La perspective de ce livre est celle de la psychologie dite évolutionniste .
[…]
la séduction est riche en information et en enseignement sur le fonctionnement
de l’être humain , nous annonce, avec raison, dans son introduction, son
auteur.
Ici, au fil de ces quelques 200 pages, se trouvent donc
regroupés les résultats d’un
certain nombre de recherches récentes portant sur les comportements de séduction
à l’intérieur de notre espèce. Ces résultats ont été eux-mêmes obtenus à la
suite de tests – fort variés et divers – menés par des psychologues de la
cognition et du comportement.
Pour la psychologie évolutionniste, l’Homme est une espèce
vivante et animale comme les autres ; en tant que tel, il obéit donc à des
lois d’ordre biologique qui sont bien plus importantes qu’on ne l’imagine
communément. Selon ces lois, la femme s’investit beaucoup plus que l’individu mâle
dans sa mission reproductive. Elle ne pourra, dans sa vie, concevoir et
engendrer qu’un nombre fort limité d’enfants, dont la croissance, au surplus,
sera nettement plus longue que celle des petits appartenant aux autres espèces
de grands primates. Accaparée par son investissement dans sa progéniture (la
qualité, à défaut de la quantité !), elle aura un impérieux besoin, pour
mener à bien sa tâche, de soutien, de stabilité, de protection et de ressources
d’ordre matériel.
L’homme, à l’opposé, sera un « obsédé » de sexe pour
le sexe et de séduction, occupé à rechercher sans cesse et tous azimuts des
partenaires et prêt à saisir toutes
les occasions qui se présentent.
Les conséquences en termes de séduction, d’attente, de demandes vont être considérables.
La femme, en effet, ainsi que tendent à le démontrer toutes ces
recherches, va se trouver attirée par un homme susceptible de lui offrir une
relation durable à l’intérieur de laquelle lui-même s’investira sans se dérober
dans le soin, la protection et l’élevage de leur commune progéniture. Il devra
être doté, préférentiellement, d’un visage harmonieux (à savoir symétrique), d’une haute taille, d’une
voix grave, d’une certaine odeur, souvent d’une certaine pilosité (la barbe
serait, ainsi, gage de « sérieux » et de sens social), toutes caractéristiques trahissant la possession de gènes sains. Il devra aussi, dans le
cadre de la séduction, manifester ou bien trahir sa dominance. Car, pour l’animal, le mammifère, le primate que demeure,
au niveau basique et inconscient, l’Homme, seule, en dernière instance, compte
la transmission optimale de son patrimoine génétique.
Dans le même temps, le mâle de l’espèce humaine sera fort enclin
à se focaliser tant sur les attributs
sexuels que sur les comportements qui, chez la femme, traduisent un
signal de disponibilité sexuelle manifeste. Il y recherchera, en premier lieu,
des marques de SANTE et de JEUNESSE, donc de bon potentiel reproductif. C’est ce qui explique notamment
pourquoi, dans toutes les cultures humaines, les mâles attachent une importance
particulière aux cheveux des femmes, à la (petite) taille de leurs pieds, à
leur ratio tour de taille/tour de
hanches (celui de Barbie !), éventuellement à la teinte plus
claire de leur chevelure, à leur pilosité réduite (l’auriez-vous deviné ?
Les hommes ne goûtent guère beaucoup les femmes plus indépendantes, plus revendicatives, moins normatives et plus
féministes, lesquelles, c’est bien connu, se trahissent par une pilosité
trop abondante) et à la taille de leurs glandes mammaires (ni trop, ni trop
peu).
En ce qui concerne la panoplie des comportements séductifs, vous
serez encore moins surpris : les clés de la « pêche à l’homme »
sont dans l’exposition de la
poitrine (autrement dit le bon vieux « décolleté »), dans
le maquillage réussi c'est-à-dire
le plus complet possible, celui qui vous permet d’avoir l’air de « péter
la forme ».
Il faut en convenir, toutes ces savantes découvertes sont bien « prévisibles ».
Les deux seules surprises authentiques que j’ai, pour ma part, dénoté dans cet
ouvrage tiennent à l’appariement des couples (les gens se choisissent en
fonction de profondes ressemblances, tant physiques que psychologiques, et il
faut tout particulièrement noter que : Une
recherche de Vandenberg (1972) a étudié la corrélation entre des mesures
physiques extrêmement fines prélevées auprès de 183 couples mariés. Les
résultats montrent […] des convergences dans la taille des oreilles, la
longueur des bras, la taille de la tête, l’écart entre les deux yeux, la
longueur du majeur…Ce chercheur confirmera en outre l’existence d’une convergence entre le niveau de santé mentale
et physique des époux et les tendances névrotiques ; d’autre part, il semble aussi que l’appariement physique
( correspondance du niveau de beauté […] entre les deux membres du couple) soit
un prédicateur de la durée de la relation) et au fait que les hommes suraccentuent les intentions
sexuelles des femmes à leur égard. A ce propos, l’auteur du livre n’hésite
pas à évoquer un véritable dysfonctionnement
de la perception, une perception fausse
de la réalité, susceptible de déboucher sur de très fâcheux dérapages (l’agression, ou le viol).
