Un
pays qui enrage de n’avoir pu transmettre son « modèle » à l’ensemble
de la planète. Un pays fermé qui professe une vocation universaliste. Voilà la
France.
Etrange !
Toute présence ne tient jamais qu’à un fil.
Pas
d’embourgeoisement sans répulsion, ni dégoût, de la pauvreté. Sans désir ni
sans volonté de l’oublier, de la perdre de vue, de tenir ses images à distance.
Car elle glace, on la redoute. De la même façon que l’on redoute un (très)
mauvais souvenir.
Les
bourgeois (grands ou petits) et, de nos jours, ceux qu’on dénomme
« membres des classes moyennes » sont tous des descendants de
pauvres. Les deux siècles d’embourgeoisement massif et intensif qui ont
accompagné l’enrichissement de l’Europe puis du monde dit
« occidental » (XIXe et XXe siècles) ont creusé un fossé non
seulement matériel, mais mental inimaginable tant entre eux et la bourbe dans
laquelle se débattaient leurs ascendants qu’entre eux et la situation actuelle
de leur propre population demeurée pauvre, ainsi que la situation des
« damnés de la terre » pullulant dans le « Tiers-Monde ».
A l’origine du monde, il ne pourrait y avoir qu’un fourmillement
de possibles ; voire le fourmillement
de TOUS les possibles en train de grésiller.
Nous
sommes tous les filles et fils du vide.
Il
nous a poussés hors de lui. Il continue à nous constituer, au plus intime de
nous-même. Dans le moindre de nos interstices.
A son
énergie, indissociable de notre état d’Être, nous devons tout.
Comment, de nos jours, un(e) artiste, ou un(e) écrivain(e)
peut-il espérer “laisser” ne serait-ce qu’une infinitésimale trace de ses
créations dans un monde où les gens, par encouragement sociétal à
l’individualisme et à la compétition certes, mais aussi par réaction “protectrice”
de leur cerveau aux perpétuelles “agressions” médiatiques qui les pilonnent
d’informations de toutes sortes, se referment, se replient de plus en plus sur
une “bulle” dont ils sont le centre (ce qui est logique) et qui exclut le reste
du monde ?
Tout va si vite, et tout passe si aisément inaperçu. Fixer son
attention semble nous devenir de plus en plus difficile.
Prendre le temps d’aimer - une personne, mais aussi des phrases,
des idées, des couleurs, des images, des accords de musique - voilà quelle est
l’actuelle gageure.
L’immédiateté, tyrannique, si elle déclenche des “coups de
foudre”, des effets-choc à n’en plus pouvoir, les remplace, les dissipe aussi
rapidement que le chaos, la bousculade d’un torrent en crue, et la mémoire ne
peut que s’y perdre. Dans de telles conditions, les gens apprennent à ne (plus)
s’intéresser à rien. A noter, au passage, que le “trouble de l’attention” est
devenu une des nouvelles “maladies mentales” de notre siècle.
L’artiste ou l’écrivain doivent toucher, s’attacher des affects.
S’ils ne touchent pas émotionnellement ceux/celles à qui ils s’adressent, c’est
foutu.
Mais de quelle façon toucher émotionnellement des gens qui se
“protègent”, ou dont la capacité à s’émouvoir en elle-même est émoussée ?
Y aura-t-il encore bientôt, dans notre société, une place pour
l’auteur(e), pour le peintre, pour le sculpteur, pour le photographe en quête
de jolis effets de lumière, pour le cinéaste, pour le musicien ?
Ne finiront-ils pas, à terme, par rejoindre sur le carreau leur
“parent pauvre”, le/la poète ?
Nous
savons nommer le néant, le non-être. Mais nous ne savons pas le penser.
Trouver des justifications à des actes brutaux et iniques, je me
risquerais presque à dire que l’être humain est « construit pour ça »
(tant à l’échelle individuelle que communautaire).
Les
Français, qui se piquent tant et si souvent d’esprit critique et de culte de
l’originalité (si typiquement occidental !) fondé sur l’individualisme, en
fait, affectionnent l’ordinaire, quand ils ne cultivent pas une sorte de
passion (inconsciente) pour la « moyenneté ». Effet de
l’égalitarisme ? Esprit « petit- bourgeois », « classe
moyenne » ? Tempérament envieux aisément
« réveillé » ?...Sans doute un peu de tout ceci.
