Le drame de l'être humain, c'est
qu'il voit - ou entrevoit - toujours ce qu'il PEUT ÊTRE...mais ne parvient
jamais à devenir. C'est cela, je crois, qui le différencie fondamentalement de
l’animal.
Sais-tu, ou
te contentes-tu de croire que tu sais ?
L’idéologie
occidentalo-capitalisto-moderne est hostile à la maîtrise de soi comme elle
l’est à la solidarité, à l’attention à l’autre. Son culte effréné de la
liberté, de la « libération », son obsession de l’argent comme
véhicule d’appropriation des choses et de pouvoir ne peuvent-ils pas, en toute
logique, qu’aboutir à un relâchement trop extrême des liens qui « font
société », unissent les êtres humains depuis que l’humanité est devenue
humanité ?
Quand tout
EFFORT visant au contrôle de son propre comportement recule, voire s’efface au
profit de la recherche – légitimée – de la jouissance immédiate et de l’horreur
de la « perte du temps », à quoi risque-t-on d’aboutir ?
Le besoin de « faire
société » n’est-il pas un besoin humain parmi les plus basiques,
exactement au même titre que celui de manger à sa faim, de boire à sa soif, de
s’abriter, de se laver, de se chauffer ou de se rafraîchir, de se reproduire,
de converser, de se distraire, d’être libre de ses mouvements, d’être à l’abri
des agressions et des dangers ?
Organisation et désorganisation sont les deux faces d’un même Janus.
On a l’impression que ces deux « forces » sont intimement
liées. Comme si l’une semblait appeler l’autre, et vice-versa.
Le
déguisement fait l’Homme.
Nous faisons toujours attention à ce que disent les autres ; à ce
qu’ils pensent, font. C’est dans notre nature profonde. C’est gravé dans notre
cerveau. Comme sillons profonds dans la terre.
Il n’est pas
faux de dire que le monde n’existe que parce notre perception existe. Qu’il
disparaîtra dès le moment où nous ne le percevrons plus, où nous aurons, NOUS,
perdu notre propre existence. D’une certaine façon, le monde a donc BESOIN de
nous et de notre conscience pour être perçu.
Ne pas être,
c’est n’avoir pas encore acquis la possibilité de le percevoir, ou encore
l’avoir perdue.
De cela, il
résulte que le monde ne peut guère exister que pour nous. S’il existe en dehors
de notre perception, « en soi » ou « pour soi », ce n’est
pas là notre problème.
Il est bien
évident qu’en dehors de nos sens et de nos outils intellectuels de perception,
il n’y a aucun moyen de l’atteindre.
A chaque mort
d’un organisme sensitif, a fortiori d’un organisme sensitif et conscient, le monde meurt pour lui, avec lui, par simple
effacement de sa perception et de la synthèse interprétative de ses perceptions
sensorielles qu’est sa conscience. Il est perdu, et il nous perd.
Vu sous cet
angle (et, donc, dans une certaine mesure), le monde n’est que l’ensemble que
constituent nos perceptions et la conscience que nous en avons. Nous ne le
« connaissons » que parce que nous interagissons avec lui et que nous
faisons la différence entre lui et nous. La conscience est séparatrice.
C’est vrai que comprendre l’âme humaine (autant que
faire se peut) peut nous rendre quelque peu cynique.
Mais, après tout, le cynisme n’est-il pas l’un des
proches cousins du pragmatisme ?
Certains sont capables d’adopter ce point de vue, de
l’instrumentaliser à leur profit, et ne s’en privent pas.
D’autres –dont il se trouve que, pour ma part, je suis
– adoptent une position nettement plus nuancée. Leur part de cynisme les rend
plus désabusés, plus distanciés, plus détachés. Ce qui peut être fort utile au
développement, à l’approfondissement de leur sagesse.
Les passions
sont un tumulte. Une sorte de cyclone de l’esprit. Rien ne peut s’éclaircir, se
décanter tant qu’on se trouve pris dans leur tourbillon, tel du linge lavé peut
l’être dans une essoreuse.
Une vie, ça consiste à se donner des buts, c'est-à-dire
à aspirer. Et ensuite, à se faire aspirer par ses aspirations.
Les aspirations nous frustrent, dans la même mesure
qu’elles nous occupent l’esprit, l’empêchent de tourner en rond à l’intérieur
d’une vacuité informe.
Comment
attendre d’un (d’une) Narcisse qu’il (elle) aime – ou même, sans aller
jusque-là - qu’il (elle) accueille qui
que ce soit d’autre que lui (elle)-même ?
La science ne résout rien. Elle pose des questions,
c’est tout (et c’est déjà si important, si essentiel, si crucial !).
