Les études en matière
de psychologie et de science neurale le démontrent de plus en plus : l’être
humain est une créature de mensonges et surtout, de déni. Il a, avec la vérité,
un rapport tout problématique.
Le cerveau humain, tel
qu’il est fait et tel qu’il fonctionne, semble avoir une sainte horreur du
vide, du « blanc », de l’inexpliqué. Il faut à toute force qu’il
explique, qu’il donne sens, qu’il bâtisse des schémas d’ensemble dotés de
cohérence. C’est pourquoi, lorsqu’il se heurte à quelque impasse cognitive, il
tend si fort à « broder », à inventer, à substituer à une vérité
douloureusement incomplète un mythe, une contre-vérité, une illusion.
D’aucuns prétendent
que la femme est nettement moins créative que l’homme. Ils invoquent le
(beaucoup) moindre nombre de « grandes dames » comparativement au
nombre de « grands hommes », tous domaines et toutes disciplines
confondues.
Mais ils oublient que,
pour être « créatif », il faut un minimum de confiance en soi, de
liberté d’esprit et, bien sûr, de franc-parler. Il faut une propension à regarder
le monde de façon originale, et à en faire part. Ce qui, on le sait
pertinemment, ne va pas sans risques, parfois majeurs.
Comment concilier cela
avec une « féminité » dont on attend toujours qu’elle soit « douce »,
obligeante, complaisante et, bien sûr, effacée, discrète ?
Un écrivain, ça doute :
ça doute tout le temps.
Mais ça ne peut écrire
que délivré du doute. Dans la détermination, dans la force de frappe du Mot. Dans
la justesse de la phrase qui s’impose, qui se forge d’elle-même. Qui met en
place elle-même, par elle-même ses articulations.
Lorsque la phrase
égale ce qu’elle promet d’être, ce qu’elle doit être – ce qu’elle est déjà au
départ, en vertu de sa propre logique interne – c’est gagné. Elle a épousé
toutes les formes de son achèvement virtuel. On ne voit plus rien à y ajouter,
ni à en retrancher. Elle est complète. Elle est « tombée ». Oui, je
dis bien « tombée » - comme « les cailles tombent dans la bouche ».
En matière de poésie,
chacun a le droit d'avoir ses goûts, ses préférences, et de le faire savoir. Ce
qui, en revanche, me met quelque peu mal à l'aise, ce sont tous ces poètes qui
présentent la forme de poésie qu'ils aiment comme étant "la" poésie
par excellence, la poésie à écrire. Se prennent-ils trop au sérieux ? Ont-ils
une opinion d'eux-mêmes surdimensionnée ? Cherchent-ils à se poser en
magisters, dans une sorte de rapport d'autorité que l'école - en particulier,
en France - leur a dûment appris, et qu'ils chercheraient, plus ou moins
consciemment à reproduire ?
La question reste
ouverte.
Un individu
narcissique ne se posera jamais la question de l’existence de l’autre en tant
qu’entité distincte, indépendante de lui-même. Il se pensera toujours, de par
son essence-même, « dans son bon droit », quelques puissent être les
circonstances. Et l’autorité conforte les êtres narcissiques (et pervers) dans
l’idée qu’ils représentent la raison, la
vérité, la légitimité incontournable.
Misogynie, colonialisme
et, de façon plus générale, toutes les situations de hiérarchisation outrée et
abusive permettent aux « pervers narcissiques » de trouver leur
compte, de s’épanouir au mieux de leur fonctionnement. Donc, ils s’y
« accrochent », « y tiennent ».
Le narcissisme rend
bête.
Attention au « droit
au bonheur et au plaisir » poussés à l’extrême !
A force de répéter à
longueur de temps aux gens que « penser à eux, et à eux d’abord » est
leur droit, ne risquons-nous pas de les conduire aux confins de la psychopathie ?
