Parler des choses autrement que de la
manière « jargonneuse », rigidifiée, hautement codifiée, en un mot
comme en cent, « savante » des universitaires…Échapper aux bonnes
vieilles « méthodes » apprises à l’école et, donc, se libérer des
formatages…
SOCRATE ne parlait ni comme BARTHES, ni
comme DERRIDA, que je sache. D’ailleurs, il n’écrivait même pas.
Personnellement (sans oser me comparer à
Socrate), je crois dans les mots simples, de même qu’en les discussions
« à bâtons rompus » qui usent des mots courants, et partent en tous
les sens. Je sais que tout le monde fait, au moins une fois dans sa vie, de la
philosophie, de l’Histoire, de la sociologie, de l’anthropologie « sans le
savoir ». Ça ne me gêne pas. Bien au contraire.
Il est possible d’exprimer des choses très
complexes à l’aide de termes « tout bêtes ». Comme de stimuler
l’ardeur des neurones et l’agilité de l’esprit en faisant ce que l’on appelle
« sauter du coq à l’âne ». Du moins est-ce une de mes convictions. Je
pense que la pensée s’épanouit on ne peut mieux sans corsets qu’avec.
L’impression que j’ai du monde est que toutes les choses sont liées, de près ou
de loin. « Interconnectées », ainsi que le formulent, pour leur part,
fort judicieusement, les Bouddhistes.
Les dominants sont si sûrs d’eux. Si
persuadés de tout savoir. Si soucieux de tout contrôler.
Le Français (même intellectuel, même
« spécialiste » de telles ou telles mœurs – prétendument
« esprit ouvert et universel »)- et je dirai même l’Occidental –
n’est pas curieux des autres cultures. Il estime que sa culture est tellement
dominante qu’elle se situe très largement au-dessus de tout cela. Peut-être
estime-t-il même (plus ou moins consciemment) que les autres cultures sont
vouées à disparaître (sous le rouleau compresseur de SA mondialisation, de plus
en plus prégnante - et pour le bien de l’humanité, bien sûr).
La dominance engendre un sentiment de
supériorité que l’on estime légitime et que l’on cultive en toute bonne
conscience, quasi ingénument. Mais on oublie trop volontiers que la médaille a
son revers : « on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du
beurre », comme l’on dit.
Tout sincère qu’il soit (parfois) dans son
désir de dialoguer avec les autres cultures, de s’ouvrir à elles, le membre
d’une culture hyper dominante réalise toujours mal qu’il est sensiblement
handicapé par tout ce qu’il porte et continue nécessairement de porter en lui.
Malgré le « Sanglot de l’Homme
Blanc » et malgré toutes les tentatives d’ordre mimétique qu’il sera
susceptible de déployer, il ne pourra jamais s’introduire réellement,
authentiquement dans la « peau » de l’autre. Il y est définitivement
« interdit de séjour » et même sa volonté individuelle n’y changera
rien.
Pour dialoguer, pour communiquer d’une
façon autre que superficielle, passagère et fragmentaire, il est besoin, me
semble-t-il, qu’existe chez les deux parties un minimum de sentiment de se
trouver sur le même pied. Sans trop de fossé, de déséquilibre. Tout
déséquilibre fausse la donne. Toute dominance crée, de manière inévitable, un
éloignement sans remède.
La dominance de l’Occident entretient les
hautes œillères de l’eurocentrisme.
En revanche – ainsi que les auteures
féministes l’ont, dans leur analyse fouillée de la dominance radicale, si bien
perçu – le dominé, lui, sait « observer » le dominant de manière attentive, pointue. Parce qu’il le
DOIT. Qu’il n’a pas le choix. Ce qui aiguise ses « antennes ». Et est
peut-être, pour lui, un « avantage ».
