L’Homme n’est que par ses leurres, en sorte que l’atrophie de
ses leurres l’atrophie.
Pourquoi les gens
aiment-ils le pouvoir ? Parce qu’il leur donne de l’importance. La moindre
parcelle de pouvoir exercée sur autrui, ils s’y rivent comme une moule à son
rocher. Ils s’y accrochent comme si leur existence même en dépendait. Ils
méprisent, dévaluent, abusent (encore et encore)…rien que dans le but de se
prouver qu’ils exercent ledit pouvoir sans aucun doute.
« Politiquement correct » pour garder bonne
conscience, et pour donner l’impression d’une grande élévation d’esprit, qui
justifie le magistère.
« Penser positif » pour barrer (habilement) la route à
toute expression de mal-être, d’injustice, de détresse matérielle et/ou
culturelle.
« Vivre ensemble » : nouveau mantra, mot creux
visant, in fine, à justifier la mondialisation actuelle (sans jamais préciser
qu’il s’agit d’une mondialisation capitaliste et libérale qui cache son avidité
sauvage, sans merci de profit sous l’oripeau de la « tolérance » et
de « l’ouverture à l’autre »).
Ces trois impératifs catégoriques tiennent le haut du pavé et
anesthésient plus ou moins les cerveaux partout où les gens, les peuples
pourraient penser, réfléchir à leur situation partout de plus en plus précaire
et dénuée de prestige.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que nous vivons dans des
« démocraties » manipulées.
Tout est susceptible
de devenir la meilleure ou la pire des choses. Si ce n’est d’être à la fois le
meilleur et le pire.
Ce n’est pas le fait d’être désormais « cool »,
« fun », « glamour » et « progressiste » (sur
certains points bien ciblés) qui fera que la bourgeoisie ne sera plus la
bourgeoisie, à savoir une élite, une classe dominante, égoïste et orgueilleuse
qui panique dès lors que l’on remet en cause ses intérêts.
Autrefois, les classes dirigeantes s’appuyaient sur des
légitimités métaphysiques tels que la volonté de Dieu et l’ordre des choses
voulu par des puissances surnaturelles (les rois de France, par exemple,
étaient les « oints du Seigneur », les pharaons d’Egypte antique des
médiums entre les dieux et le peuple du Nil, le système social trifonctionnel
hérité des Indo-européens paraissait tout à fait cohérent et la femme n’était
pas reconnue comme pleinement humaine). Mais la science, l’émergence
progressive de la rationalité ont balayé ces convictions millénaires en Europe
de l’ouest, au XVIIIe siècle. A présent, l’argent, le « poids en
dollars » est devenu la seule légitimité. A ceci près qu’elle est fragile.
Beaucoup plus fragile.
L’envie (communément
appelée, en français, « jalousie ») humaine est un (dangereux)
réflexe de mimétisme.
L’Homo sapiens semble
avoir été, entre autre, « programmé » par la nature pour imiter. Le
très grand nombre de neurones-miroir que recèle son cerveau en porte sans doute
témoignage. Cela a de « bons côtés », car cela booste l’apprentissage
et l’empathie. Cependant, le versant moins rose en est aussi le fait de vouloir
ramener l’autre à soi et, donc, le non-respect de l’altérité, l’hostilité à son
égard.
Par certains côtés, le
fantasme d’égalité universelle procède également de cela.
Moralité :
toujours se méfier de l’ambigüité, de l’ambivalence des ressentis – et même des
idées – de notre espèce !
Si ambivalent, si contradictoire, si changeant, si complexe, si
imaginatif et, volontairement comme involontairement, si peu au fait de
lui-même, l’être humain est-il fiable ?
Le monde est tellement
vaste. Je veux, autant que cela m’est et me sera possible, « épouser »
un maximum de sa vastitude.
C’est la raison pour
laquelle je désire apprendre, le plus que je pourrai. La vie est trop courte
pour que j’aie le temps de m’attacher à des étriquements, de m’y attarder.
Nous avons tous les défauts de nos qualités…et les qualités de
nos défauts.
Faut-il que l’être
humain soit fragile pour qu’il ressente un tel besoin d’estime de soi, de
réassurance, de reconnaissance (jusqu’à la mauvaise foi, qui le rend incapable
de reconnaître, d’assumer loyalement ses erreurs et autres « torts ») !
Il ne faut plus rien critiquer.
La critique, c’est « négatif ». Et puis ça engendre
toujours, potentiellement, des conflits.
Voltaire, il me semble, se régalerait de l’époque dans laquelle
nous vivons.
Les « Bobos » libéraux-démocrates et
christiano-bouddhistes tentent d’imposer leurs valeurs au monde. Ils encensent
le consensus, en faisant mine d’ignorer ses injustices. Ils appellent le
« vivre ensemble ».
Toutes ces glorifications de la « non-violence » et de
la « pensée positive »…nouvelle intox ? L’hyper-libéralisme
(économique) aurait-il, enfin, trouvé, par ce biais, le moyen de se créer un
idéalisme de couverture ?
