Je veux vous parler d'une famille arménienne dont j'ai fait la connaissance dans ma commune à Trégastel. Elle compte 5 membres : Kristina la mère (38 ans), Arcadi le père (42 ans), Norayr le fils aîné (18 ans), Armen leur fils cadet (15 ans) et Lyudmila leur fille (9 ans).
La famille B. a demandé l’asile en France en juillet 2018 et habite actuellement à Trégastel (dans les Côtes-d'Armor), depuis 2020.
D’abord logée par le centre d’accueil des demandeurs d’asile au bourg de Trégastel, le rejet définitif de sa demande d’asile en août 2021 et l’arrêté préfectoral d’expulsion qui s'est ensuivi l’a obligée à trouver un nouveau logement en plein hiver. La famille avait par ailleurs déposé une demande de titre de séjour sur le territoire français.
C'est alors que s'est créé un collectif de soutien pour trouver rapidement une solution. La mairie de Trégastel a mis à disposition l'ancien appartement de fonction de la Poste, inoccupé depuis plus de 10 ans, pour une durée de 3 mois « en attendant » une réponse de la préfecture à leur demande de titre de séjour.
La solidarité s'est organisée rapidement et efficacement et la famille B. a pu s'y installer le 3 mars dernier.
Jeudi 17 mars : la famille reçoit une terrible nouvelle : le préfet ordonne une OQTF (obligation de quitter le territoire français). Ils sont sommés de quitter leur nouveau logement alors même qu'ils viennent de s'y installer deux semaines avant.
Comment peut-on demander de partir à une famille qui s'est déjà intégrée dans notre pays depuis quatre ans, alors que la situation qui les a amenés à quitter l'Arménie en 2015 a empiré ?
Les préfectures qui examinent les dossiers de chaque personne ou famille, s'intéressent-elles vraiment à ce qui se passe dans ces pays ? Ou ne font-elles qu’obéir aux directives des instances supérieures sans faire preuve d'un semblant d'humanité ?
La famille B. a quitté l'Arménie en 2015. Elle a d'abord essayé de s'installer en Allemagne où elle a vécu trois ans. Face aux difficultés pour trouver du travail, les parents ont choisi la France pour mettre leurs enfants en sécurité et reconstruire leur vie de famille dans des conditions plus propices.
À leur arrivée en Bretagne en 2018, les enfants ont été scolarisés, ils ont appris le français, ils sont à présent parfaitement bilingues. Le plus âgé est au lycée, le cadet est lui au collège et la plus jeune à l'école primaire. Ils ont tous les trois eu le temps de se faire des amis·es, ils pratiquent des activités extra-scolaires. Bref, ils mènent tous les trois une vie d'enfant ou d'adolescent de leur âge. Ce n'était pas gagné d'avance à leur arrivée, mais au prix d'efforts, ils se sont parfaitement intégrés.
Les parents sont prêts à travailler dans n’importe quel domaine, y compris dans des « métiers en tension », et plusieurs employeurs souhaiteraient les embaucher. Ils prennent des cours de français donnés par des bénévoles.
Il est inacceptable qu'on demande à cette famille de quitter le territoire français, quand on connaît toutes les difficultés et toutes les peines auxquelles ils ont dû faire face depuis leur départ de l'Arménie. C'est cruel et inhumain.
Dans le contexte actuel de guerre en Ukraine, la France semble prête à accueillir les réfugiés ukrainiens, mais qu'en est-il des femmes et des hommes des autres pays en guerre, en Europe et ailleurs dans le monde, qui tentent de trouver un environnement paisible pour vivre, pour éduquer leurs enfants ? Va-t-on les laisser mourir, sous prétexte qu'ils ne sont pas de la « bonne » nationalité ? Ce genre de discrimination est indigne de notre pays !
Pour la famille B., le retour en Arménie est inenvisageable pour des raisons de sécurité. Ces parents ont simplement choisi de mettre leurs enfants en sécurité et ne demandent rien d’autre que s’intégrer à notre pays.
Selon la Déclaration des droits de l’enfant créée en 1959 et la Convention internationale des droits de l’enfant adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989 (article 3) « Toute décision concernant un enfant doit tenir compte de l’intérêt supérieur de celui-ci ». M. et Mme B. n’ont fait qu’appliquer les droits fondamentaux de leurs enfants en respectant l’article 18.1 qui est « d’élever son enfant et d’assurer son développement […] ceux-ci doivent être guidés avant tout par l’intérêt supérieur de l’enfant ».
Soyons nombreux·ses à exiger de la préfecture des Côtes-d'Armor qu'elle accorde le droit de séjour en France à la famille B., la protégeant ainsi d'un éventuel renvoi dans un pays où elle ne souhaite pas retourner. Cette famille est déjà intégrée : la Préfecture n’a qu’un geste à faire pour officialiser cette intégration.
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