Ce polar d’un peu plus de
400 pages a ceci de particulier qu’il met le doigt sur un phénomène on ne peut
plus actuel : le harcèlement que subissent les femmes qui cherchent à s’exprimer
sur la Toile.
Facteurs, vecteurs sans
précédent de libération de la parole (dans le bon comme dans le plus mauvais
sens de l’acception), les réseaux sociaux et forums sont, depuis quelques
temps, devenus, en France, non seulement le théâtre des défoulements verbaux hyper
violents des racistes, fascistes, négationnistes, antisémites de tous poils,
mais également une tribune de choix pour les misogynes agacés et autres francs
masculinistes. Ces hommes ne tolèrent tout simplement pas, sur le Net, de
présence féminine autre que celle de femmes qui « restent à leur place »,
ne créent pas et ne pensent pas, et par-dessus tout ne rendent pas public ce qu’elles
pensent. Pas de femelles sur l’Agora !
Les agressions auxquelles
s’exposent ces femmes sont diverses : contradictions plus ou moins sèches,
hargneuses, ou plus ou moins paternalistes et sarcastiques, indifférence pure
et simple (sauf, le roman le précise bien, lorsqu’elles se montrent en photo(s)
et sont, physiquement, jugées attrayantes) et, à présent de plus en plus
souvent, déferlements de tombereaux de posts-réponses qui insultent, couvrent
de boue et même menacent, le but étant, bien entendu, d’arriver à déstabiliser
celle qui s’exprime, à lui pourrir sa vie virtuelle de façon à ce qu’elle
finisse, sous le poids du choc émotionnel et de l’écœurement répétés, par
déclarer forfait (et regagner enfin ses fourneaux ?). Le fait de débusquer
une VOLONTE de femme semble, pour ces hommes, très fréquemment jeunes, de l’ordre
de l’insupportable.
Auteure engagée, Louise
MEY s’intéresse beaucoup à la lutte pour les droits des femmes. Elle a déjà
écrit Les ravagé(e)s, que j’ai lu, autour du même thème.
Ici, tout en nous faisant
vivre le quotidien professionnel (pour le moins décourageant) des agents d’une
brigade de répression des crimes et des délits sexuels chaque jour confrontés
au plus sordide des sordides, elle dénonce, mine de rien (souvent statistiques
à l’appui) le patriarcat qui, même en Occident, est encore loin, tant s’en
faut, d’avoir baissé les bras et dont le dernier recours est, de toute façon,
toujours à trouver dans la violence, l’intimidation, voire la terreur. Le
sexisme ordinaire n’est-il pas l’indice d’une fausse virilité, le symptôme d’une
peur qui a quelque chose de méprisable ?
Un polar qui nous fait
réfléchir, prendre conscience, cela mérite d’être salué. Cela joint, à l’agréable
que recherchent les amateurs du genre, l’utile, le « pédagogique ».
Celui-ci nous révèle un
style direct, efficace, clair, plutôt nerveux et sans la moindre prétention d’ordre
littéraire.
Action, noirceur, zeste d’humour,
à un rythme de page-turner.
Indignation que l’on sent
couver, courir sans cesse à fleur de livre. Non seulement contre les préjugés
de type misogyne ici tout particulièrement visés, mais encore contre toutes les autres formes de rejet, de mépris, d’exclusion, de stigmatisation de la différence.
A lire. Tout en même
temps pour fortifier son édification et pour se détendre.
P. Laranco.
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