jeudi 26 décembre 2019

Lecture (Sciences/Philosophie) : Stephen HAWKING et Leonard Mlodinov, "Y-A-T-IL UN GRAND ARCHITECTE DANS L'UNIVERS ?", Odile-Jacob sciences, 2011.








Au fil des pages de cet ouvrage (qui en compte quelques 250, et qui est son dernier opus), le célèbre cosmologiste britannique Stephen HAWKING me paraît, d'abord, réfuter le "créationnisme" cosmique approuvé, entre autres autorités religieuses, par l'église catholique (la papauté, qu'il cite) et développé surtout à partir du concept de Big bang.
Selon ses dires, le Big bang ne "prouve" rien, et surtout pas l'acte créateur originel d'une quelconque entité divine, pas plus, d'ailleurs, que l'existence, au cœur de notre Univers, de lois physiques extrêmement précises et calibrées et ordonnant ce dernier ne le prouve non plus.
Hawking, ici, en s'appuyant sur le réalisme modèle-dépendant, sur la mécanique quantique (1) et sur la M-théorie (2) dans son approche feynmanienne (3) , défend la thèse matérialiste de la création spontanée de notre Univers, lequel, par ailleurs, ferait lui-même partie d'un ensemble beaucoup plus vaste d'univers, que les cosmologistes partisans de cette hypothèse désignent sous le nom de multivers.
Ce multivers se présenterait comme une sorte d'essaim de ballons, de sphères ou de bulles émergeant du vide sous l'effet de fluctuations quantiques suivies rapidement par une inflation (4) , puis par une expansion plus lente de chaque sphère-univers. Chaque univers (non avorté) posséderait ses lois physiques et sa configuration propres et, à eux tous, les univers réaliseraient tous les possibles, ce qui exclurait toute forme d'intention, de dessein, de sélection voulue et planifiée à l'avance.
Réfuter Dieu, pour le grand savant, est maintenant totalement à la portée de la science physique. Tout comme cette dernière est désormais en mesure de détrôner la philosophie ([...] la philosophie est morte, faute d'avoir réussi à suivre les développements de la science moderne, en particulier de la physique. Ce sont les scientifiques qui ont repris le flambeau dans notre quête du savoir. (p. 11)).
Bon. Je veux bien. Le fait que notre Univers incommensurablement grand ne constitue qu'un élément parmi tant d'autres (10100 univers d'après les calculs des savants) à l'intérieur d'une structure physique encore  plus immense ne me pose, a priori, aucun problème. Reste que Hawking n'a pas grand chose à dire (et pour cause) de la nature du vide, à part qu'au plan énergétique, il vaut 0.
Dans ces conditions, on peut tout imaginer : le vide serait-il une énergie dormante, une sorte de "réservoir" énergétique constamment susceptible de changer d'aspect et de nature comme de l'eau qui se mettrait à bouillir (c'est là la comparaison, très parlante, qu'utilise l'auteur) tout en émanant, par la même occasion, de nouveaux univers ? Quel serait, en ce cas, le processus qui causerait chaque fluctuation quantique, chaque augmentation d'énergie c'est à dire chaque nouveau Big bang ? Pourquoi certaines bulles-univers ne dépassent-elles pas le stade microscopique, et "avortent"- elles ? Faute d'inflation cosmique assez rapide ? Cela ne plaiderait-il pas en faveur d'une certaine "sélection" ? Les fluctuations quantiques ne trahissent-elles pas une certaine instabilité du "vide" ?...
Il saute aux yeux que nous ignorons encore tout de ces (éventuels) processus.
Que l'Univers (avec plus qu'un grand u) soit un ensemble infiniment plus vaste que l'immense ensemble que constitue déjà l'univers dans lequel notre galaxie se trouve incluse, cela n'aurait rien pour m'étonner. Quant à accepter, en revanche, l'idée que quelque chose soit apparu à partir de rien, ladite théorie me "chiffonne" encore. La loi de causalité serait-elle une loi strictement propre à notre Univers, ou, du moins, seulement  un certain nombre d'univers dont le nôtre ferait partie seraient-ils concernés par elle ?
