mardi 12 mars 2019

Lecture (roman policier, France) : Louise MEY, "LES HORDES INVISIBLES", Fleuve noir, 2018.








Ce polar d’un peu plus de 400 pages a ceci de particulier qu’il met le doigt sur un phénomène on ne peut plus actuel : le harcèlement que subissent les femmes qui cherchent à s’exprimer sur la Toile.
Facteurs, vecteurs sans précédent de libération de la parole (dans le bon comme dans le plus mauvais sens de l’acception), les réseaux sociaux et forums sont, depuis quelques temps, devenus, en France, non seulement le théâtre des défoulements verbaux hyper violents des racistes, fascistes, négationnistes, antisémites de tous poils, mais également une tribune de choix pour les misogynes agacés et autres francs masculinistes. Ces hommes ne tolèrent tout simplement pas, sur le Net, de présence féminine autre que celle de femmes qui « restent à leur place », ne créent pas et ne pensent pas, et par-dessus tout ne rendent pas public ce qu’elles pensent. Pas de femelles sur l’Agora !
Les agressions auxquelles s’exposent ces femmes sont diverses : contradictions plus ou moins sèches, hargneuses, ou plus ou moins paternalistes et sarcastiques, indifférence pure et simple (sauf, le roman le précise bien, lorsqu’elles se montrent en photo(s) et sont, physiquement, jugées attrayantes) et, à présent de plus en plus souvent, déferlements de tombereaux de posts-réponses qui insultent, couvrent de boue et même menacent, le but étant, bien entendu, d’arriver à déstabiliser celle qui s’exprime, à lui pourrir sa vie virtuelle de façon à ce qu’elle finisse, sous le poids du choc émotionnel et de l’écœurement répétés, par déclarer forfait (et regagner enfin ses fourneaux ?). Le fait de débusquer une VOLONTE de femme semble, pour ces hommes, très fréquemment jeunes, de l’ordre de l’insupportable.
Auteure engagée, Louise MEY s’intéresse beaucoup à la lutte pour les droits des femmes. Elle a déjà écrit Les ravagé(e)s, que j’ai lu, autour du même thème.
Ici, tout en nous faisant vivre le quotidien professionnel (pour le moins  décourageant) des agents d’une brigade de répression des crimes et des délits sexuels chaque jour confrontés au plus sordide des sordides, elle dénonce, mine de rien (souvent statistiques à l’appui) le patriarcat qui, même en Occident, est encore loin, tant s’en faut, d’avoir baissé les bras et dont le dernier recours est, de toute façon, toujours à trouver dans la violence, l’intimidation, voire la terreur. Le sexisme ordinaire n’est-il pas l’indice d’une fausse virilité, le symptôme d’une peur qui a quelque chose de méprisable ?
Un polar qui nous fait réfléchir, prendre conscience, cela mérite d’être salué. Cela joint, à l’agréable que recherchent les amateurs du genre, l’utile, le « pédagogique ».
Celui-ci nous révèle un style direct, efficace, clair, plutôt nerveux et sans la moindre prétention d’ordre littéraire.
Action, noirceur, zeste d’humour, à un rythme de page-turner.
Indignation que l’on sent couver, courir sans cesse à fleur de livre. Non seulement contre les préjugés de type misogyne ici tout particulièrement visés, mais encore contre toutes les autres formes de rejet, de mépris, d’exclusion, de stigmatisation de la différence.
A lire. Tout en même temps pour fortifier son édification et pour se détendre.









P. Laranco.








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