésie de Christophe BREGAINT, c’est qu’elle est sombre, pessimiste et tourmentée. On pourrait qualifier ce recueil de « chronique d’un désespoir » et le regarder comme une sorte de longue plainte qui, à coup de saccades, de flashs successifs (pour reprendre l’heureuse expression utilisée dans le court texte de présentation imprimé sur la quatrième de couverture) nous promène dans un univers trop mobile, trop inconsistant, par trop éphémère où seul règne l’espace écrasé par le clair-obscur, le glauque, l’indécis, voire le sordide couplés au provisoire sans attaches.
Ce verbe incontestablement contemporain, aux accents « sartriens » possède sans conteste une dimension vigoureuse, oppressante. Sans  cesse, il oscille entre la tension à fleur de peau de l’être hypersensible et la désillusion, la fatigue, le fatal effondrement de sa défaite. Quelques soient les efforts qu’on produit pour « trouver du sens », l’absurde est là, reste là, qui se dresse. Qui a toujours le dernier mot et qui, en fin de compte, nous terrasse.
On ne compte pas les termes qui renvoient à cette noirceur, à cette affliction qui « suinte » de toute part : effroi ; Dépareillés ; Se flétrit un jour ; jours noirs ; rouillée ; une douleur ; Souffrances ; brûlure; tristesses ; l’espoir fragile ; Les névroses se superposent ; contusions ; Seule l’ombre s’agrandit ; désolation ; plaies ; Dévastés ; terne ; néant ; désaxée ; perdition ; Crasse ; Tristesse ; Impasse ; Saisons // Rongées
Les mots sont ramassés, assénés avec une singulière force, car le poète se livre sans concessions et avec, de plus, un incontestable souci de minimalisme. Il cherche à dompter la mobilité de la vie, qui semble ne lui laisser aucune place. Mais sa recherche d’une issue se fracasse inlassablement contre ses rudesses ; contre son aridité crépusculaire de désert morbide. Il est condamné au galop vers un horizon jamais atteint et, par conséquent, d’autant plus omniprésent.
Reste, peut-être, une unique forme de réplique : la fierté ; celle qui lui arrache ce presque cri pathétique : Reste debout.
Même si Cette route ne mène nulle part. Même si Les lueurs / Nocturnes /  Sont écrasées. Même si rien, jamais, nulle part, ne parvient à nous retenir. Même si nous sommes toujours fragmentés, inexorablement entraînés (mais vers quoi ?).

Somnambules

Autour du rond-point
Nous tournons
Vers l’abandon de toute direction

De cette lecture, il est certain que nous ressortons gorge nouée. Atteints en plein centre de notre point nodal, de notre noyau dur de créatures humaines.




P. Laranco.

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