Tout au long de ces pages, l'immense savant met en relief, d'une façon que je trouve fascinante, les lacunes, les "blancs" inhérents à la nature de notre perception propre (interprétations et raisonnements y compris) : non seulement la mécanique quantique abolit le déterminisme scientifique au profit de la fameuse incertitude, non seulement les plus petits constituants de la matière, les quarks, demeurent inobservés, non seulement l'observateur est, en physique quantique, intégré au champ de ses observations, mais, de plus, Il se peut que plusieurs théories [physiques] qui se recouvrent soient nécessaires à la représentation de [notre] Univers tout comme il faut plusieurs cartes qui se recouvrent pour représenter la Terre [projections de Mercator] .... Chaque théorie peut décrire et expliquer certaines propriétés mais aucune ne peut prétendre être meilleure et plus réelle que l'autre .... il ne semble pas exister de modèle mathématique ou de théorie unique capable de décrire chaque aspect de l'Univers .... La M-théorie n'est qu'un réseau entier de théories  Chaque théorie .... permet de décrire une certaine gamme de phénomènes. Dans le cas où ces gammes se recouvrent, les théories concordent ce qui permet de considérer qu'elles forment ensemble un tout cohérent. L'Univers parle plusieurs langues ! Mais que dire, donc, de la vision d'ensemble qu'on pourrait en faire ressortir, et, mieux encore, de celle d'un éventuel multivers ? Vu sous cet angle, il apparaît bien qu'elles nous sont et nous resteront à jamais inaccessibles. Même si la "transition" entre le comportement, le monde des particules dites "élémentaires" et celui des assemblages de plus en plus grands appelés "objets" qui occupent l'Univers à l'échelle "macroscopique" qui est la nôtre peut nous sembler peu compréhensible, contre-intuitive voire un peu folle, on peut parfaitement, et ceci en s'appuyant sur les mécanismes de la science physique, voir en elle la manifestation de la grande loi de l'émergence [...] il arrive très souvent en science qu'un assemblage important se comporte très différemment de ses composants individuels.(p. 83) .... Un neurone pris isolément n'a pas le comportement d'un cerveau, nous fait, justement, remarquer Hawking. Le tout n'est jamais égal à la somme de ses parties, en somme. Là réside sans doute l'étonnante créativité du monde. Et, même à l'"échelle-multivers", la multiplicité est partout du fait du fourmillement de probabilités qui préside au monde quantique.
Et "Dieu", dans tout cela ?
L'incommensurable vastitude que la science physique actuelle nous laisse entrevoir mérite-t-elle encore que LA question soit posée en ces termes, somme toute quelque peu naïfs : "Dieu ou pas Dieu ?", "spontanéité d'un auto-engendrement ou bien "dessein" ?" ?
Le cosmos (le nôtre), ses multiples faux jumeaux et le (très) mystérieux "vide" ne seraient-ils pas "Dieu" à eux tous seuls ? En tous les cas, il semble qu'ils soient interconnectés, si ce n'est unis.
Dans l'état actuel des choses - et peut-être encore pour longtemps, qu'ajouter de plus qui soit raisonnable, sinon "à suivre" ?
En écrivant ce livre, Stephen Hawking s'est montré audacieux. Ainsi, n'en démord-t-il pas, et n'hésite-t-il pas à marteler : [En tant que] la plus générale des théories supersymétriques de la gravitation ....la M-théorie est l'unique candidate au poste de théorie complète de l'Univers... Si elle est finie - ce qui reste à prouver - elle fournira un modèle d'Univers qui se crée lui-même .... il n'existe aucun autre modèle cohérent. (p. 219/220).











P. Laranco.













(1) Mécanique quantique : théorie dans laquelle les objets [particules élémentaires] ne suivent pas des histoires définies de manière unique. (Source : Stephen Hawking, Y-A-T-IL UN GRAND ARCHITECTE DANS L'UNIVERS ?, Odile-Jacob, 2011)

(2) M-théorie : 
théorie dérivant des théories des cordes, actuellement non (ou non encore) prouvée par des mesures.

(3) Richard FEYNMAN : 
d’après Richard Phillips Feynman (1918-1988), physicien américain, l'un des plus influents de la seconde moitié du XXe siècle, en raison notamment de ses travaux sur l'électrodynamique quantique, les quarks et l'hélium superfluide. (Source : Wikipédia).

(4) I
nflation : phase d’expansion très violente qui  aurait permis [au tout jeune Univers] de grossir d'un facteur considérable. (Source : Wikipédia).






































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