En Occident (ou, si vous préférez, dans la sphère de haut développement du Nord global), beaucoup de gens, désormais, ne savent, ne veulent pas voir les inégalités, les fractures qui, encore, plus que jamais pourtant, traversent leurs propres sociétés et qui, à un degré bien plus grave, bien plus phénoménal encore, divisent l'ensemble du monde en pays prospères, pays émergents et pays marinant dans la pauvreté la plus crasse (avec tout ce qui l'accompagne). Le marxisme, largement dévalué, surtout depuis l'effondrement de l'empire soviétique et la conversion partielle de la Chine continentale au capitalisme, a cessé de faire recette à compter de la décennie 1980 et l'embourgeoisement progressif des prolétariats peu à peu conquis par la social-démocratie a fait le reste. Tout s'est, dans ces pays, dilué dans un océan de classes moyennes molles plongées dans un consumérisme et un hédonisme effrénés joints à un individualisme jamais atteint jusqu'alors dans l'histoire des sociétés humaines et bien en accord avec l'idéal du néo-libéralisme triomphant. A cela se sont ajoutées la Pax americana urbi et orbi et une impression d'abondance couplée au culte de la croissance et du progrès hors de toute limite. Les embourgeoisés se sont peu à peu désintéressés de la chose politique pour se centrer de plus en plus, sans le moindre état d'âme, sur leur petit nombril (encouragés, en cela, par le développement personnel, par ses conseils de vie dans l' Ici et maintenant et sa consigne d' "avancer" présentés comme une nouvelle sagesse). Là encore, la vacuité idéologique et l'addiction galopante au High-tech (avec son bombardement d' informations fulgurantes en continu) ont complété le tableau.
Avec l'indifférence à la politique et à la vie citoyenne que celle-ci implique, on a pris ses distances, également, avec l'Histoire.
L' Histoire, c'est le passé, et le passé révulse la culture américaine. Il ne peut être une référence pour notre époque vouée à l'immédiateté des clics de souris et au jeunisme. L'individu-roi ne saurait devoir son mode de vie, voire son existence, à des ancêtres qui ignoraient jusqu'à la possibilité de l'IPod, de la tablette numérique !
C'est fort commode, au demeurant : certains faits historiques - pourtant incontestables et essentiels - s'avèrent "sensibles", voire "lourds", "clivants" et malaisés à manier. On les jette donc volontiers dans le cul-de-basse-fosse de l'amnésie sociétale.
Le génocide des Amérindiens et des "indigènes" d'Océanie...la déportation de 13 millions d'Africains vers l'Océan indien et la Caraïbe...l'esclavage et ses cruautés ignobles, sans compter celles de l'engagisme qui, lui, toucha des milliers d' Indiens, arrachés au sous-continent entre les XIXème et XXème siècles pour remplacer, dans les plantations, les esclaves enfin affranchis...la deuxième grande vague d'expansion coloniale européenne au XIXème siècle, suivie d'une occupation/pillage intensive qui dura un peu plus d'un siècle...la mise sous ségrégation raciale des populations non-blanches (surtout mélanodermes) aux Etats-Unis et en Afrique du Sud...l'immense appauvrissement que l'Histoire et les activités marchandes et/ou prédatrices de l'Europe du Nord-Ouest et de l'Amérique du Nord imposèrent - et imposent encore - depuis cinq siècles, à des régions et à des aires culturelles tout aussi immenses de notre planète...la mainmise des multinationales (toutes, émanations nord-américaines, ouest-européennes ou japonaises) sur les matières premières de contrées atrocement démunies, voire désorganisées...
Tout cela ne vaut-il pas la peine que des gens qui se croient importants et éclairés s'en souviennent ?
Patricia Laranco.
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