Chez un individu qui n’a
pas – ou n’a pas eu assez – la possibilité de la « décharger » au
moment où il aurait dû le faire (tout bêtement parce que les couleuvres qu’on
lui faisait « avaler » et qui en étaient la cause étaient
introduites au fond de sa gorge par un individu « écrasant », doté de
plus de force et de plus de pouvoir), la frustration, surtout lorsqu’elle s’est
accumulée et, donc, transmuée en rage plus ou moins consciente, aura toujours
une certaine tendance à se reporter dès qu’elle le pourra sur une victime
expiatoire. Si l’on « choisit » si souvent comme cible et victime de
la vacherie courante et ambiante des êtres parmi les plus démunis et les plus vulnérables, c’est, encore plus bêtement,
parce que ce fait-là, en lui-même, rend les choses plus aisées. « L’occasion
fait le larron », voilà ; c’est aussi bête qu’un vieux proverbe.
Point n’est besoin de convoquer les méandres de Lacan, ou de Freud.
Nous avons tous en
nous une part d’insatisfaction et de colère rentrée.
C’est ce qui explique
que la même personne puisse montrer, à tour de rôle, le visage d’ « un
agréable ami ou voisin » prévenant et porté à rendre des services quelquefois
inattendus , et celui, diamétralement opposé , d’ « un
véritable démon » prêt à tout pour déposer sur le dos de quelque facile bouc
émissaire une part du fardeau de rancœur, d’aigreur, de lâche, sournoise,
envieuse et acharnée colère qui est le
sien.
L’Homme est lâche et
méchant, c’est bien là le problème.
On voudrait que l’explication
du Mal soit ailleurs. Ce qu’on appelle couramment « la méchanceté gratuite »
a pour uniques origines la frustration et l’accumulation d’agressivité que celle-ci
entraîne.
L’égo de l’être humain
ramène tout à lui, et à ce qui le touche de près. Sans doute, pour la bonne et
simple raison que notre cerveau, finalement, est, vu sous un certain angle, une
sorte de « prison ».
S’il est capable,
ainsi qu’on le sait, de comprendre énormément de choses, encore faut-il qu’il s’intéresse
à ces choses, qu’il les « investisse ». Or, il ne peut investir qu’un
nombre limité de centres d’intérêt, tout comme il ne peut sélectionner qu’un nombre
« raisonnable » d’informations.
On le constate en
voyant, par exemple, combien sa mémoire est « sélective ». Sans quoi
nous risquons la surchauffe, le grand bug, le naufrage dans la folie. On a d’ailleurs
assez souvent vu la démence finir par venir frapper de « grands esprits »,
de très brillants intellectuels. Peut-être, parce que leur esprit, leur mémoire
avaient investi trop de choses en même temps. Pensons à Nietzsche, à Kurt Gödel,
ou à John Nash, par exemple…
Chaque être humain,
finalement (pour ménager sa santé mentale ?) se crée un horizon de
connaissance restreint, en fonction de son quotidien et de ses préoccupations,
souvent les plus immédiates, voire les plus basiques. Et voilà pourquoi, le
plus souvent, nous ne « voyons pas plus loin que le bout de notre nez ».
Nous nous laissons
accaparer par notre immédiat environnement. Puis nous nous laissons aller, le
temps aidant, et, avec lui, les « petites habitudes » qui, à la
longue, deviennent plis, « tics ». Nos conditionnements manquent de
souplesse.
Notre « indolence »
intellectuelle y est également pour beaucoup. De même que, très certainement,
notre crainte des choses nouvelles, inconnues. De ce fait, nous nous « bloquons »
considérablement et nous ne gardons pas l’esprit ouvert. Nous nous focalisons
car c’est chez nous, aussi, une pente naturelle. La plupart du temps, notre
curiosité remarquablement humaine se trouve étouffée, voire stoppée net, à
mesure que nous prenons de l’âge.
Demeurer plus curieux
pourrait, certes, nous garder plus ouverts à l’autre, plus vifs d’esprit. On
irait plus loin. Mais la plupart d’entre nous n’en a pas la motivation. Les
gens se contentent de ce qu’ils ont et (peut-être surtout) préfèrent éviter
tout ce qui pourrait donner lieu à « remise en cause ». Car il faut
également, bien entendu, compter aussi avec l’orgueil. Avec la surestimation de
soi, elle aussi tellement humaine. On aime bien être « satisfait de sa
petite vie » et, donc, on s’en tient là. En somme, on « fait la
sieste sur ses petits acquis », n’est-ce pas plus confortable ?
Chaque être humain, au
fond, passe très à côté, très en-deçà de son potentiel.