Jusqu’aux
fameux « bobos », rois autoproclamés de toutes les modes, de toutes
les « avant-gardes » qui, dans les faits, importent quasiment toutes les leurs des
« states » et font, par ailleurs, preuve d’un grégarisme assez
déconcertant.
« Avant », il y avait, en France, des personnes qui
exerçaient leur métier parce qu’il était, pour eux, passion. Dans mon enfance,
j’ai connu des institutrices qui aimaient vraiment ce qu’elles faisaient (je
dis « elles », parce qu’il se trouve que c’étaient des femmes). On
voyait des employé(e)s de bibliothèque réellement amoureux du livre et de la
culture. Des représentants du corps médical et paramédical qui se dévouaient
corps et âme, en n’ayant pas peur d’avouer – et de prouver – que c’était leur
« raison d’être ».
Aujourd’hui, j’ai l’impression que ce genre de
« flamme » se fait de plus en plus rare.
On fait CE métier, comme on en ferait un autre (du même tonneau)
parce qu’on a réussi CE concours ; parce qu’on veut creuser son
« petit trou » de sécurité matérielle (hédoniste de préférence) et/ou
s’extirper de la condition (trop populaire) de ses géniteurs. Point barre. Ce
ne sont plus dans des métiers que l’on exerce ses passions, ses engagements,
mais dans des hobbies. D’où le fait que les artistes ont le don d’étonner,
d’agacer, peut-être ?...
Nous,
nous pensons. Pourquoi « Dieu » ne penserait-il pas ?
La Méditerranée n’a jamais eu grand-chose à faire des
continents. Elle a toujours eu plutôt l’habitude, et ce très anciennement à ce
qu’il semble, de réunir ce qui, tout bien regardé, n’est rien d’autre qu’un
ensemble de grandes divisions territoriales artificielles (l’Asie n’est,
géographiquement, aucunement séparée de l’Europe, ni de l’Afrique – du moins ne
l’était-elle pas avant le percement du Canal de Suez).
On sait maintenant que, dès l’époque néolithique ( -
10 000/- 9 000 ans), un important flux d’agriculteurs/éleveurs/marins
en provenance du Proche-Orient s’est lancé sur ses eaux jusqu’aux rivages de la
Crète, du sud de l’Italie (Sicile comprise), de la côte méditerranéenne
« française » et de la Corse ainsi que de toute la côte
méditerranéenne ibérique, pour y répandre l’olivier et l’élevage des moutons et
chèvres (en même temps, probablement, qu’un culte taurin dont on retrouve la
trace dans la Crète minoenne et…de nos jours, dans la corrida et autres courses
de vaches si pérennes en Espagne, au Portugal, en Languedoc et en Camargue). Il
semble maintenant assez probable que des peuples antique mystérieux (quoique
mentionnés par les auteurs anciens), les Ibères et les Ligures, étaient en
bonne partie issus de ces migrations « orientales ». Les Ligures ont
« ouvert leurs bras », par la suite, aux marchands étrusques et Grecs
(d’où la fondation de Marseille), puis à la conquête romaine, qui institua la
« Gaule narbonnaise » (bien qu’ils n’eussent, en fait, absolument
rien de « Gaulois », de Celte au sens littéral du terme). Les Ibères,
pour leur part, descendaient d’un peuple établi très tôt sur tout le littoral
méditerranéen de la Péninsule et à l’intérieur des terres prolongeant celui-ci,
en particulier le long des grands fleuves (pour des raisons agricoles
évidentes) ; ils n’étaient pas des Basques, même s’ils voisinaient avec
ces derniers et, tout comme les Ligures, leurs « cousins », ils
s’ouvrirent largement aux influences (tant commerçantes que culturelles)
ioniennes et phéniciennes, vers le Ve siècle avant Jésus-Christ. Leur alphabet
était punique. Par la suite, on connait, de source sûre, les liens qui unirent
étroitement l’Espagne à Carthage, l’héritière des Phéniciens (les fameux
éléphants d’HANNIBAL ne furent-ils pas dressés sur le sol ibérique ?).
