jeudi 18 octobre 2018

Lecture ( sciences, philosophie) : Etienne KLEIN, "DISCOURS SUR L’ORIGINE DE L’UNIVERS", Flammarion/NBS, 2010.







Sommes-nous vraiment aptes à comprendre la réalité qui nous entoure (et qui nous constitue) ?
Nos mathématiques, nos exploits technologiques et nos découvertes ne nous ont-ils pas un peu donné « la grosse tête » ?
N’avons-nous pas, en dépit de nos capacités de raisonnement tellement étonnantes, nos limites, nos « incomplétudes » (pour se référer à GÖDEL), et par ailleurs, la complexité dans laquelle nous baignons, à toutes les échelles, ne nous barre-t-elle pas l’accès à l’éventuelle « cause » ontologique de l’Être (et donc, de notre propre présence) ?
Ne sommes-nous pas, actuellement, dans une « impasse » de la connaissance en ce qui concerne l’origine de l’univers, la nature de ce qui est ? Pourquoi chercher avec un tel acharnement une (ou quelques) équation(s) qui, enfin, unifieraient les diverses forces cosmiques pour nous donner une théorie du tout ?
Pourquoi continue-t-on à nous « mener en bateau » en nous parlant de « Big bang » alors qu’on soupçonne de plus en plus que ce dernier n’a jamais eu lieu (ni sous la forme de l’explosion cataclysmique si souvent décrite dans les documentaires de vulgarisation scientifique, ni sous la forme, difficilement représentable même pour les spécialistes, d’une singularité – pur objet ponctuel mathématique) et que l’ « instant zéro » est une vue de l’esprit balayée par les assauts quantiques ?
Comment interpréter notre achoppement persistant, têtu face au Mur de Planck, aux nouveaux questionnements que pose la découverte de la matière noire et de l’énergie noire ainsi qu’au changement d’état qu’implique le passage du « néant » à l’ « être » ?
D’ailleurs, pourquoi interpréter ?
Telles sont les questions de ce livre, écrit par un esprit scintillant, s’il en est.
D’une part, [Les questions scientifiques] ne recouvrent pas l’ensemble des questions qui se posent à nous et d’autre part, l’origine est un concept éminemment ambigu. Faudrait-il (ce qui ferait bien rire EINSTEIN) lui substituer celui d’ « origine relative » ?
Notre position dans (et par rapport à) l’univers est loin de nous permettre de trancher.
Au point où nous en sommes, l’édifice cognitif cosmologie/physique, qui se voulait pourtant, depuis ses commencements (avec GALILEE), une science exacte et rigoureuse (car fondée sur le calcul et l’observation pointue) s’avère plutôt être quelque chose de très spéculatif, même si, dans l’état actuel de nos connaissances, les observations consolident l’idée selon laquelle l’univers a été créé par l’excitation d’un vide (entièrement) énergétique sous-jacent et pré-existant à tout ce qu’on connait, fourmillant de particules virtuelles en « attente » d’incarnation sous la forme de particules élémentaires (bosons de Higgs, quarks, gluons), le « vide quantique ».
L’univers existe. Le  vide purement énergétique existe lui aussi et, pour que la matière soit, il faut que ledit vide, soudainement, change. Point barre. Seulement, il a également bien fallu que ce même vide, pour préexistant qu’il nous soit, ait été lui-même « créé » par « quelque chose » et/ou se trouve inclus à l’intérieur d’un autre ensemble, plus vaste que lui. Non ?
A côté de cela, les grandes lois de la physique sont invariantes, anhistoriques, au rebours de ce qu’elles régissent (un univers en évolution perpétuelle, où rien ne dure) et là encore, on s’en arracherait les cheveux.
Notre savoir ne fait que nous « bombarder » de questions nouvelles, auxquelles les penseurs répondent par un foisonnement de théories (car c’est leur rôle). Du coup, la science et la philosophie recommencent à se « donner la main ».
Mais la science croit aux réponses (claires, précises, mathématiquement intelligibles et dûment validées par des mesures que lui procure la technologie). Jusqu’à présent, une telle démarche lui a réussi, du moins jusqu’à un certain point, que nous trouvons non-négligeable.
La philosophie, elle, serait plutôt encline à « croire aux questions », qu’Etienne KLEIN, philosophe français de formation « logicienne », arrive à manier de façon redoutable, jusqu’à, avouons-le, nous coller un peu le vertige.
Certes, il n’aborde pas les implications de la découverte effective du fameux boson de Higgs (l’ouvrage n’a été rédigé qu’en 2010). Pas plus que la fascinante hypothèse de l’univers holographique développée, par exemple, par le physicien américain Leonard SUSSKIND (cf. son ouvrage TROUS NOIRS- La guerre des savants, Folio essais, 2010) à partir de la science des trous noirs et de la science de l’information (et qui pourrait peut-être, au reste, être une spéculation de plus). Il effleure le problème de la nature du Vivant, mais sans s’y attarder et a, du moins à mon humble point de vue, tort de voir en la Vie un phénomène « à part » (puisque, malgré son organisation et son fonctionnement particuliers, elle est bel et bien de nature chimique, à l’instar de tout le reste de la matière classique). Le fait qu’une structure matérielle telle que le cerveau humain génère une entité aussi impalpable que la pensée ne lui pose pas, on dirait, question (puisqu’il n’en parle guère).
Cependant, c’est avec un brio étourdissant qu’il met en relief l’échec ( […] l’impuissance incurable ) du LOGOS : La question de l’origine peut avoir quelque chose de fermé, de circulaire, voire de tautologique […] ; elle est […] toujours amenée à se déplacer. Dit plus vulgairement, elle aboutit toujours à une autre question : celle de l’œuf et de la poule !
Alors ? Serait-ce la question qui serait culturellement biaisée ? Faut-il la penser différemment, l’aborder selon un autre angle d’approche –ainsi que le fait, par exemple, la pensée chinoise ?
L’origine de l’univers (en tant que cause de toutes les causes et de tous les effets) n’est-elle pas vouée à demeurer une question authentiquement métaphysique, sans réponse connaissable, mais d’autant plus envoûtante pour l’esprit humain, une manière de Saint-Graal hors de notre portée qui nous attire sans cesse, une « mauvaise démangeaison » qui ne serait que le résultat de notre « folie curieuse » ?
Finalement, n’est-ce pas sur nous –mêmes qu’elle en révèle le plus (étant donné que toutes les cultures humaines SANS EXCEPTION se la sont posée, ou se la posent, d’une façon ou d’une autre) ?
Un ouvrage de seulement 180 pages ; mais, pour l’esprit, quelle stimulation !










P. Laranco.





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