mercredi 27 juin 2018

Lecture (littérature américaine) : Céleste NG, "LA SAISON DES FEUX", Sonatine, 2018 .






« Une merveille », n’hésite pas à en dire Paula HAWKINS sur la quatrième de couverture. Eh bien, elle n’exagère pas, et je crois que je n’exagère pas non plus en confiant combien je me suis « régalée » à la lecture de ce gros roman (près de 180 pages).
Ce livre n’est ni un thriller, ni même un polar au plein sens du terme. On le rangerait en vain dans une case. Bien sûr, on y trouvera un crime, et une dose certaine de suspense. Mais, au travers de ce récit complexe, souvent méandreux et pourtant très structuré, fourmillant de récits dans le récit, de portraits psychologiques drus (dont le plus attachant est, sans conteste, celui de la femme artiste nomade Mia, si originale et si humaine qu’elle n’est pas loin d’apparaître un peu « chamane »), ce que l’on sent, c’est, avant toute autre chose, la dénonciation, redoutablement efficace quoique très subtilement amenée, des sociétés occidentales contemporaines.
L’ « impérialisme » bourgeois et son hypocrisie « progressiste » en prennent pour leur grade.
Le soi-disant « monde parfait » qu’il propose avidement pour modèle obligé au reste de la planète, dans tous les quartiers gentrifiés et policés du monde sur-« développé » (le seul monde qui compte) cache en réalité le mépris pour la pauvreté (même assumée, SURTOUT assumée), le racisme (je vous l'accorde, feutré, souvent involontaire), le rejet de toute altérité et de toute liberté en ce qui concerne le choix du mode de vie. Son mot d’ordre par excellence n’est autre que « CONTRÔLE ». Toute marque de dénuement suscite, dans ses rangs, une suspicion viscérale. Le contraire, en somme, du « vivre ensemble ».
L’univers bourgeois, centre névralgique du fameux « monde libre », n’est dans les faits qu’intolérance.
Confronté à un véritable  bohème, un bobo-yuppie, si « cool » se donne-t-il la peine de paraître, devient vite nerveux. Parce qu’il se pense investi d’une « mission » qui est prosélyte, presque « missionnaire » au sens religieux du terme : améliorer. En nivelant. Pour la bonne raison qu’on ne peut « vivre ensemble » qu’avec ses propres « clones ».
- Ça vous gène, n’est-ce pas ? déclara soudain Mia. Je crois que vous ne pouvez pas comprendre. Qu’on puisse choisir une vie différente de la vôtre. Qu’on puisse vouloir autre chose qu’une grande maison avec une grande pelouse, une belle voiture, un travail dans un bureau. Qu’on puisse ne pas faire les mêmes choses que vous.
Tout est là. Ou presque. Car ce roman –d’une richesse remarquable – fouille également d’autres thèmes. Avec beaucoup de sensibilité, il aborde la quête des racines ethno-culturelles brouillées (mais d’une force qui reste peu commune), ainsi que l’extrême vigueur, mêlée d’extrême ambiguïté, du lien (intime et sans fond) qui relie une fille à sa génitrice (ou vice versa).
Nous tenons là un petit chef d’œuvre profond, brillant, subversif  et addictif en diable.
Le deuxième roman d’une auteure à l'intelligence acérée qu’il faudra, certes, avoir à l’œil.















P. Laranco.





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