L’idée de « faire descendre de leur
piédestal », au besoin en les humiliant, en leur imposant les besognes
manuelles les plus « basses », les « clercs » qu’a voulu
promouvoir MAO Zedong lors de sa (redoutable) « révolution
culturelle » au XXe siècle n’était guère, en soi, si mauvaise. Car il n’y
a, souvent, rien de plus insupportable que la morgue d’un clerc, d’un être
bardé de diplômes et autres titres, d’un enseignant (surtout, d’un universitaire)
devant lequel tout le monde se « prosterne ». L’on peut, bien sûr, à
juste titre, se montrer satisfait d’un parcours professionnel et d’une certaine
position, d’un certain rôle ; pourtant, rien ne justifie la
condescendance, la morgue que l’on observe trop fréquemment et qui témoignent
d’un excès de fierté, doublé dans le cas qui nous occupe d’un fort sentiment
d’appartenance corporatiste et élitiste.
On peut, me semble-t-il, vouloir
« briser » le goût du pouvoir qui parasite les enseignants du fait
de leur position – nécessairement dominante – de transmetteurs d’un savoir.
Cependant, cette attaque maoïste contre
les « mandarins », les prestigieux « Maîtres » (si centraux
dans bon nombre de traditions asiatiques) a ouvert les vannes de la vengeance
la plus sauvage, la plus absurde. Tuer la morgue chez un individu ou une
« caste », cela peut être positif; les éliminer dans un
déchaînement de haine barbare, de violence aveugle en en faisant du même coup des
martyrs, c’est tout autre chose.
Le délitement des solidarités sert le
capitalisme.
Il est toujours étonnant de constater à
quel degré la peur reptilienne et limbique, lorsqu’elle se trouve mobilisée,
peut transformer, en un instant, un être loin d’être bête, voire un
intellectuel – en parfait idiot paranoïaque
qui, soudain, s’accroche à tous les préjugés. Tant que les intérêts, les
privilèges ne sont pas menacés, l’esprit reste large.
Le « vivre ensemble », en
France (sans véritable politique sociale) est un attrape-nigaud.
Les besoins de l’Homme sont complexes,
changeants et fréquemment contradictoires. C’est peut-être la raison pour
laquelle les « solutions idéales », les
« réponses-miracle », les idéologies et les systèmes de tous ordres
(politiques, économiques, philosophiques) comme de tous types ne m’inspirent que méfiance, circonspection à
tout le moins.
La conscience est ce qui empêche l’Homme
de s’abandonner à la mort ; même quand le corps est prêt à mourir. C’est
la conscience qui, elle aussi – et plus encore que lui – veut durer, qui
s’agrippe, se bat ; s’acharne. Pour sa PROPRE conservation. Les animaux,
qui ne possèdent pas notre type de conscience, meurent sans révolte.
L’idéal masculin du « chef »
trouve probablement sa source dans un instinct « primate » profond.
Mâle bourré de testostérone qui fornique
avec le plus grand nombre de femelles qu’il lui est possible de trouver
(prioritairement, des jeunes), ce qui assoit son autorité, son prestige, son
statut social « alpha ». Les polygamies propres à l’Afrique
sub-saharienne ou pharaonique ne trouveraient pas leur source ailleurs.
Ailleurs que dans ce « berceau de l’humanité » reconnu
que constitue l’Afrique, c'est-à-dire sur les autres continents, le mâle humain se montre, certes, (pour des
raisons complexes qu’il serait bien trop long de développer ici), sensiblement
plus hypocrite. Reste que le pouvoir et le sexe demeurent étroitement « en
cheville ». Partout, le pouvoir et la séduction érotique mâles
entretiennent de sérieux liens. La violence et le désir sexuel (deux
« produits » testostéroniques par excellence) sont, si j’ose dire,
les deux mamelles de la domination directe. On affirme, depuis longtemps, que
le pouvoir possède des vertus « aphrodisiaques ».
Mais l’inverse n’en est pas moins vrai car,
pour accéder au pouvoir, le charisme masculin (à haute dimension séductrice,
érotique) est encore d’une aide plus que précieuse. Ce ne sont pas les exemples,
historiquement encore récents, d’un Benito MUSSOLINI (*),
ou d’un John Fitzgerald KENNEDY qui le démentiront.
Les tendances à la « polygamie »
ou à l’exhibition de multiples femelles-« trophées » par ces
messieurs demeurent (de manière plus ou moins discrète) présentes et admises
comme « normales » dans toutes les sociétés humaines, y compris
celles officiellement les plus farouchement monogames et axées sur les liens du
couple.