Aux yeux des Grecs et des Romains, le concept
d’ « Europe » n’avait guère grand sens. Tout ce qui tournait,
géographiquement et climatiquement, autour du bassin méditerranéen était
« LEUR » monde (et, de fait, en dépit de leurs multiples rivalités,
affrontements, différences d’ordre linguistique, tous les peuples
méditerranéens possédaient, depuis beau temps, de grandes affinités, ainsi que
l’a mis en relief la célèbre anthropologue française Germaine TILLION).
L’Europe du Nord qui ne s’était pas gréco-romanisée était
« barbare » ; un univers radicalement étranger, qu’ils
regardaient avec un franc mépris mélangé de crainte. Quant à l’Afrique
sub-saharienne (Egypte ancienne exceptée, peut-être), elle leur demeurait
inconnue (l’énorme barrière du Sahara !).
Après Rome (ce fascinant unificateur du « MARE
NOSTRUM »), il y eut, bien sûr, la montée en puissance du christianisme
(venu lui aussi, signalons-le, de l’est de la Méditerranée), puis le
« jaillissement arabe », lequel draina avec lui une nouvelle vague
humaine issue de l’Asie puis (surtout) de l’Afrique du Nord, vers l’ «Europe».
Les musulmans (berbéro-arabes), comme les Carthaginois et les
Romains avant eux, marquèrent profondément de leur empreinte l’identité
hispanique, et pour cause : ils restèrent présents en Espagne/Portugal pas
moins de…huit siècles ! Eux aussi, d’une certaine façon et jusqu’à un
certain point, se « vivaient » comme des héritiers de l’unification
gréco-latine.
Il est à noter aussi que, de son côté, la France a été, pendant
longtemps, le théâtre d’un antagonisme Midi/Nord qui n’a pas été sans
conséquence, et qu’on oublie un peu vite. Les principaux faits marquants
témoignant de cet antagonisme sont la Croisade des Albigeois au XIIe siècle et
les oppositions religieuses entre protestants et catholiques (Guerre de Trente
ans comprise) qui durèrent deux siècles. Même aujourd’hui, l’identité
méridionale française continue de « couver sous la cendre » (même si
les dialectes occitans et la langue basque ont été laminés par un
rouleau-compresseur de premier ordre).
Ce que
la France coloniale – et, plus largement, l’Occident impérialiste – n’ont
jamais réussi à pardonner aux « Arabes » ? Leur fierté, si
typiquement méditerranéenne.
(Pour répondre à Socrate et à Platon) : savoir que je ne sais pas, c’est toujours ça de su.
Tout
philosophe honnête (comme Socrate) vous dira qu’il n’a pas de réelles réponses
à offrir. Et, donc, qu’il n’a nulle théorie, nulle philosophie à proposer (ce
qui est pour le moins paradoxal).
Tout
au plus peut-il proposer un certain mode d’approche des choses (forcément
partiel, puisque la « vérité » est une donnée hautement multifactorielle et relative).
Toute
controverse philosophique est, ainsi, par essence même, biaisée, stérile. De
même que toute école de pensée
philosophique finit par ressembler à une « chapelle », voire à une
« secte » perméable à la restriction, voire à l’exclusion des
hypothèses qui lui sont opposables.
Bien
sûr, chacun est pourtant libre de mettre l’accent sur ce qu’il veut. A
condition toutefois que cela ne tourne pas à l’exclusive, à la pose d’œillères,
à cette sorte de cristallisation obsessionnelle si préjudiciable au maintien
d’une ouverture d’esprit suffisamment large permettant, seule, la survie de la
réflexion vivante.
Chaque système philosophique suit sa propre logique, à partir de
ses propres prémisses. C’est sans doute sa manière à lui de « persévérer
dans son être ». Car les idées, les systèmes d’idées ne sont-ils pas des
êtres abstraits ?
Le
fait de diviniser la mère – comme ce fut le cas, par exemple, dans toutes les
civilisations néolithiques, à commencer par le Proche-Orient – fut-il vraiment
le signe d’un authentique respect pour la femme ? N’était-ce pas plutôt
une manière de l’enfermer, de la « piéger » par l’habile biais de la
vénération élevée au rang spirituel, religieux ?
