mercredi 11 septembre 2024

FEMINISME ET MISOGYNIE; une rélexion.

 




QUAND IL S'AGIT DU FEMINISME,

CE QUE L'ON OUBLIE TROP SOUVENT.




Ce que l'on oublie trop souvent (en raison de notre formatage manichéen et simpliste), c'est que les femmes - en cela guère différentes des autres groupes humains de dominés, d'opprimés - ne se "contentent" pas de souffrir (de mille manières) sous le joug de ceux qui les ont dévaluées, voire diabolisées et exclues de la sphère culturelle (à savoir, les hommes, flanqués de leurs organisations sociales, de leurs idéologies et/ou religions patriarcales, lesquelles, à mesure que le temps passait,  ont opposé, de plus en plus,  "civilisation" à "animalité" et, partant, à respect du reste de la nature que, depuis le Néolithique, il s'est agi de dompter, de "dresser"). Elles ont, au surplus, fortement INTERIORISE les idées négatives attachées à leur sexe, à leur mise à distance farouche et à leur confinement exclusif dans des besognes très limitées (maternité, entretien du foyer, care, séduction).

En butte à toutes les formes de violence, de coercition (à commencer par la violence et la tyrannie domestiques, au plus intime de leur vie, de leur être) elles ont eu tout sauf le choix : durant des millénaires, elles se sont trouvées contraintes de s'incliner devant la force physique, nettement supérieure, des hommes car il y allait là tant de leur survie individuelle et immédiate que de leurs chances en matière de reproduction et de la nécessaire protection de leur progéniture dans un monde rien moins que pacifique où les groupes masculins s'affrontaient sans répit. Il est d'ailleurs, et au surplus, probable que leurs "maîtres" et "protecteurs" de sexe mâle (et notamment, parmi ceux-ci, en premier lieu, les plus puissants) appliquèrent, tout au long des âges, une sorte de sélection sexuelle qui dut largement favoriser les femmes les moins sûres d'elles, celles aux caractères les plus doux, les plus dociles, les plus craintifs et les plus portés à l'empathie, à l'oubli de sa propre personne, comme aux traits physiques les plus graciles, les plus fragiles car, on le constate, la morphologie des femmes changea, elle aussi, notablement au long de la préhistoire, puis de l'Histoire (les anciens Scythes des steppes de l'Eurasie, par exemple, toléraient sans aucun problème les fameuses et rudes "Amazones", tout comme il y a gros à parier que les premiers agriculteurs avaient besoin de compagnes résistantes et bien charpentées).

Mais, pour revenir à notre propos, l'état d'extrême menace et d'extrême dépendance dans lequel les femmes se trouvèrent, à un moment, plongées (sans doute dès l'abandon de la vie de chasseurs-cueilleurs paléolithiques) engendra ce que nous constatons et devons encore déplorer, même aujourd'hui : la rupture de la majeure partie des solidarités entre femmes et la misogynie patente du sexe dit "faible". Les hommes - et, par voie de conséquence, les cultures humaines sur lesquelles ils avaient acquis la haute main - insistèrent tant sur la "faiblesse" constitutive de leurs compagnes que celles-ci se trouvèrent persuadées "pour les siècles des siècles", qu'elles étaient justes dignes de mépris car marquées au sceau d'une impuissance congénitale.

Les hommes ne prenaient pas les femmes au sérieux ? Qu'à cela ne tienne : les victimes de ce mépris souverain surenchérirent. A la fois pour éviter les ennuis et du fait du formatage, qui les en persuada, de façon profonde et ancrée. Ce fut probablement là l'une des toutes premières formes de conditionnement à l'autodénigrement et, par conséquent,  de névrose induite qui émergea dans la très longue histoire humaine. Les femmes (en grande partie, sous l'effet d'un "règne de la terreur") apprirent à se regarder avec les yeux du dominant, de ceux qui contrôlaient, pensaient tout. A force de se regarder au travers d'un tel "miroir" de gré ou de force, elles ne se virent plus que sous le prisme (déformant) de la honte et du dégoût de la "chair", qui renvoyaient à l'animal, aux nécessités les plus "basses". Comme elles n'avaient aucun moyen de s'en libérer, sauf à courir de grands risques, tant physiques que moraux et spirituels, elles ne s'en sous-estimèrent que plus.

Au demeurant, leurs corvées et leur sentiment d'insécurité, de précarité de chaque seconde, forcément assorti d'angoisse, ne pouvaient que les abrutir (en les soumettant à un stress continu). Les gynécées, les récits bibliques, le Ramayana (*) et l'obsession est-asiatique d'avoir un fils en apportent bien la preuve.

Partout dans le monde, les femmes ne tirent leurs (rares) parcelles de légitimité que de fonctions biologiques liées à la perpétuation du groupe, et totalement passives, qui doivent les mobiliser toutes entières. Par-delà toutes les différences qu'elles peuvent avoir, toutes les sociétés reposent sur une échelle de valeurs commune qui place au sommet l'action, la guerre et le pouvoir de tuer, de défendre MILITAIREMENT le groupe et de neutraliser les groupes rivaux. Pendant longtemps (des millénaires), l'être féminin n'a guère été davantage considéré que ne le furent les cheptels d'animaux domestiques (tous, "propriété" de quelqu'un).