Il reste que la question est de savoir si une planète Terre
surpeuplée, de plus en plus endommagée au plan environnemental et dont les
trois quarts de la population croupissent dans des situation de pauvreté (quand
ce n’est pas de misère) et de sujétion face à une minorité de représentants du
genre humain submergée, pour sa part, par une abondance matérielle sans
précédent et détentrice d’une domination financière et technologique planétaire
qui, de toute l’histoire de l’humanité, n’a jamais été à ce point écrasante est
un terrain susceptible de se prêter durablement au « peace and love ».
A vous de vous faire une idée.
Le pouvoir est la drogue
de l’Homme.
Regarder, oui. Mais regarder à quelle échelle ?
Et selon quel angle d’approche ?
Au cerveau qui range,
trie, sépare, étiquette, classe, catégorise, je préfère celui qui sait établir
des associations, des ponts, si inattendus, si improbables que ceux-ci puissent
apparaître. Celui qui est capable de penser l’univers (nous compris dedans)
comme une globalité dont le plus infime élément est de nature poreuse.
Au cœur de chaque instant présent, le temps passé, encore,
résonne. De même que nous y sentons, déjà, accourir le souffle du futur.
Le cerveau humain est une machine à apprivoiser le temps.
Apprendre, cela
implique de se remettre en cause ; de recevoir le savoir, qu’on ne possède
pas, d’une autre personne.
Voilà qui demande (on
ne le souligne pas assez souvent) énormément d’humilité.
Le statut d’ « apprenant »
place nombre d’adultes – et même, de jeunes, voire d’adolescents en quête
exacerbée d’affirmation de soi – dans une posture qu’ils jugent, vivent comme
plus ou moins vaguement « humiliante ».
C’est peut-être l’une
des raisons pour lesquelles ceux/celles que l’on nomme « autodidactes »
sont assez rares.
Le désir d’apprendre n’est
pas encouragé dans certains milieux sociaux non plus, il s’en faut de beaucoup.
Tout comme les groupes ethniques, les catégories sociales créent et
entretiennent des cultures spécifiques qui, fréquemment, ont tendance à se
refermer sur elles-mêmes pour entrer en opposition plus ou moins ouverte les
unes avec les autres. Le « savoir » est alors vécu – et rejeté – en
tant qu’apanage des élites qui dominent l’ensemble du corps social.
La vie moderne m’apparaît de plus en plus comme une cacophonie
(volontiers soûlante, fatigante) où, à force de culte du « débat »,
soi-disant du « droit de chacun à la parole », on ne sait plus tenir
de conversation longue, solide, attentive et, au bout du compte, enrichissante
qui ait réellement valeur d’échange capable de faire « mouliner » les
esprits. Chacun y est si acharné à se mettre en avant, à s’accrocher au
bien-fondé de ses propres points de vue et à la véracité de ses connaissances ou
des informations qu’il apporte/colporte que c’est à peine s’il tient compte –voire
s’il entend – le discours de l’autre, de celui avec qui il est sensé échanger
mots, idées. Dans une telle parodie de communication (qui, souvent, tend
rapidement à tourner à la foire d’empoigne verbale), il ne s’agit pas de s’enrichir ;
il s’agit, en fait, d’avoir le dernier mot, un peu comme sur le ring d’un match
de boxe. La fonction d’ « écoutant » est, dirait-on, vécue comme
une fonction « subalterne » qui vous « rabaisse » (est-ce
parce qu’elle vous ramène aux âges où vous deviez vous contenter d’écouter bien
sagement les autres – parent ou professeurs – si vous vouliez apprendre ?).
C’est une des raisons pour lesquelles les mondanités et, plus
généralement encore, la vie sociale me laissent si souvent une sensation de
perte de temps, de brassage d’air, voire l’arrière-goût d’une frustration au
fond de la gorge.
Les gens ne veulent pas vraiment [se] parler. Ils veulent
impressionner, séduire. Ils veulent attirer l’attention (au cœur d’un monde
urbain de foules, où l’anonymat règne en maître).
Avec les livres, c’est tout autre chose. Ce sont les meilleurs « causeurs »,
les meilleurs « interlocuteurs » que, pour ma part, je puisse trouver.
Et ce, depuis belle lurette.
Tout instant que nous
vivons est à la fois présent, passé, futur. Dans la mesure où notre cerveau
baigne dans ces trois « dimensions ».
Ce qui a amené les organismes unicellulaires (bactéries, algues
ou champignons microscopiques, cellules) à s’unir, à former des colonies, nous
pouvons le comprendre. Eu égard au principe « L’union fait la force »,
ce devait être avantageux pour leur survie.
Mais comprendre le pourquoi de l’apparition, par la suite, d’organismes vivants végétaux et animaux (même hyper-primitifs) fonctionnant comme des
« Touts » dotés de nombreux organes ayant, chacun, fonction précise
tout en demeurant liés, à l'intérieur du "Tout", par une étroite interdépendance, un co-fonctionnement
rigoureux – en un mot, l’apparition de corps compliqués appartenant à des
espèces (corps de fougère, corps de ver, corps de chien, etc), voilà ce qui, je
crois, nous pose encore problème.
On s’accoutume ;
on a bien tort : les choses et les états sont foncièrement instables. Mais
l’accoutumance donne à l’Homme l’illusion de l’éternité, et c’est pourquoi il s’y
accroche.
P. Laranco
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