LES INVISIBLES
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C’est dimanche. Neuf heures du matin. Un soleil de printemps si brillant et si beau caresse les premiers parasols Pernod-Ricard du bar du bourg. Le patron derrière son comptoir en formica années 60, voltigeur du percolateur de la machine à café, n’a plus que ses deux mains et sa tête en désordre pour faire face à ses pénitents du petit noir bien tassé. Un couple d’un grand âge, magnifique, l’homme dans sa plus belle tenue, costume trois-pièces, cravate à rayures rouges et blanches. Son épouse porte un chapeau de paille à fleurs roses, rouge à lèvres Carmen un peu trop appuyé. Ils se tiennent l’un contre l’autre pour ne pas se perdre. Ils ont l’allure de ces retraités de la bonne époque à l’aise dans leurs petits plaisirs.
S’adressant au jeune garçon de terrasse :
- Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de Madame, pas question de se priver d’un petit extra, ce sera : deux cafés allongés, deux croissants, et deux jus d’orange pressée.
- Seize euros tout rond, dit le jeune homme.
Le couple, consterné :
- Nous n’avons pas cette somme sur nous, ni carte bancaire. Finalement, nous prendrons uniquement les cafés.
Une dame, qui observait la scène, apostrophe le garçon de table et règle l’addition du couple.
Les larmes aux yeux, l’octogénaire, avec un sourire aussi rayonnant que ce soleil de printemps :
- Merci Madame ! Merci Madame !
Richard TAILLEFER.
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