Poète Comorien
Saindoune Ben Ali, la poésie sans excès de parures !
C’est Alain Gili, directeur de l’Association des Ecrivains Réunionnais (ADER) qui, le premier, découvrit Saindoune Ben Ali. Qu’il édita ensuite. Lançant ainsi la carrière littéraire de cet insaisissable poète Comorien. Cette grande voix de l’archipel est initiée au soufisme par son père, lettré en Arabe. Et, diseur spirituel, il couche désormais ses mots sur les pages blanches.
Testament de transhumance, paru en 1996 aux Editions Grand Océan du Dr. Jean-François Reverzy, achève de lui donner une aura d’auteur connu. Suivront les recueils Malmémoires, Parlez vent mes amis et Rêveries du pays des fées, publiés chez L’Harmattan. Et en 2022, il est lauréat du prix Fetkann ! Professeur à l’université, Saindoune est décrit comme « poète intransigeant et fin observateur de son pays fragmenté. »
De fait, ses écrits reflètent son envie d’évasion pour ôter « le bâillon d’entre les interstices humides » qui freinent son avancée. De ce pays où « tout est lointain sans désolation », le poète s’interroge : "Comment traverser les cratères", alors qu’il sait que la poésie, la sienne en tout cas, est comme « éclat du crime défi de liberté ».
Dès lors, il n’a de cesse de vouloir s’échapper de « ma demeure aérienne », afin de pouvoir « traverser les aridités du vent et le craquement des portes, comme lignes de la peur du salut. ». Conscient que sa parole, née « sur les ruines de l’enfance », peut lui valoir d’être mis « hors voie », Saindoune décrypte
« les cimes d’étoiles ». Et tel l’ancien Soufi qui lui apprit
« ferveur du marronnage », c’est à une femme, Johanna, "orpheline fourbue", qu’il dédie son chant de liberté.
Il la met en garde contre les « soutanes de vent », contre tout embrigadement religieux qui pourrait les enfermer « dans la crypte des leurres ». Mais qui donc est cette Johanna ? Cette
« géante en furie », sortie tout droit de l’univers imaginé par Jules Hermann, a séduit Saindoune. Et « pour te dire, pour te chanter », le poète part à sa recherche « à dos d’âne ». Le preux chevalier Quixote, conscient qu’il n’a que ses mots pour gagner le cœur de Johanna, en appelle à l’indulgence de la dulcinée.
D’autant plus qu’ils auront à lutter contre « un peuple de fumée » résidant sur " îles à perte noctuelle". Le poète sentait-il que cet amour, béni par « les oiseaux de mer, les souvenirs blessants, les marins brisés » était voué à l’échec ? Car, "de loin de très loin, toujours ce verre cassé qu’un peuple cache dans la verte poussière". Mais il garde quand même « espoir d’encore un pain, d’une légitimité, d’un temps d’alliance. »
Mais le poète doute : »A quoi servent les paroles » face à l’usure d’histoire ? Amoureux transi, ayant « la patience des eaux », le poète-Cupidon, malgré « la flèche rouillée », convainc Johanna qu’il évoquera « ce portrait de nos âmes ». "Alors, pour toi pour moi, l’eau de l’océan transforme le cuivre des mots de ta bouche". Leur « errance nocturne » faite
« d’impossibles songes » leur ordonne « d’exiger du Monde » un « Amour immémorial », les "éclats de sourire d’une présence joyeuse."
En somme, « Johanna pour toi pour moi » aurait pu être « le chant sombre de l’homme mourant devant sa fenêtre close, dans l’excès réel de l’air. ». Mais le texte devient plutôt « les paroles d’une nuit », et le poète retrouve « toute l’harmonie à souhait ». Et « c’est de joie immense que je t’ai nommée Johanna, pour toi pour moi. ». Qui ne peut culminer que sur un « bonheur dévastateur ». Le poète a retrouvé « sa fleur artificielle » et peut ainsi faire face à "ce monde nu et dévasté.".
Johanna devient ainsi « La Première dame », "la maîtresse des étapes". Celle qui prendra la main du poète, et l’emmènera vers "tout ce qui est à dire. Ce silence du beau miroir, cette ignorance proche, cette parabole de la parole ". Avec pour conclusion que « la poésie certes efface tout amour, en sa propre recréation, par excès de parures. » !
Sedley ASSONNE.
Source : Sedley ASSONNE.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire