Obituaire
Jean-Gérard Théodore a quitté la piste…
Hasard du calendrier, ou coïncidence décidée d’en haut, Jean-Gérard Théodore, ancien athlète et dirigeant du monde sportif mauricien, a quitté la piste. Et a pris le chemin de la voie céleste. S’il a laissé son empreinte dans le monde sportif, Haroon Durbass qui l’a connu le qualifiant de « Gourou », Jean-Gérard a aussi laissé une belle trace dans la littérature mauricienne, surtout avec son recueil Au nom de la mer , éditée par Alma Editions, maison d’édition dirigée par Barlen Pyamootoo.
Me souvenant que naissance et nuit faisaient alliance
Je danse sur les ailes qui enrobent ces espaces encastrés
Je danse sur le manteau de terreur
Qui tombe sur le port
Enveloppe les cases des faubourgs
Noie les fissures, pour incuber
La lamentation de ce tunnel
Ecrivait-il dans cet ouvrage. Au contraire de l’ésotérisme qui imprégnait l’œuvre de Jean-Claude d’Avoine, Théodore penchait plus vers l’univers tissé par un Pierre Renaud, par exemple. Avec une poésie non dénuée de symbolisme.
Je l’ai connu à L’Express, où il officiait comme secrétaire de rédaction. On a partagé mots et merveilles littéraires, jusqu’à ce qu’il parte « à côté », rue Saint-Georges, pour rejoindre Le Mauricien. Là, il y rencontra Natacha Appanah, alors jeune journaliste de Week-End Scope. Et qui allait récolter un prix du meilleur espoir à un concours littéraire organisé par La Sentinelle Ltée. La remise des prix eut lieu au Triveni. J’étais resté assis dehors, pendant que les mondanités se déroulaient à l’intérieur. Jean-Gérard paraissait content que Natacha ait gagné ce prix.
Il avait un formidable sens de l’humour, et cette voix rauque reconnaissable entre mille. Et si nos routes se sont croisées, elles se sont aussi distanciées. Et je ne l’ai plus revu. De toute façon, la presse muait et n’avait plus besoin de ces « vieux débris » d’antan. Même le Media Trust ne savait pas qu’il avait existé ! C’est dire…
Et puis, au hasard d’une conversation avec Haroon Durbass, le nom de Jean-Gérard Théodore a surgi. L’ancien homme fort du culturisme mauricien ne tarissait pas d’éloges pour l’homme qu’il qualifiait de « mentor ». Et je dis à Haroon :
- "Mo tann dir Jean-Gérard malad ".
Réponse de Haroon : " Nou bizin al get li. Moti pou bien kontan trouv li. "
Et donc, entre le « bizin » et les aléas du quotidien, on n’a pas pu aller voir Jean-Gérard Théodore. Les lampions s’éteindront bientôt à Paris. Ville où Jean-Gérard a couru. Un des premiers athlètes à s'y être formé. Il partagera ensuite ses connaissances avec les jeunes de son pays. Natacha Appanah, désormais installée en France, lui doit sûrement beaucoup aussi. Et heureusement aussi que Barlen Pyamootoo l’a publié. Car, les
« décideurs », ceux qui sont chargés de la culture, ne donnent pas toujours des sous pour que sortent des tiroirs les écrits d’auteurs de cette trempe.
C’est Brigitte Masson, elle-même autrice confirmée et observatrice avisée de notre société dans ses écrits, qui m’avait appris la triste nouvelle. Et j’entends la voix de Gérard qui déclame :
Ils sont cent, ils sont mille à cracher
sur les tombes
cette mort si avare.
Je danse avec les déportés qui plongent
Du haut de ce morne…
Il renouait ainsi avec ses racines de l’histoire noire de son île. Marron solitaire, Jean-Gérard Théodore, Grand Prix Edouard Maunick en 1991, vous salue. Il a fait le grand saut dans l’arc-en-ciel !
Sedley ASSONNE.
Crédit : Sedley ASSONNE.
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