La
vénération pour une (des) déesse(s) exclut-elle pour autant les exigences
tyranniques qui pèsent sur les femmes ? Est-elle vraiment antinomique de
ce que l’on nomme la misogynie ?
Mon
intuition me souffle que la réponse est « non ».
En
Inde, le culte des déesses (qui, toutes, sont des avatârs de la Déesse Mère)
n’impose-t-il pas aux femmes lambda d’être irréprochables, parfaites ?
L’Hindou mâle ne s’identifie-t-il pas à l’éternel enfant, l’enfant
Krishna ? Quelle est la signification de cette identification masculine
(assumée) à l’enfant ? Voilà qui, selon moi, doit donner lieu à une
interrogation de taille.
L’homme hait peut-être la femme (c’est ce que l’on désigne par
« misogynie ») parce que celle-ci lui a donné la vie. Parce qu’il lui
DOIT quelque chose, et quelque chose à ses yeux d’essentiel.
Parce que, quoi qu’il fasse, cette DETTE ontologique le
dépassera, le suivra toujours.
Au reste, il n’est pas le seul : les femmes sont également
misogynes ; on le dit trop peu.
Si
vous ne voulez pas vous attirer la haine de qui que ce soit, ne faites rien
pour personne. Tenez bien compte, à la base, de ce fait : l’humain est un
être d’orgueil. Ceux/celles qui ont décidé de se vouer aux autres doivent
s’attendre à se faire agresser – ou, au mieux, ignorer – en retour. Ceux qu’ils
ont aidés, tant en esprit que dans leurs propos, les rabaissent, les
minimisent. Ils s’en étonnent : mais c’est un tort. Il faut toujours
prendre en compte les faits de la psychologie humaine. Car beaucoup de gens
assimilent la gratitude à une faiblesse, nous ne le savons que trop. Et peu
d’êtres, du fait de leur orgueil égotique, se trouvent disposés à admettre
qu’ils se sentent, envers quelqu’un d’autre, redevables, pour ne pas dire
« reconnaissants ».
Il faut sans cesse le répéter : les voies de l’oppression
ne sont pas simples.
Les femmes sont, pour une très grande part, complices de la
misogynie.
Les gens « de couleur » (je prends, ici, le terme dans
son sens le plus large) sont quant à eux marqués au fer rouge par le schéma de pensée que
leur imposent leurs dominants européens, depuis un peu plus de cinq siècles.
Ma
« philosophie » est celle de l’incertitude. Celle que toute
connaissance, toute « vérité » est vouée à être dépassée. Et, en
premier lieu, questionnée.
A force de bombarder les gens d’informations et de
sollicitations sensorielles, on finit par les abrutir.
Les
peuples sans reproche, sans « face(s) sombre(s) », c’est comme les
individus parfaits : cela n’existe pas. Pas plus qu’aucun individu, aucun
groupe d’Hommes ne mérite qu’on l’idéalise, qu’on le magnifie. Ce qu’on doit
idéaliser, magnifier, ce sont ses qualités et ses entreprises jugées justes,
constructives et bénéfiques.
Toutes
les actions et réactions humaines sont vouées à l’instabilité, à une
variabilité qui les rend assez peu prévisibles.
Nous n’avons pas d’autre arme que notre propre être pour
appréhender le monde.
Donc, réfléchir sur le monde et l’observer nous ramène toujours
à nous-mêmes en tant que conscience certes collective (humaine) mais aussi
individuelle.
La base de toute curiosité envers le monde, c’est un égo.
Il en résulte qu’il serait parfaitement absurde de condamner,
chez l’être humain, toute manifestation d’ « égotisme ».
C’est l’ « égotisme » qui nous amène à tenter de
mieux nous comprendre, et de mieux comprendre le monde (à savoir tout ce qui interagit
avec nous).
L’ « égotisme » ne « déraille » que
quand il se boursoufle, s’hypertrophie, devient envahissant et, ce faisant
dégénère en narcissisme.
L’égotisme « de bon aloi » et le narcissisme ne
doivent pas être à confondre.
Le premier est un signe d’équilibre, alors que le second désigne
la démesure, la faillite en termes de connaissance.
P. Laranco.
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