Tout ceci pour insister sur un fait (nous y venons enfin) : LES FEMMES SE SOUS-ESTIMENT ELLES-MÊMES, EN TANT QU'INDIVIDUS ET EN TANT QUE CATEGORIE.

Or, il est très dur de réaliser, de créer dès lors qu'on se sous-estime. Même si on a les capacités pour, il manque la confiance en soi-même, le pouvoir d'OSER, le pouvoir d'y croire.

Les femmes sont beaucoup plus angoissées, beaucoup plus dépressives que les hommes. C'est un fait statistique avéré. Leur passé, leur Histoire les a engluées dans le doute, la crainte, voire une culpabilité tenace. Dans TOUTES les sociétés -encore une fois - elles sont sans cesse l'objet de jugements, de condamnations, de surveillance plus ou moins étroite, d'impitoyables inindulgences. Bien souvent, d'ailleurs, au nom de la "perfection" qu'exigerait le statut de mère, de pilier charnel de la famille.

En bref, elles sont suspectes, elles sont présupposées non-fiables, à l'image d'Eve, de Lilith, de Sita et des "sorcières" persécutées au XVIème siècle,  en Europe. Les (rares) qualité qu'on consent à leur reconnaitre sont  toutes de l'ordre du stéréotype (la Mère, l'amoureuse, l'assistante...). Elles sont du côté du Mal et, comme on les opprime, on s'en méfie. De leur côté, comme il leur faut bien trouver une soupape de sûreté aux multiples frustrations que toutes les sociétés, d'essence mâle et misogyne, leur opposent, soit elles retournent leur agressivité (due au ressentiment) contre elles-mêmes (ce qui se traduit, comme on le constate, par bon nombre de névroses), soit elles la tournent vers l'extérieur, essentiellement vers les autres représentantes de leur sexe, que tout les incite à détester et à mépriser plus que de raison. En s'en prenant, de plus, à d'autres "faibles femmes", elles prennent des risques bien moindres (du moins, pour ce qui est des risques physiques).

Jusqu'à la (toute récente) émergence des mouvements et organisations féministes et le non moins récent surgissement du concept de sororité qui fut forgé avec celle-ci, les femmes ne pouvaient, ainsi, compter que sur la protection et sur l'appui que voulaient bien leur accorder leurs proches qui appartenaient à l'autre sexe/genre. Leurs rares niches de "liberté" et d'épanouissement vraiment personnel étaient précaires et jamais pleinement reconnues par les groupes et autres sociétés. Le fait de se voir, sans répit, soumises à un état d'alerte, de doute, d'inquiétude plus ou moins diffuse (tels que les animaux au statut de proies, de gibiers peuvent l'être dans la faune à l'état de nature) les a maintenues dans la peur, dans une conscience exacerbée du risque et donc, dans une acceptation forcée, mais implicite, parfois à peine consciente des interdits, de toutes les intimidations. 

C'est peu à peu, très progressivement qu'en Europe du Nord-Ouest et en Amérique du Nord, mais pas avant la seconde moitié du XIXe siècle, les progrès réalisés dans le domaine de la scolarisation de masse, en leur ouvrant enfin en grand les portes de l'alphabétisation puis de l'instruction, leur a finalement donné la possibilité de réfléchir au-delà de la honte et de la crainte (du viol sur mineure ou majeure, de la grossesse non désirée, des autres types d'agression violente...et même, du "qu'en dira-t-on") et d'acquérir une confiance en elle-même un peu plus affirmée, laquelle leur a même permis, au bout du compte, de remettre en cause (au nom des Droits reconnus à toute créature humaine à partir de l'extrême fin du XVIIIe siècle) le fonctionnement patriarcal et, avec lui, la légitimité, le prétendu "prestige" de la force brute et de son pouvoir (toujours potentiel) de détruire.

Cependant, cette solidarité féminine (alliée, d'ailleurs, à l'appui de plus en plus marqué de nombre de représentants du sexe masculin et même, dans certains cas, des institutions elles-mêmes qui, à présent, reconnaissent et louent la parité) est encore on ne peut plus fragile, embryonnaire. En Occident comme dans le reste du monde, quand elle existe, elle se trouve fréquemment et sans ménagement menacée par l'"épée de Damoclès" des divers traditions et conservatismes, souvent à vocation religieuse (fondamentalisme musulman, évangélistes protestants, intégristes hindous, juifs, catholiques ou orthodoxes, sans compter les nombreuses sectes).

Survivra-t-elle à cette vague de backclash qui balaie la planète ?

Et surtout, aura-t-elle raison du conditionnement à la PEUR? 

LES FEMMES, SI ELLES DESIRENT "SE LIBERER", NE DOIVENT-ELLES PAS, D'ABORD, REGARDER EN FACE LE BOULET DE LEUR PROPRE MISOGYNIE, APPRENDRE A SURMONTER LEUR PROPRE MEFIANCE ENVERS LEURS CONSOEURS (méfiance plus que solidement ancrée)?

La misogynie, loin d'être "une affaire d'hommes", ne nous imprègne-t-elle pas tous et toutes ?






(*) Ramayana : l'une des deux grandes épopées mythologiques hindoues, composée en sanskrit entre le IIIe siècle avant Jésus-Christ et le IIIe siècle de l'ère chrétienne.




















PL

















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