Et là, naissent et s’alimentent,
probablement aussi, les conflits.
Car, chacun étant, de
manière toute naturelle, attaché à lui-même, sera par la même occasion
viscéralement attaché à sa vision limitée du monde, et à ses propres carences.
Il les tiendra comme partie intégrante de son identité, avec « i »
majuscule. Or, attendu que nous nous trouvons, par la force des choses (du fait
que l’espèce humaine est une espèce hautement sociale) placés dans une
situation d’ étroite et permanente interaction avec les autres, nos semblables,
vous imaginez, je pense, très aisément les «étincèles » que sera
susceptible de produire – et que produira à coup sûr– ledit frottement entre individus.
Après quarante ans de
lutte contre le racisme et contre le colonialisme, voici l’Occident (et, en
conséquence, la totalité de la planète mondialisée) revenu à la « case
départ » : « tout ce qui est non-européen est nul en termes
civilisationnels. Et tout ce qui est nul en termes civilisationnels est bien
près d’être de l’ordre de la sous-humanité ».
Les scientifiques ont
beau, jour après jour, documentaire après documentaire, travaux de recherche après
travaux de recherche, battre en brèche les bonnes vieilles idées reçues en
matière de civilisation, de couleur de peau, de groupes ethniques, d’origines
de l’humanité et de métissage, il aura suffi que des raisons tenant uniquement
au fossé existant, sur la planète, entre les niveaux de vie du monde
industrialisé et ceux du « Tiers-Monde » - et à un attentat
terrifiant perpétré sous le (faux) prétexte de raisons religieuses pour que le
monde se trouve ramené vers les bonnes vieilles distinctions coloniales
prétendument « ataviques ».
Quoiqu’on en pense,
les Musulmans seraient « inassimilables » à toute société postmoderne
visant le nécessaire respect de la femme et la teinte de l’épiderme ramènerait
automatiquement à une sorte de faillite du logos pourvoyeuse tout à la fois de chaos
« tribal », de dictature et de pauvreté chronique (d’où découle par ailleurs
la ruée tant déplorée et si souvent dénoncée des fameux « immigrés »
vers l’eldorado de l’Europe).
Malgré la prodigieuse
ascension de pays tels que l’Inde, la Chine, ou le Brésil, l’ensemble-Tiers-Monde
est à nouveau assimilé à l’échec, justificateur de toutes les formes de
condescendance et d’arrogance.
Jamais notre monde n’a,
me semble-t-il, été plus marqué par le néo-colonialisme, sous sa forme la plus
franche et la plus « décomplexée ».
Une personne qui aime,
c’est une personne qui est sur le petit nuage rose de l’extase et de l’illusion.
Elle voit en l’être
aimé une part de proximité avec elle qui, en réalité, ça se trouve, n’existe
pas du tout. Ce mécanisme est extrêmement mystérieux. A quoi est-il dû ? A
l’action de cette « hormone de l’amour » qu’est l’ocytocine ? Au
désir et à la volonté de créer à tout prix un lien en niant l’altérité de l’autre ?
C’est fréquemment que
les amoureux décrivent le phénomène du « coup de foudre » comme un
sentiment non de « faire connaissance » mais de « reconnaître »
quelqu’un qu’on connait depuis toujours. Et puis, n’a-ton pas, depuis fort
longtemps, coutume d’évoquer le mythe des « âmes-sœurs » ?
L’égo de l’être humain
est naturellement tyrannique et porté à ramener tout à lui. Il rêve d’une « fusion »
qui, pour lui, est, hélas, de l’ordre de l’irréalisable. Tout ceci est à la
source de bien des malentendus, des manques de respect, des déceptions.
A moins –on ne sait
jamais – qu’une mutation radicale ne touche l’espèce humaine, ou que la
possibilité technique de reprogrammer le cerveau humain ne devienne possible
(mais selon certains, elle va l’être), l’être humain jugera toujours son
semblable ; c’est plus fort que lui.
Car se focaliser sur
autrui le détourne de lui-même et de ses propres insuffisances.
Sans compter que, plus
« bêtement », ça occupe le temps, et alimente les conversations.
Observer, apprendre, réfléchir.
Voilà les trois
chemins qui, associés, peuvent (peut-être) conduire à une certaine sagesse.
P. Laranco.
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