Et les « hommes à femmes »
attirent souvent les femmes comme des aimants ; cela fait peu de doutes.
(*) Je vous renvoie à l’ouvrage
de Diane DUCRET, FEMMES DE DICTATEURS,
Perrin, 2011.
Je vois mal les jeunes
« branchés » actuels nous refaire, en France, le « coup »
de Mai 68.
Tout ce qu’ils paraissent en avoir
retenu, c’est le mol « Jouir sans entraves » et le stupide « Il
est interdit d’interdire ».
L’abondance matérielle et l’hédonisme
abrutissent les gens qui en profitent tout en suscitant l’envie de ceux
(nettement plus nombreux à la surface de a planète) qui n’en bénéficient point.
De plus, ils ne répondent pas à la grande
question du SENS, de la finalité qui taraude l’intelligence humaine.
L’être humain est imprévisible. Et ce
n’est pas sécurisant. Le meilleur moyen d’y parer est sans doute de s’attendre
à tout. D’apprendre à se laisser seulement frôler, effleurer en surface. Ainsi
que disait le bon vieil ARAGON, « rien n’est acquis à l’homme ». Ce
jouet du Temps. Ce tissu complexe. Et instable, de par sa nature.
Seuls opèrent donc le recul, et le refus
de l’attachement. Qui ne privilégie rien, ni personne.
Bhagavad-Gîtâ-Gita, une fois de plus !
Il n’y a pas que la passion amoureuse qui
puisse devenir obsessionnelle, loin de là.
Un sujet d’intérêt, une passion pour une
activité quelconque, surtout créative, peuvent le devenir tout autant, sinon
même davantage. Étrangement comparables en cela aux jeux qui accaparent les
enfants et leur procurent tant de plaisirs, ils sont susceptibles de vous
occuper la totalité de l’esprit, littéralement, de vous « posséder »,
et pour peu que vous présentiez certains « dons » et certain goût
prononcé pour certain type d’activité et d’intérêt, ils peuvent occuper
« toute la place » et remplir une vie presque entière.
Si l’on veut prendre des exemples « de
haut vol », donc bien connus, VAN GOGH était un « obsédé » de la
peinture, EINSTEIN un « obsédé » de la physique et Indira GANDHI une
« droguée » de la politique. Celles-ci – et la quête qu’elles
impliquaient pour eux – ne les « lâchaient » pour ainsi dire pas un
seul instant. En les regardant sous un certain angle, on eut pu presque les
comparer à quelque cancer occupé à les dévorer sans répit.
Ce genre de « possession »,
d’accaparement impérieux, peut vous empêcher de vivre une vie dite
« normale », « courante ». il vous coupe des autres, vous
enferme dans une sorte de « bulle », ou entre deux
« œillères » - quand bien même suscite-t-elle souvent leur envie (car
il vous donne un But existentiel, avec un B majuscule).
Le problème, avec l’Homme, c’est qu’il a
besoin d’impressionner.
Les parents ont besoin d’impressionner
leur progéniture en bas âge, notamment afin qu’elle les imite (cela s’appelle
l’ « éducation »).
Les hommes ont besoin d’impressionner les
femmes afin de les séduire, par les moyens qui leur sont propres – et le
contraire est vrai aussi.
Or, tout désir d’impressionner réclame,
appelle l’idéalisation.
Les êtres idéalisent leurs modèles ou
objets de désir au-delà du raisonnable, mais toute idéalisation excessive
finit, ainsi qu’on dit vulgairement, par « se casser la gueule ».
L’enfant admiratif grandit et, en
grandissant, perçoit les failles de celui ou de celle à qui il avait attribué
la « force » absolue des « superpouvoirs », la vertu
incommensurable. De même, l’amoureux – homme ou femme – tombe de très, parfois
de trop haut quand la « baudruche » qu’il ou elle en était venu(e) à
se construire se « dégonfle ». L’enfant, l’adolescent et l’amoureux
des deux sexes se sentent trahis. Leur admiration vibrante, confiante se
métamorphosent en jugement, en méfiance. Quand ce n’est pas, certaines fois, en
rejet teinté de mépris farouche.
P. Laranco.
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