jeudi 23 janvier 2014

Un petit peu de PHILO EN VRAC.

Les études en matière de psychologie et de science neurale le démontrent de plus en plus : l’être humain est une créature de mensonges et surtout, de déni. Il a, avec la vérité, un rapport tout problématique.



Le cerveau humain, tel qu’il est fait et tel qu’il fonctionne, semble avoir une sainte horreur du vide, du « blanc », de l’inexpliqué. Il faut à toute force qu’il explique, qu’il donne sens, qu’il bâtisse des schémas d’ensemble dotés de cohérence. C’est pourquoi, lorsqu’il se heurte à quelque impasse cognitive, il tend si fort à « broder », à inventer, à substituer à une vérité douloureusement incomplète un mythe, une contre-vérité, une illusion.



D’aucuns prétendent que la femme est nettement moins créative que l’homme. Ils invoquent le (beaucoup) moindre nombre de « grandes dames » comparativement au nombre de « grands hommes », tous domaines et toutes disciplines confondues.
Mais ils oublient que, pour être « créatif », il faut un minimum de confiance en soi, de liberté d’esprit et, bien sûr, de franc-parler. Il faut une propension à regarder le monde de façon originale, et à en faire part. Ce qui, on le sait pertinemment, ne va pas sans risques, parfois majeurs.
Comment concilier cela avec une « féminité » dont on attend toujours qu’elle soit « douce », obligeante, complaisante et, bien sûr, effacée, discrète ?



Un écrivain, ça doute : ça doute tout le temps.
Mais ça ne peut écrire que délivré du doute. Dans la détermination, dans la force de frappe du Mot. Dans la justesse de la phrase qui s’impose, qui se forge d’elle-même. Qui met en place elle-même, par elle-même ses articulations.
Lorsque la phrase égale ce qu’elle promet d’être, ce qu’elle doit être – ce qu’elle est déjà au départ, en vertu de sa propre logique interne – c’est gagné. Elle a épousé toutes les formes de son achèvement virtuel. On ne voit plus rien à y ajouter, ni à en retrancher. Elle est complète. Elle est « tombée ». Oui, je dis bien « tombée » - comme « les cailles tombent dans la bouche ».


En matière de poésie, chacun a le droit d'avoir ses goûts, ses préférences, et de le faire savoir. Ce qui, en revanche, me met quelque peu mal à l'aise, ce sont tous ces poètes qui présentent la forme de poésie qu'ils aiment comme étant "la" poésie par excellence, la poésie à écrire. Se prennent-ils trop au sérieux ? Ont-ils une opinion d'eux-mêmes surdimensionnée ? Cherchent-ils à se poser en magisters, dans une sorte de rapport d'autorité que l'école - en particulier, en France - leur a dûment appris, et qu'ils chercheraient, plus ou moins consciemment à reproduire ?
La question reste ouverte.



Un individu narcissique ne se posera jamais la question de l’existence de l’autre en tant qu’entité distincte, indépendante de lui-même. Il se pensera toujours, de par son essence-même, « dans son bon droit », quelques puissent être les circonstances. Et l’autorité conforte les êtres narcissiques (et pervers) dans l’idée qu’ils représentent  la raison, la vérité, la légitimité incontournable.
Misogynie, colonialisme et, de façon plus générale, toutes les situations de hiérarchisation outrée et abusive permettent aux « pervers narcissiques » de trouver leur compte, de s’épanouir au mieux de leur fonctionnement. Donc, ils s’y « accrochent », « y tiennent ».



Le narcissisme rend bête.



Attention au « droit au bonheur et au plaisir » poussés à l’extrême !
A force de répéter à longueur de temps aux gens que « penser à eux, et à eux d’abord » est leur droit, ne risquons-nous pas de les conduire aux confins de la psychopathie ?