L’homme est beaucoup plus facilement « aveuglé » par
la femme que l’inverse. Aussi réagit-il aux signes
de séduction au quart de tour alors qu’elle, tout au contraire, a besoin de
plus de données sur sa cible, de plus de temps pour réagir (parce qu’elle cherche un
partenaire, quand l’homme ne fait que rechercher une occasion de plus).
Entre les deux sexes, la séduction dépend beaucoup du sourire
(lequel renforce l’attrait physique du
visage et incite l’autre à vous apporter son aide), du regard et des autres
signaux non verbaux qui, émis par la
femme, « rassurent » les hommes et déclenchent leur approche.
Entrent aussi en ligne de compte des signes non verbaux de rejet que les femmes s’avèrent […] remarquablement performantes à saisir et à interpréter chez les hommes, tandis que,
nous y revenons encore, le contraire n’est pas vrai (les hommes sous-évaluent le caractère négatif des
comportements d’évitement que leur opposent les femmes).
Une autre découverte assez remarquable des chercheurs mise en
relief dans ce livre est le RÔLE DE LA MIMESIS : Lorsque l’on regarde deux personnes converser ensemble, on constate que
chacun des interlocuteurs imite l’autre. Ce comportement d’imitation semble
automatique comme c’est le cas de la répétition des mots dans une conversation,
le rire, les expressions faciales. On tend à imiter les gestes d’une personne
qui nous est étrangère (Chartrand et Bargh, 1999). Pour certains chercheurs, l’imitation
aurait semble-t-il des fonctions adaptatives en permettant à l’autre de
percevoir un soutien, une approbation, un intérêt à ce qu’il dit. […] On sait
que l’imitation conduit à faire percevoir l’imitant de manière plus positive ou
à se sentir plus proche de lui.
Au fond, la séduction consiste à susciter entre deux êtres un
sentiment de proximité, de complicité, d’unicité.
Nous avons tous peur de l’inconnu et toute rencontre avec une
personne que l’on ne connait pas encore – en particulier si elle appartient au « mystérieux »
sexe opposé – réveille en nous cette crainte latente. Le sentiment de plaisir
visuel, olfactif, auditif, tactile que provoque une personne qui nous plait,
déjà, contribue à l’atténuer, à la « conjurer ». Et, comme on a envie
« d’y croire », de confirmer, en quelque sorte, cette béatitude qu’a provoquée
l’impression agréable initiale, on fait tout pour que cela dure. Une sorte d’auto-persuasion
entre en scène qui non seulement prolonge délicieusement le sentiment de
proximité avec l’autre, mais, même, empêche d’envisager la frustration et la
déception que représenteraient, au bout du compte, un éventuel démenti, un
éventuel échec.
Dans son ensemble, ce livre se révèle instructif, et assez
plaisant à lire.
Il est étonnant de constater à quel point il « colle »
à la réalité du fonctionnement inter-sexes qui a cours de nos jours, autour de
nous.
Peut-on croire aux postulats de la « psychologie
évolutionniste » ?
N’y a-t-il pas lieu, par exemple, de ressentir une certaine
perplexité devant le fait que les résultats de ces expériences – aussi diverses
qu’ingénieuses – nous conduisent à ce point à voir en « l’Homme de
toujours » qui, un « dragueur » compulsif uniquement attentif
aux critères physiques doublé d’un compagnon idéaliste et exclusif,
qui une « tête froide » finaude et calculatrice, après tout pas si fleur bleue que ça, attachée avant tout aux projets d’avenir, au confort tant matériel que mental et à l’aménagement
de son « petit nid » à enfants ?
L’Homme n’est-il pas aussi un être fondamentalement malléable, souple
et plastique, susceptible d’évolutions et de variations presque infinies sous l’emprise
de la culture et des révolutions de la technologie ? Un être infiniment
trop complexe pour se voir ramené à quelque schéma exclusivement dicté par les
exigences de la biologie mammifère (rôles respectifs joués dans la
reproduction, cycles menstruels ou variations dans les taux de testostérone) ?
Ces expériences de psychologie ne seraient-elles pas, dans une
certaine mesure, biaisées par le fait qu’elles jaugent, justement, des comportements d’hommes et de femmes
vivant à NOTRE époque, dans NOTRE type de société ?
Sans doute faut-il attendre bien d’autres expériences, plus
variées, plus ingénieuses et plus rigoureuses encore, pour clarifier la donne.
P. Laranco.
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