Au fil des pages de cet ouvrage (qui en compte
quelques 250, et qui est son dernier opus), le célèbre cosmologiste britannique
Stephen HAWKING me paraît, d'abord, réfuter le "créationnisme"
cosmique approuvé, entre autres autorités religieuses, par l'église catholique
(la papauté, qu'il cite)
et développé surtout à partir du concept de Big
bang.
Selon ses dires, le
Big bang ne "prouve" rien, et surtout pas l'acte créateur originel
d'une quelconque entité divine, pas plus, d'ailleurs, que l'existence, au cœur de
notre Univers, de lois physiques extrêmement précises et
calibrées et ordonnant ce dernier
ne le prouve non plus.
Hawking, ici, en
s'appuyant sur le réalisme
modèle-dépendant, sur la mécanique quantique (1) et sur la M-théorie (2) dans son approche
feynmanienne (3) , défend la thèse
matérialiste de la création
spontanée de notre
Univers, lequel, par ailleurs, ferait lui-même partie d'un ensemble beaucoup
plus vaste d'univers, que les cosmologistes partisans de cette hypothèse
désignent sous le nom de multivers.
Ce multivers se présenterait
comme une sorte d'essaim de ballons, de sphères ou de bulles émergeant
du vide sous l'effet de fluctuations quantiques suivies rapidement
par une inflation (4) , puis par une expansion plus lente de chaque sphère-univers. Chaque
univers (non avorté) posséderait ses lois physiques et sa
configuration propres et, à eux tous, les univers réaliseraient tous les possibles, ce
qui exclurait toute forme d'intention, de dessein, de sélection voulue et
planifiée à l'avance.
Réfuter Dieu, pour
le grand savant, est maintenant totalement à la portée de la science physique.
Tout comme cette dernière est désormais en mesure de détrôner la philosophie ([...]
la philosophie est morte, faute d'avoir réussi à suivre les développements
de la science moderne, en particulier de la physique. Ce sont les
scientifiques qui ont repris le flambeau dans notre quête du savoir. (p. 11)).
Bon. Je veux bien.
Le fait que notre Univers incommensurablement grand ne constitue qu'un élément
parmi tant d'autres (10100 univers d'après les calculs
des savants) à l'intérieur d'une structure physique encore plus immense
ne me pose, a priori, aucun problème. Reste que Hawking n'a pas grand
chose à dire (et pour cause) de la nature du vide, à part qu'au plan
énergétique, il vaut 0.
Dans ces
conditions, on peut tout imaginer : le vide serait-il une énergie dormante, une
sorte de "réservoir" énergétique constamment susceptible de changer
d'aspect et de nature comme de l'eau qui se mettrait à bouillir (c'est là la
comparaison, très parlante, qu'utilise l'auteur) tout en émanant, par la même
occasion, de nouveaux univers ? Quel serait, en ce cas, le processus qui
causerait chaque fluctuation quantique, chaque augmentation d'énergie c'est à
dire chaque nouveau Big bang ? Pourquoi certaines bulles-univers ne
dépassent-elles pas le stade microscopique, et "avortent"- elles ?
Faute d'inflation cosmique assez rapide ? Cela ne plaiderait-il pas en faveur
d'une certaine "sélection" ? Les fluctuations quantiques ne
trahissent-elles pas une certaine instabilité du "vide" ?...
Il saute aux yeux
que nous ignorons encore tout de ces (éventuels) processus.
Que l'Univers (avec
plus qu'un grand u) soit un ensemble infiniment plus vaste que l'immense ensemble
que constitue déjà l'univers dans lequel notre galaxie se trouve incluse, cela
n'aurait rien pour m'étonner. Quant à accepter, en revanche, l'idée que quelque chose soit apparu à partir de rien, ladite théorie me
"chiffonne" encore. La loi de causalité serait-elle une loi
strictement propre à notre Univers, ou, du moins, seulement un certain
nombre d'univers dont le nôtre ferait partie seraient-ils concernés par elle ?
