« LES BÛCHERS DE BENARES : COSMOS, EROS ET THANATOS », de Michel Onfray, Editions Galilée, 2008.
Dans « Les Bûchers de Bénarès », Michel Onfray examine, après le Cosmos, l’Eros, car le sexe est simple, naturel, en rapport avec le Cosmos. Michel Onfray examine trois cartes postales de l’Inde associées d’habitude à l’érotisme et/ou l’amour.
La première, le « Kâma Sûtra » présenté comme un catalogue de postures pour l’acte sexuel. Pourtant, au-delà du cliché et de la vulgate, il est une authentique philosophie du corps construite sur une érotique solaire. Le traité de Vatsyâyâna propose des exercices spirituels en même temps que des expériences existentielles corporelles constitutives d’une vie philosophique. Cet « ars erotica », basé sur trois physiologies -- celle des organes (le « linga » de l’homme et le « yoni » de la femme), celle des forces ou des libidos et celle des durées -- transforme la nécessité sexuelle en raffinements culturels.
Deuxième carte postale : les temples de Khajurâho réduits à la statuaire sexuelle bien que ces milliers de sculptures, commandées par la dynastie des Chandella, représentent à quatre-vingt-quinze pour cent des scènes de vie quotidienne, de repos, de travail, de guerre, des scènes religieuses, des créatures fabuleuses et, enfin, des scènes sexuelles, bien minoritaires dans l’ensemble.
La troisième carte est le Tâj Mahal, temple universel de l’amour conjugal, construit au XVIIe siècle par l’empereur moghol, Shâh Jahân, en mémoire de sa femme morte en couches. S’interrogeant sur la présence du tombeau du mari à côté de celui de l’épouse, Michel Onfray écrit que le Tâj Mahal est en fait la première partie d’un projet dispendieux, pharaonique, célébrant non pas la femme aimée, mais la puissance de l’empereur, la seconde partie devant être un autre Tâj Mahal en marbre noir, de l’autre côté du fleuve Yamunâ. Projet interrompu par le fils de l’empereur, ordonnant l’arrestation et l’emprisonnement du père, pendant huit ans, dans la forteresse rouge située en face du monument à des kilomètres à vol d’oiseau !
Comme Eros, Thanatos obéit au Cosmos. Michel Onfray arrive enfin à Bénarès, la « Cité des morts », là où la vie côtoie la mort. Louant un vélo-taxi, il déambule dans les rues à la tombée de la nuit et croise des hommes scandant des chants religieux et emportant à vive allure des cadavres vers les lieux de crémation, sur les berges du Gange. L’auteur est assommé, abasourdi, dans un état second, après la vision apocalyptique de quatre bûchers, quatre brasiers crépitant dans la nuit, se consumant longtemps dans sa tête. Et au petit matin, à bord d’une barque, il voit passer des paquets difficiles à identifier, sans doute des fragments de bûchers incomplètement consumés. Cependant, au cœur de Bénarès, immense morgue à ciel ouvert ou gigantesque boutique de pompes funèbres, Michel Onfray retrouve sa veine hédoniste dans cette conclusion sublime : Thanatos triomphe toujours dans ce Cosmos. Raison de plus pour inviter Eros à faire la loi en attendant le jour, notre jour, du bûcher de Bénarès.
Issa ASGARALLY.
Source : Issa ASGARALLY.
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