mercredi 18 septembre 2024

Et si nous parlions de la France et de l'esclavage ? Sedley ASSONNE le fait en évoquant le film français "NI CHAINES, NI MAITRES"...

 





Quand la France a peur de sa noirceur…



Même si cela peut prendre des années, les Américains n’ont aucune honte à regarder leur histoire en face. Et un des pans de cette histoire est l’esclavage. Et Hollywood compte de multiples films sur ce thème. Tout comme l’industrie du cinéma a admis les films sur la Ségrégation. On ne peut en dire autant pour la France, pays qui a aussi compté sur le commerce de l’esclavage pour faire marcher son économie.
Mais il a fallu attendre 2024 pour enfin voir un film sur ce thème. Oui, il y a eu les films de la Martiniquaise Euzhan Palcy, dont « Rue Case-Nègres" » et « Une saison blanche et sèche », mais non seulement la réalisatrice fut boudée par le milieu du cinéma en France, mais ses films n’eurent pas l’impact voulu, surtout de par les thèmes traités.
A croire donc que la France avait peur de sa noirceur. D’ailleurs, la couleur de peau d’Alexandre Dumas fut longtemps tue, et il a fallu attendre beaucoup d’années pour enfin voir un film français être bâti autour d’un acteur Noir, en l’occurrence Omar Sy. Car ceux ayant cette couleur de peau furent longtemps cantonnés dans des rôles secondaires.
Il y a eu « Case départ », qui parlait effectivement de l’esclavage, mais sur le ton de l’humour, en (coupé) décalé, est-on tenté de dire. La France raciste, alors ? Pas vraiment. Car, au moment où les Noirs étaient victimes du racisme aux Etats-Unis, c’est au pays des droits de l’homme qu’ils trouvaient refuge. Nina Simone, Miles Davis, James Baldwin, autant de figures Noires-Américaines qui connurent une seconde vie en France. Tout comme un Manu Dibango, venant de l’Afrique francophone et colonisée, allait trouver sa voie dans l’Hexagone. Mais si la France a ouvert ses bras à une Joséphine Baker, elle cachera pendant longtemps le comédien Chocolat (qu’Omar Sy interprètera à l’écran), et le chevalier de Saint-Georges.
Omar Sy vient d’ailleurs de donner le ton au mouvement inverse, en donnant la parole, et les montrant dans un film, aux tirailleurs Sénégalais. Tout comme « Indigènes », propulsé par Jamel Debbouze, a joué le même rôle, pour irriguer les débats sur la présence des autres couleurs de peau en France.
Ce n’est d’ailleurs pas Emmanuel Richon, directeur du Musée Blue Penny, qui nous contredira sur ce point. Son livre « Belle d’abandon », consacré à la figure de Jeanne Duval, qui avait été l’égérie de Charles Baudelaire, fut pendant longtemps boudé en France. Dont les critiques peinaient à admettre que l’auteur des « Fleurs du mal » ait pu aimer une femme à la peau noire !
Il faut donc avoir tout cela en tête quand on ira voir « Ni chaînes, ni maîtres», qui sort aujourd’hui en salles, en France et à Maurice. Et qui est le premier film consacré à l’esclavage, et tourné chez nous. Le réalisateur fait déjà les plateaux-télé en France. Preuve que les mentalités changent, mais Euzhan Palcy n’eut pas ces honneurs en son temps. Simon Moutaïrou fait donc l’histoire, en devenant le premier cinéaste à aborder ce sujet de front. On verra l’accueil qui sera réservé à son film au box-office français. Mais il est à voir. D’autant que le cinéaste dit s’être inspiré de l’ouvrage d’Amédée Nagapen sur les marrons.
Mais il aurait dû aussi se pencher sur « Voyage à l’Isle de France », de Bernardin de Saint-Pierre, qui est une documentation véridique de l’esclavage à l’Isle de France, sous l’occupation française, et le premier livre à dénoncer les colons esclavagistes et les crimes qu’ils commettaient envers les esclaves. C’est aussi dans ce livre que l’auteur parle des marrons réfugiés sur la montagne du Morne, et qui préférèrent se suicider plutôt que de se rendre aux soldats de l’occupant.
C’est de cette époque que le préjugé contre la couleur noire s’inscrivit dans l’histoire de France, où il y avait même un Code Noir !
Mais la France fit un triomphe à « Paul et Virginie », où il était aussi question d’esclavage, mais dans une version plus
« romancée » et édulcorée. Il y eut même un feuilleton, avec une jeune Véronique Jeannot au générique, mais le ton était plus érotique qu’historique !
Tout cela pour dire que la France doit embrasser pleinement ses contradictions. Comme l’Angleterre, le Portugal, la Hollande, la Belgique et l’Espagne, elle a été une puissance colonisatrice Européenne. Et comme telle, a déplacé des populations d’Afrique, des Caraïbes, des Antilles et de l’Océan Indien. Elle n’a donc pas le droit de regarder de travers les petits-enfants de ces immigrants forcés qui viennent chercher refuge en terre française. Qu’elle se rappelle qu’elle faisait le chemin inverse, il y a plusieurs siècles de cela, pour aller chercher les épices, l’ébène, les fleurs et les biens meubles. "Ni chaînes, ni maîtres " ne doit pas être l’exception. Il doit y avoir encore plus de films sur le sujet de l’esclavage dans le cinéma français !









Sedley ASSONNE.









































Source : Sedley ASSONNE.






















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