Chez un individu qui n’a pas – ou n’a pas eu assez – la possibilité de la « décharger » au moment où il aurait dû le faire (tout bêtement parce que les couleuvres qu’on lui faisait « avaler » et qui en étaient la cause  étaient introduites au fond de sa gorge par un individu « écrasant », doté de plus de force et de plus de pouvoir), la frustration, surtout lorsqu’elle s’est accumulée et, donc, transmuée en rage plus ou moins consciente, aura toujours une certaine tendance à se reporter dès qu’elle le pourra sur une victime expiatoire. Si l’on « choisit » si souvent comme cible et victime de la vacherie courante et ambiante des êtres parmi les plus démunis et les plus  vulnérables, c’est, encore plus bêtement, parce que ce fait-là, en lui-même, rend les choses plus aisées. « L’occasion fait le larron », voilà ; c’est aussi bête qu’un vieux proverbe. Point n’est besoin de convoquer les méandres de Lacan, ou de Freud.
Nous avons tous en nous une part d’insatisfaction et de colère rentrée.
C’est ce qui explique que la même personne puisse montrer, à tour de rôle, le visage d’ « un agréable ami ou voisin » prévenant et porté à rendre des services quelquefois inattendus , et celui, diamétralement opposé , d’ « un véritable démon » prêt à tout pour déposer sur le dos de quelque facile bouc émissaire une part du fardeau de rancœur, d’aigreur, de lâche, sournoise, envieuse et acharnée  colère qui est le sien.



L’Homme est lâche et méchant, c’est bien là le problème.
On voudrait que l’explication du Mal soit ailleurs. Ce qu’on appelle couramment « la méchanceté gratuite » a pour uniques origines la frustration et l’accumulation d’agressivité que celle-ci entraîne.



L’égo de l’être humain ramène tout à lui, et à ce qui le touche de près. Sans doute, pour la bonne et simple raison que notre cerveau, finalement, est, vu sous un certain angle, une sorte de « prison ».
S’il est capable, ainsi qu’on le sait, de comprendre énormément de choses, encore faut-il qu’il s’intéresse à ces choses, qu’il les « investisse ». Or, il ne peut investir qu’un nombre limité de centres d’intérêt, tout comme il ne peut sélectionner qu’un nombre « raisonnable » d’informations.
On le constate en voyant, par exemple, combien sa mémoire est « sélective ». Sans quoi nous risquons la surchauffe, le grand bug, le naufrage dans la folie. On a d’ailleurs assez souvent vu la démence finir par venir frapper de « grands esprits », de très brillants intellectuels. Peut-être, parce que leur esprit, leur mémoire avaient investi trop de choses en même temps. Pensons à Nietzsche, à Kurt Gödel, ou à John Nash, par exemple…
Chaque être humain, finalement (pour ménager sa santé mentale ?) se crée un horizon de connaissance restreint, en fonction de son quotidien et de ses préoccupations, souvent les plus immédiates, voire les plus basiques. Et voilà pourquoi, le plus souvent, nous ne « voyons pas plus loin que le bout de notre nez ».
Nous nous laissons accaparer par notre immédiat environnement. Puis nous nous laissons aller, le temps aidant, et, avec lui, les « petites habitudes » qui, à la longue, deviennent plis, « tics ». Nos conditionnements manquent de souplesse.
Notre « indolence » intellectuelle y est également pour beaucoup. De même que, très certainement, notre crainte des choses nouvelles, inconnues. De ce fait, nous nous « bloquons » considérablement et nous ne gardons pas l’esprit ouvert. Nous nous focalisons car c’est chez nous, aussi, une pente naturelle. La plupart du temps, notre curiosité remarquablement humaine se trouve étouffée, voire stoppée net, à mesure que nous prenons de l’âge.
Demeurer plus curieux pourrait, certes, nous garder plus ouverts à l’autre, plus vifs d’esprit. On irait plus loin. Mais la plupart d’entre nous n’en a pas la motivation. Les gens se contentent de ce qu’ils ont et (peut-être surtout) préfèrent éviter tout ce qui pourrait donner lieu à « remise en cause ». Car il faut également, bien entendu, compter aussi avec l’orgueil. Avec la surestimation de soi, elle aussi tellement humaine. On aime bien être « satisfait de sa petite vie » et, donc, on s’en tient là. En somme, on « fait la sieste sur ses petits acquis », n’est-ce pas plus confortable ?
Chaque être humain, au fond, passe très à côté, très en-deçà de son potentiel.
Et là, naissent et s’alimentent, probablement aussi, les conflits.
Car, chacun étant, de manière toute naturelle, attaché à lui-même, sera par la même occasion viscéralement attaché à sa vision limitée du monde, et à ses propres carences. Il les tiendra comme partie intégrante de son identité, avec « i » majuscule. Or, attendu que nous nous trouvons, par la force des choses (du fait que l’espèce humaine est une espèce hautement sociale) placés dans une situation d’ étroite et permanente interaction avec les autres, nos semblables, vous imaginez, je pense, très aisément les «étincèles » que sera susceptible de produire – et que produira à coup sûr– ledit frottement entre individus.



