dimanche 6 juin 2021

France : JUSTICE POUR LES LANGUES MINORITAIRES !!

 

 

 


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Auteur : Yann-Vadezour ar Rouz.
Triste exemple de l'état de la démocratie de ce pays, où l'autoritarisme de l'État gagne du terrain au détriment des libertés individuelles et où l'absence de démocratie directe prive le citoyen d'une véritable participation à la vie politique de son pays, alors qu'il s'agit là d'une aspiration citoyenne constante, le traitement des langues autochtones en France est aux antipodes des normes du droit international et bien loin en dessous des obligations définies par les critères d'adhésion à l'Union européenne, qui exigent le respect des minorités et leur protection suite au Conseil européen de Copenhague.

Il y a urgence à agir !


L'ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, entre 1997 et 2007, Jean-Eric Schoettl, a récemment déclaré qu' il considérait qu'enseigner les langues régionales dans le public menacerait l'unité de l'État et qu'il fallait pour cette raison s'y opposer, quitte à ce que les langues régionales disparaissent (1).

Cette volonté affichée de faire disparaitre la richesse que représente ce patrimoine immatériel dont nous disposons montre que les décisions du Conseil constitutionnel successives suivent en réalité une logique implacable. Pour rappel, voici quatre dates emblématiques de ce qu'il convient de nommer une politique d'éradication, à peine voilée, des langues autochtones sur l'ensemble des territoires administrés par la France.

- 1990 : réserve sur l'article 30 de la Déclaration universelle des droits de l'enfant au motif qu'elle serait contraire à l'article 2 de la Constitution, ce dernier indiquant alors que la République est indivisible, mention déplacée depuis à l'article 1 de la Constitution.

- 1992 : ajout de la mention de l'article 2 de la Constitution « le Français est la langue de la République », voté à l'unanimité suite à la promesse du garde des Sceaux que cette portion de texte, présentée comme une mesure de défense du français face à l'anglais, ne serait pas utilisée contre les langues régionales.

- 1999 : opposition du Conseil constitutionnel à la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

- 2021 : opposition du Conseil constitutionnel à l'enseignement immersif en langue régionale et à l'usage des diacritiques autres que ceux employés dans l'écriture de la langue française dans les mentions des actes de l'état civil.


Dans le but de créer une France monolingue et monoculturelle, le droit est régulièrement instrumentalisé au préjudice des langues autochtones et des minorités, en particulier linguistiques. Au besoin, le Conseil constitutionnel s'autorise même, pour cela, à des entorses manifestes au droit lorsqu'elles lui permettent de justifier ses conclusions. En voici quelques exemples :

- En 1999, la mention de l'article 2 précitée est invoquée pour faire valoir que nul ne peut se prévaloir de l'usage d'une langue autre que le français dans ses relations avec les administrations ou les services publics, s'opposant ainsi à l'usage des langues régionales dans un tel cadre, en parfaite contradiction avec l'intention du législateur.

- Pour s'opposer à la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou
minoritaires, le Conseil constitutionnel prétend qu'elle confère des droits spécifiques à des « groupes » de locuteurs de langues régionales ou minoritaires, alors que cette charte ne reconnait que des droits individuels.

- Pour juger que l'enseignement immersif des langues régionales est inconstitutionnel, le Conseil constitutionnel s'appuie sur sa jurisprudence provenant de sa lecture de l'article 2, qui elle-même ne tient pas compte de l'intention du législateur. Or, si d'après cette jurisprudence, il était prévisible que le Conseil constitutionnel rejette la possibilité d'un enseignement immersif dans le public, aucun élément juridique n'est invoqué pour justifier que cette incompatibilité constitutionnelle soit étendue aux établissements privés.

- Pour s'opposer à l'usage des diacritiques autres que ceux utilisés dans l'écriture de la langue française dans les noms et prénoms enregistrés à l'état civil, le Conseil constitutionnel avance que les dispositions prévues dans la loi Molac « reconnaissent aux particuliers un droit à l'usage d'une langue autre que le français dans leurs relations avec les administrations et les services publics » en omettant de faire la distinction entre l'origine des anthroponymes et la langue de communication utilisée entre l'usager et l'officier de l'état civil.

De cette manière, tout en condamnant les langues autochtones, l'inconstitutionnalité de l'enseignement immersif dans ces langues décrétée par le Conseil constitutionnel a alors créé une inégalité injustifiable au regard du droit et profondément discriminatoire, puisqu'elle condamne un type d'enseignement spécifiquement pour les langues autochtones. Car les langues étrangères ne sont pas concernées par cette décision !

Ces dénis de justice notoires et récurrents, qui ont fait dire en son temps à l'éminent constitutionnaliste Guy Carcassonne au sujet des décisions du Conseil constitutionnel ayant trait aux langues régionales que « les réactions épidermiques ou agacées ou condescendantes l'ont emporté sur la raison », sont indignes d'un pays dit démocratique, qui se veut, de surcroit, égalitaire et défenseur de la diversité linguistique et culturelle dans le monde.

La France a maintenant non seulement la possibilité, mais également et surtout le devoir moral de revenir sur ces décisions qui ne font honneur ni au droit ni à la justice française. C'est là la voie à suivre, la seule à même d' apaiser les tensions linguistiques, toujours prêtes à ressurgir, et d'établir une véritable paix sociale.

Pour cela, des mesures sont à prendre de toute urgence :

  • La reconnaissance des droits internationaux ayant trait aux langues autochtones.
  • La modification de la Constitution.
  • La création d'un Code des langues dans la législation française.
  • La révision du découpage régional.
  • L'adoption d'un budget conséquent pour le développement les langues autochtones.
Nous demandons donc instamment :

1. Le retrait de la réserve concernant l'article 30 de la déclaration internationale des droits de l'enfant.

2. La signature et la ratification de :
  • La Convention-cadre pour la protection des minorités nationales.
  • La Convention n° 14 de la commission internationale de l'état civil.
3. La modification de la Constitution :
  • La modification du préambule, afin d'y ajouter une référence à la Déclaration universelle des droits linguistiques et à la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques.
  • La modification des articles 1, 2 et 3, afin de les rendre compatibles avec la Déclaration universelle des droits de l'enfant, avec la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et avec le principe de l'enseignement immersif des langues dites régionales.
  • La modification des articles 56 à 63 afin de rendre effective la séparation des pouvoirs exécutifs et judiciaires, ce qui implique qu'en tant qu'organe juridique, le Conseil constitutionnel ne saurait être composé d' hommes politiques, que ces derniers soient ou non en exercice, mais exclusivement de juristes.
4. Une révision du découpage régional tenant compte de la réalité historique et culturelle des territoires, indispensable à la mise en place de politiques linguistiques cohérentes, de telles politiques étant actuellement rendues impraticables par le découpage actuel.

5. Un réel budget aux Régions et aux langues régionales, ces budgets étant actuellement nettement insuffisants et ne permettent pas aux langues autochtones de disposer des moyens nécessaires à leur pérennité.

Les droits linguistiques ne doivent pas s'arrêter aux frontières de l'Hexagone !

Notes :
  1. « Les langues régionales sous la menace du Conseil constitutionnel », par Michel Feltin-Palas, L'Express, 11 mai 2021.
  2. « Les interdits et la liberté d'expression », par Guy Carcassonne, Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 36, juin 2012.
 
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