Tout au long de ces
pages, l'immense savant met en relief, d'une façon que je trouve fascinante,
les lacunes, les "blancs" inhérents à la nature de notre perception
propre (interprétations et raisonnements y compris) : non seulement la
mécanique quantique abolit le déterminisme
scientifique au profit de la
fameuse incertitude, non
seulement les plus petits constituants de la matière, les quarks, demeurent
inobservés, non seulement l'observateur est, en physique quantique,
intégré au champ de ses observations, mais, de plus, Il se peut que plusieurs théories [physiques] qui se recouvrent soient
nécessaires à la représentation de [notre] Univers tout comme il faut
plusieurs cartes qui se recouvrent pour représenter la Terre [projections
de Mercator] .... Chaque théorie peut décrire et expliquer certaines
propriétés mais aucune ne peut prétendre être meilleure et plus réelle que
l'autre .... il ne semble pas exister de modèle mathématique ou de théorie
unique capable de décrire chaque aspect de l'Univers .... La M-théorie n'est qu'un réseau entier de théories où Chaque théorie .... permet de décrire une certaine gamme de phénomènes.
Dans le cas où ces gammes se recouvrent, les théories concordent ce qui permet
de considérer qu'elles forment ensemble un tout cohérent. L'Univers
parle plusieurs langues ! Mais que dire, donc, de la vision d'ensemble qu'on
pourrait en faire ressortir, et, mieux encore, de celle d'un éventuel multivers
? Vu sous cet angle, il apparaît bien qu'elles nous sont et nous
resteront à jamais inaccessibles. Même si la "transition" entre
le comportement, le monde des particules dites "élémentaires" et
celui des assemblages de plus en plus grands appelés "objets" qui
occupent l'Univers à l'échelle "macroscopique" qui est la nôtre peut
nous sembler peu compréhensible, contre-intuitive voire un peu folle, on peut
parfaitement, et ceci en s'appuyant sur les mécanismes de la science physique,
voir en elle la manifestation de la grande loi de l'émergence : [...] il arrive très souvent en science qu'un assemblage
important se comporte très différemment de ses composants individuels.(p. 83) .... Un
neurone pris isolément n'a pas le comportement d'un cerveau, nous fait,
justement, remarquer Hawking. Le tout n'est jamais égal à la somme de ses
parties, en somme. Là réside sans doute l'étonnante créativité du monde. Et, même
à l'"échelle-multivers", la multiplicité est partout du fait du
fourmillement de probabilités qui préside au monde quantique.
Et
"Dieu", dans tout cela ?
L'incommensurable
vastitude que la science physique actuelle nous laisse entrevoir mérite-t-elle
encore que LA question soit posée en ces termes, somme toute quelque peu naïfs
: "Dieu ou pas Dieu ?", "spontanéité d'un
auto-engendrement ou bien "dessein" ?" ?
Le cosmos (le
nôtre), ses multiples faux jumeaux et le (très) mystérieux "vide" ne
seraient-ils pas "Dieu" à eux tous seuls ? En tous les cas, il
semble qu'ils soient interconnectés, si ce n'est unis.
Dans l'état actuel
des choses - et peut-être encore pour longtemps, qu'ajouter de plus qui soit
raisonnable, sinon "à suivre" ?
En écrivant ce
livre, Stephen Hawking s'est montré audacieux. Ainsi, n'en démord-t-il pas, et
n'hésite-t-il pas à marteler : [En tant que] la plus générale des
théories supersymétriques de la gravitation ....la M-théorie est l'unique
candidate au poste de théorie complète de l'Univers... Si elle est finie - ce qui reste à prouver - elle fournira un modèle
d'Univers qui se crée lui-même .... il n'existe aucun autre modèle cohérent. (p. 219/220).
P. Laranco.
(1) Mécanique quantique : théorie dans laquelle les objets [particules élémentaires] ne suivent pas des histoires définies de manière unique. (Source : Stephen Hawking, Y-A-T-IL UN GRAND ARCHITECTE DANS L'UNIVERS ?, Odile-Jacob, 2011)
(2) M-théorie : théorie dérivant des théories des cordes, actuellement non (ou non encore) prouvée par des mesures.
(3) Richard FEYNMAN : d’après Richard Phillips Feynman (1918-1988), physicien américain, l'un des plus influents de la seconde moitié du XXe siècle, en raison notamment de ses travaux sur l'électrodynamique quantique, les quarks et l'hélium superfluide. (Source : Wikipédia).
(4) Inflation : phase d’expansion très violente qui aurait permis [au tout jeune Univers] de grossir d'un facteur considérable. (Source : Wikipédia).
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