L’humanisme
doit-il automatiquement dégénérer en complaisance pour les faiblesses
humaines ?
La poésie flirte avec l’au-delà du mot.
A quoi bon
essayer de communiquer, d’établir le contact avec des personnes nombrilistes
qui s’imaginent (bêtement) être le monde à eux tout seuls ?
Tout ce que ces êtres désirent, c’est qu’on
leur SERVE de miroir ; de miroir d’eux-mêmes et/ou de leurs fantasmes, ou
de réponse à leurs besoins.
Si, comme il
semble, le monde se fait de plus en plus « riche » d’individus de
cette sorte, il va, si ça continue, se muer en un désert relationnel.
Vaudra-t-il – vaut-il déjà – la peine de vivre dans un pareil cadre ?
J’ai examiné bien des choses sous pas mal d’angles.
Ce faisant, j’ai essayé de m’aider, de m’appuyer sur
pas mal de sources de savoir ainsi que d’observations, de réflexions.
Et pourtant, à l’automne de ma vie, j’ai le sentiment
d’être à peine plus avancée que je ne l’étais au tout début de ma petite quête.
Si j’ai « appris », cela ne concerne que des points somme toute
circonscrits, étriqués (des points de détail) et des situations provisoires.
Pour le reste, « Je ne sais pas » et serais,
encore, toujours, bien en peine de me prononcer, d’avoir quelque idée
d’ensemble réellement claire, définitive et transparente.
La « vérité » et son contraire me semblent
bien souvent s’entre-mordre la queue, ou la tête, selon le point de vue qu’on a
choisi.
L’idée la plus fiable de l’Univers que je sois en
mesure d’avoir (à tout le moins ainsi le vis-je), c’est celle d’une sorte de
pelote, d’écheveau de complexités, de métamorphoses et de paradoxes.
On peut
considérer que les mots sont un détournement de réel.
Les hommes désirent peut-être les femmes et ressentent
peut-être d’elles un authentique besoin ; sans doute même leur
inspirent-elles une fascination extrêmement forte.
Mais les hommes ne respectent que les hommes.
La logique ? Si l’on la suit dans ses
derniers retranchements, on quitte l'humanité commune et l'on se
"perd", car on n'arrive plus à la suivre. Peut-être est-ce pour cela
que tant de philosophes (Nietzsche, Wittgenstein...) ou tant de savants
(Gödel...) finissent par devenir fous, ou excentriques. Peut-être est-ce pour
cela que les exigences, les intransigeances logiques des personnes qui ont le
fameux syndrome d'Asperger nous semblent si étranges.
Il faut faire très attention, car la logique suit ses propres chemins, qui n’appartiennent qu'à elle et que, seule, une part (très récente et, peut-être, très superficielle) de notre cerveau est plus ou moins armée pour emprunter de manière convenable.
Il faut faire très attention, car la logique suit ses propres chemins, qui n’appartiennent qu'à elle et que, seule, une part (très récente et, peut-être, très superficielle) de notre cerveau est plus ou moins armée pour emprunter de manière convenable.
La
mémoire d'enfance est sans doute la plus vive, la plus vivace de toutes. Elle
grave les souvenirs comme s'ils étaient des sillons, des ravines encaissées.
Profondément dans le sol plein de circonvolutions du cerveau neuf, doté d'une
perception sans cesse aux aguets, aussi vierge que poreuse. Ensuite ? Je ne
sais pas ce qui se passe, mais nous perdons cette mémoire-là. A moins
d'événements marquants et/ou traumatisants, les souvenirs se marquent moins
dans notre chair. Comme si une espèce de blindage, de voile (sensoriel autant
que mental) venait faire écran.
Lorsque
je pense à ma mémoire d'enfant, je m'étonne toujours de son relief. Elle a
pénétré toutes mes facultés de sentir et de m'émouvoir. Elle est aussi
"immortelle" que les bas-reliefs et autres hiéroglyphes gravés de
l'Egypte.
Tous et toujours, nous sommes et serons
des puzzles plus ou moins en demande des pièces qui doivent nous compléter.
L’Homme
se croit promis à un destin de dépassement de la condition animale. Mais, là
encore, c’est SA perception des choses, SON interprétation. Un cerveau, même très complexe, même capable
de « prodiges » d’ingéniosité et de compréhension tel que le sien n’en
reste pas moins un enchevêtrement de matière vivante, simplement porté à un
degré plus poussé, plus élaboré de
plasticité, de capacités. Et ses qualités, si souples, si virtuellement « illimitées »
qu’elles semblent lui paraître, ne sont jamais que les qualités propres à l’espèce
animale qui est la sienne.
P. Laranco.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire