samedi 23 octobre 2021

Serge-Mathurin THEBAULT (France).

 

 

 

GUETTEUR.

 

J’épie la nuit ; j’y extrais la vie.

Sur la gouttière du zinc sautille une forme volatile dont l’obscurité ne peut empêcher son appétit d’envol.

Sur la façade du rectangle d’en face (la maison bourgeoise), le bloc de pierres se distingue mal mais assure la puissance de son immobilité.

Un bruit de sirène fend l’air. Son cri strident se répand quelques instants dans toute la ville puis se fige dans le silence.

Il n’y a rien ici, ni personne. Pourtant, je sens grouiller un monde souterrain dans cette rue inanimée.

Je ne dors pas. Je fais exercice salutaire pour celui qui sert l’écrit : funambule somnambule.

J’imagine mes contemporains dans leurs activités humaines. Beaucoup d’entre- eux doivent dormir. Quelques uns donnent le change à leurs désespoirs dans un bistrot de Paris ou d’ailleurs. Certains, même, sûrement, s’exercent au jeu sexuel qu’ils nomment amour dans la confusion des sens.

Je vis mon rab d’existence. J’éclaire mon œil de taupe pour voir enfin, clair.

Le portable sonne à cette heure indue, vais-je répondre ? Non, je vis dans ces lignes, couleur eau et sang, une quiétude. Je ne la quitterais pas.

Fini les promesses du dehors. La vérité est en dedans.

Le guetteur sourit, ouvre sa fenêtre, prend une flaque de vent d'automne pleine face, récompense nocturne.

 

 

 

 

 

Serge-Mathurin THEBAULT.











 

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