J'aime les visages de ceux qui n'ont rien à
perdre, rien à cacher, des visages qui sont hors du jeu du paraître. Ces
visages me parlent. Ils me disent qu'ils n'ont la prétention à rien. Visages
apaisés, hantés par une plénitude absente. Visages lumineux, qui censurent les
ombres. J'aime ces visages. Il faut peut-être cesser de vouloir posséder le
monde, les êtres et les choses, acquérir la sagesse du vide, s'emparer de la
finalité de notre destin, être aux marges de soi-même, être aux
marges des royaumes, qui sont ceux de l'illusoire, pour que ce visage puisse
être. Face à ces visages, le mien se rend disponible à la lumière, il
désapprend le sortilège des rides, il devient libre. J'aime ces visages.
Peut-être qu'un jour mon visage sera ainsi. Peut-être qu'un jour tous les
visages seront ainsi. Mais il y a trop de choses enfouies en nous, des peurs,
des hantises, des magmas de pierre et de lave, trop de choses dont on n'arrive
pas à se défaire. Peut-être qu'on n'a pas le choix car on subit la pesanteur du
visage des autres. Peut-être que le revêtir de masques, de tant de masques,
nous autorise à taire l'obligation de la lucidité. Peut-être que pour être il
faut s'abstenir de voir son vrai visage. Peut-être. Quand vous voyez un visage
semblable, arrêtez-vous. Regardez-le. Contemplez-le. Vous l'aimerez aussi. Car
c'est notre premier et dernier visage. Celui de l'enfant qui ne sait pas le
monde et celui du vieillard qui a oublié le monde. Le vôtre.
Umar TIMOL.
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