Je suis fasciné par les visages, par ce qu’ils disent sur l’être. Pas tant le visage qu’on fabrique pour les autres, ce maquillage de soi, mais le visage qui révèle, à contrecœur, à contre gré presque, ce qu’on est. Visages de ceux qui se rendent au travail le matin. Visages de ceux qui prient. Visages des enfants. Visage endeuillé. Visage blessé par la joie. Le visage est un lieu changeant, polymorphe, qui est toujours le même tout en étant autre, il ne cesse de se déployer, de se construire et de se déconstruire. Il n’est de paysage plus contraint, plus limité et de plus vaste.
Que sait-on finalement d’un être ? Que peut-on savoir ? Que sait-on de soi-même ? On demeure désemparé face à l’inconnu en soi et face à l’inconnu en l’autre. L’élan vers l’autre est de la démesure de notre propre subjectivité. On ne voit que ce qu’on peut voir ou croit voir. L’autre est, dans un certain sens, irréductible à nos exégèses. Mais on ne peut pour autant interrompre ce cheminement vers lui, c’est une œuvre de foi, l’espace tangible du lien à l’autre. Le seul possible finalement, l’espace qui nous ramène à ce qu’on est.
Qui est donc cette femme, aperçue à la gare de Bucarest en Roumanie ? Je ne sais rien d’elle. Mais son visage, figé dans l’instant, me bouleverse, ainsi visage fermé sur soi-même, en proie à une vive émotion, laquelle nous est impossible à savoir mais cette émotion la transfigure. Elle est à cet instant précis en soi et de l’ailleurs. Son être se révèle, elle ne porte plus le moindre masque, elle est, dans son dénuement le plus absolu, face à soi-même, elle parvient à la parfaite nudité de son être.
Révéler l’humain au-delà de l’humain. Je n’ai pas cette prétention. Mais l’art doit tendre à cela. Il ne doit pas être cette quête esthétisante de l’autre, une succession de clichés qui disent la vacuité d’une beauté trop agencée, mais la quête de la substance de l’autre.
D’autres visages m’attendent. Je suis impatient de les rencontrer. Ce sont parfois des rencontres furtives et inopinées. D’autres fois des rencontres qui tendent au lien. Mais qu’importe. Il s’agit de découvrir ce qu’on est à travers l’autre.
Umar TIMOL.
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