Au fond de la gorge, les eaux
lumineuses de la rivière s’enfoncent entre les roches rouges vers l’océan. Au
sommet de la vallée, des prairies au vert changeant, des arbres en bosquets ou
en haies, d’anciennes fermes rénovées.
Un homme se promène au long des
près à vaches, chevelure claire, l’œil noir. De petits bois couronnent chaque
colline, prêts à accueillir, en souriant dirait-on, sa solitude qu’ils
attirent. Son pas semble danser sur le chemin caillouteux.
Avant de pénétrer sous l’ombre
fraîche des frondaisons, il s’assied, adossé au talus, et, contemplant les
environs, lentement, il mange un quignon de pain. Il aime partager ainsi son
temps entre les promenades sanitaires et le bureau enfumé où il écrit. Il aime
ce paysage vallonné de pentes douces où le regard peut se perdre loin dans un
moutonnement verdoyant taché du rouge des toits dispersés. Il aime ses
dialogues d’aphasique avec les chevaux, les oiseaux et les écureuils qu’il
rencontre au long de ses pérégrinations. Il se sent là à l’abri, tout autant
qu’à l’intérieur de sa vieille maison sombre. C’est là, durant ces heures de
loisirs que son imaginaire travaille le mieux et qu’il invente les histoires
qui le font vivre.
Depuis longtemps, il ne voit
plus le regard narquois ou méfiant des anciens du village. Depuis longtemps, il
a renoncé à lier connaissance avec eux. Il restera l’étranger, le marginal, à
qui l’on concède à peine le bonjour, et, dans les jours de grande liesse, un «
ça vat’i bien ? » qui se veut généreux. On ne se moque pas : il vend, on le
sait, on a tapé son nom sur Google. Mais on le tient à distance : ne va-t-il
pas aller raconter votre vie dans ses romans ? Manquerait plus que ça, que la
famille et les voisins vous reconnaissent et sachent vos manies et vos secrets
de jardinage !!
Alors le plumitif évite
d’attirer l’attention; il passe en silence et à la hâte, ne s’arrête au café
que pour acheter ses cigarettes, et reste rivé à son ordinateur chaque nuit.
Edith
BERTHUIT,
juin
2017.
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