Après quarante ans de lutte contre le racisme et contre le colonialisme, voici l’Occident (et, en conséquence, la totalité de la planète mondialisée) revenu à la « case départ » : « tout ce qui est non-européen est nul en termes civilisationnels. Et tout ce qui est nul en termes civilisationnels est bien près d’être de l’ordre de la sous-humanité ».
Les scientifiques ont beau, jour après jour, documentaire après documentaire, travaux de recherche après travaux de recherche, battre en brèche les bonnes vieilles idées reçues en matière de civilisation, de couleur de peau, de groupes ethniques, d’origines de l’humanité et de métissage, il aura suffi que des raisons tenant uniquement au fossé existant, sur la planète, entre les niveaux de vie du monde industrialisé et ceux du « Tiers-Monde » - et à un attentat terrifiant perpétré sous le (faux) prétexte de raisons religieuses pour que le monde se trouve ramené vers les bonnes vieilles distinctions coloniales prétendument « ataviques ».
Quoiqu’on en pense, les Musulmans seraient « inassimilables » à toute société postmoderne visant le nécessaire respect de la femme et la teinte de l’épiderme ramènerait automatiquement à une sorte de faillite du logos pourvoyeuse tout à la fois de chaos « tribal », de dictature et de pauvreté chronique (d’où découle par ailleurs la ruée tant déplorée et si souvent dénoncée des fameux « immigrés » vers l’eldorado de l’Europe).
Malgré la prodigieuse ascension de pays tels que l’Inde, la Chine, ou le Brésil, l’ensemble-Tiers-Monde est à nouveau assimilé à l’échec, justificateur de toutes les formes de condescendance et d’arrogance.
Jamais notre monde n’a, me semble-t-il, été plus marqué par le néo-colonialisme, sous sa forme la plus franche et la plus « décomplexée ».



Une personne qui aime, c’est une personne qui est sur le petit nuage rose  de l’extase et de l’illusion.
Elle voit en l’être aimé une part de proximité avec elle qui, en réalité, ça se trouve, n’existe pas du tout. Ce mécanisme est extrêmement mystérieux. A quoi est-il dû ? A l’action de cette « hormone de l’amour » qu’est l’ocytocine ? Au désir et à la volonté de créer à tout prix un lien en niant l’altérité de l’autre ?
C’est fréquemment que les amoureux décrivent le phénomène du « coup de foudre » comme un sentiment non de « faire connaissance » mais de « reconnaître » quelqu’un qu’on connait depuis toujours. Et puis, n’a-ton pas, depuis fort longtemps, coutume d’évoquer le mythe des « âmes-sœurs » ?
L’égo de l’être humain est naturellement tyrannique et porté à ramener tout à lui. Il rêve d’une « fusion » qui, pour lui, est, hélas, de l’ordre de l’irréalisable. Tout ceci est à la source de bien des malentendus, des manques de respect, des déceptions.



A moins –on ne sait jamais – qu’une mutation radicale ne touche l’espèce humaine, ou que la possibilité technique de reprogrammer le cerveau humain ne devienne possible (mais selon certains, elle va l’être), l’être humain jugera toujours son semblable ; c’est plus fort que lui.
Car se focaliser sur autrui le détourne de lui-même et de ses propres insuffisances.
Sans compter que, plus « bêtement », ça occupe le temps, et alimente les conversations.



Observer, apprendre, réfléchir.
Voilà les trois chemins qui, associés, peuvent (peut-être) conduire à une certaine sagesse.



P. Laranco.

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