Sommes-nous vraiment aptes à comprendre la réalité qui nous
entoure (et qui nous constitue) ?
Nos mathématiques, nos exploits technologiques et nos
découvertes ne nous ont-ils pas un peu donné « la grosse tête » ?
N’avons-nous pas, en dépit de nos capacités de raisonnement
tellement étonnantes, nos limites, nos « incomplétudes » (pour se
référer à GÖDEL), et par ailleurs, la complexité dans laquelle nous baignons, à
toutes les échelles, ne nous barre-t-elle pas l’accès à l’éventuelle « cause »
ontologique de l’Être (et donc, de notre propre présence) ?
Ne sommes-nous pas, actuellement, dans une « impasse »
de la connaissance en ce qui concerne l’origine
de l’univers, la nature de ce qui est ? Pourquoi chercher avec un tel
acharnement une (ou quelques) équation(s) qui, enfin, unifieraient les diverses
forces cosmiques pour nous donner une théorie
du tout ?
Pourquoi continue-t-on à nous « mener en bateau » en
nous parlant de « Big bang » alors qu’on soupçonne de plus en plus
que ce dernier n’a jamais eu lieu (ni sous la forme de l’explosion cataclysmique si souvent décrite dans les documentaires
de vulgarisation scientifique, ni sous la forme, difficilement représentable
même pour les spécialistes, d’une singularité
– pur objet ponctuel mathématique) et que l’ « instant zéro »
est une vue de l’esprit balayée par les assauts
quantiques ?
Comment interpréter notre achoppement persistant, têtu face au Mur de Planck, aux nouveaux
questionnements que pose la découverte de la matière noire et de l’énergie
noire ainsi qu’au changement d’état qu’implique le passage
du « néant » à l’ « être » ?
D’ailleurs, pourquoi interpréter ?
Telles sont les questions de ce livre, écrit par un esprit
scintillant, s’il en est.
D’une part, [Les questions
scientifiques] ne recouvrent pas l’ensemble des questions qui se posent à nous
et d’autre part, l’origine est un
concept éminemment ambigu. Faudrait-il (ce qui ferait bien rire EINSTEIN) lui
substituer celui d’ « origine relative » ?
Notre position dans (et par rapport à) l’univers est loin de
nous permettre de trancher.
Au point où nous en sommes, l’édifice cognitif
cosmologie/physique, qui se voulait pourtant, depuis ses commencements (avec
GALILEE), une science exacte et rigoureuse (car fondée sur le calcul et l’observation
pointue) s’avère plutôt être quelque chose de très spéculatif, même si, dans l’état
actuel de nos connaissances, les observations consolident l’idée selon laquelle
l’univers a été créé par l’excitation d’un vide (entièrement) énergétique
sous-jacent et pré-existant à tout ce qu’on connait, fourmillant de particules
virtuelles en « attente » d’incarnation sous la forme de particules
élémentaires (bosons de Higgs, quarks, gluons), le « vide quantique ».
L’univers existe. Le vide purement énergétique existe lui
aussi et, pour que la matière soit, il faut que ledit vide, soudainement, change. Point barre. Seulement,
il a également bien fallu que ce même vide, pour préexistant qu’il nous soit,
ait été lui-même « créé » par « quelque chose » et/ou se
trouve inclus à l’intérieur d’un autre ensemble, plus vaste que lui. Non ?
A côté de cela, les grandes lois de la physique sont invariantes, anhistoriques, au rebours
de ce qu’elles régissent (un univers en évolution perpétuelle, où rien ne dure)
et là encore, on s’en arracherait les cheveux.
Notre savoir ne fait que nous « bombarder » de
questions nouvelles, auxquelles les penseurs répondent par un foisonnement de
théories (car c’est leur rôle). Du coup, la science et la philosophie
recommencent à se « donner la main ».
Mais la science croit aux réponses (claires, précises,
mathématiquement intelligibles et dûment validées par des mesures que lui
procure la technologie). Jusqu’à présent, une telle démarche lui a réussi, du
moins jusqu’à un certain point, que nous trouvons non-négligeable.
La philosophie, elle, serait plutôt encline à « croire aux
questions », qu’Etienne KLEIN, philosophe français de formation « logicienne »,
arrive à manier de façon redoutable,
jusqu’à, avouons-le, nous coller un peu le vertige.
Certes, il n’aborde pas les implications de la découverte
effective du fameux boson de Higgs (l’ouvrage n’a été rédigé qu’en 2010). Pas
plus que la fascinante hypothèse de l’univers holographique développée, par
exemple, par le physicien américain Leonard SUSSKIND (cf. son ouvrage TROUS NOIRS- La guerre des savants,
Folio essais, 2010) à partir de la science des trous noirs et de la science de
l’information (et qui pourrait peut-être, au reste, être une spéculation de
plus). Il effleure le problème de la nature du Vivant, mais sans s’y attarder
et a, du moins à mon humble point de vue, tort de voir en la Vie un phénomène « à
part » (puisque, malgré son organisation et son fonctionnement
particuliers, elle est bel et bien de nature chimique, à l’instar de tout le
reste de la matière classique). Le fait qu’une structure matérielle telle que
le cerveau humain génère une entité aussi impalpable que la pensée ne lui pose
pas, on dirait, question (puisqu’il n’en parle guère).
Cependant, c’est avec un brio étourdissant qu’il met en relief l’échec
( […] l’impuissance incurable ) du LOGOS : La question de l’origine peut
avoir quelque chose de fermé, de circulaire, voire de tautologique […] ;
elle est […] toujours amenée à se
déplacer. Dit plus vulgairement, elle aboutit toujours à une autre question :
celle de l’œuf et de la poule !
Alors ? Serait-ce la question qui serait culturellement
biaisée ? Faut-il la penser différemment, l’aborder selon un autre angle d’approche
–ainsi que le fait, par exemple, la pensée chinoise ?
L’origine de l’univers (en tant que cause de toutes les causes
et de tous les effets) n’est-elle pas vouée à demeurer une question authentiquement métaphysique, sans réponse connaissable,
mais d’autant plus envoûtante pour l’esprit
humain, une manière de Saint-Graal hors de notre portée qui nous attire sans
cesse, une « mauvaise démangeaison » qui ne serait que le
résultat de notre « folie curieuse » ?
Finalement, n’est-ce pas sur nous –mêmes qu’elle en révèle le
plus (étant donné que toutes les cultures humaines SANS EXCEPTION se la
sont posée, ou se la posent, d’une façon ou d’une autre) ?
Un ouvrage de seulement 180 pages ; mais, pour l’esprit,
quelle stimulation !
P. Laranco.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire