Oubli buté. Déni buté. La France, qu’elle soit élitaire,
étatique même, ou qu’elle soit « profonde », plus populaire, se
cabre. La mauvaise conscience est un fardeau qu’elle peine fort à métaboliser.
Ce livre traite de la « droitisation », voire de la « lepénisation »
de l’opinion publique française actuelle, laquelle s’articule autour de sa
culpabilité postcoloniale.
« Agressé », vulnérabilisé par la crise économique,
par la panne de l’ascenseur social, par l’Europe en voie de construction qui
serait en train de le « diluer », par la mondialisation qui entraîne
l’émergence de nouvelles grandes puissances asiatiques, par la présence sur son
sol de populations ravivant le souvenir (revanchard) de la Guerre d’Algérie et
de ses conséquences, par le vieillissement de sa population qui le rend
volontiers décliniste ou de plus en
plus frileux, par l’afflux massif des réfugiés en provenance des pays du Sud
et, bien sûr, par les attentats terroristes qui se réclament d’un islam
salafiste de plus en plus présent dans ses banlieues ainsi que par le
surgissement des revendications mémorielles liées à un passé colonial en totale
contradiction avec sa prétention à se poser en modèle émancipateur, en « Pays
des Droits de l’Homme » et, pour finir, sur un mode indirect, par l’insoluble
conflit qui embrase le Moyen-Orient depuis la création de « l’état hébreu »,
le coq redresse les ergots de son identité nationale, sous la houlette de « penseurs »
de la trempe d’un Eric ZEMMOUR ou d’un Max GALLO. Voilà ce que ce livre tente,
avec brio, de nous faire comprendre. Ses auteurs, deux historiens et un
sociologue, déplorent que les recherches universitaires menées en France soient
sciemment, volontairement non-médiatisées, donc ignorées du grand public à
cause du courant néoconservateur, allègrement relayé par des politiciens démagogues.
Nantie d’une société de plus en plus « atomisée » et cloisonnée, où le mantra vivre ensemble résonne sans cesse, que
ce soit sous la forme d’une profession de foi résolue et pleine d’espoir, ou
que ce soit sous celle d’une question de plus en plus gangrenée par le doute,
la France, qu’on le veuille ou non (et même s’il est « malséant » de
le dire) est encore malade de son passé
qui ne passe pas, c'est-à-dire de son entreprise coloniale, dont l’évocation menace
l’idée positive, grandiose qu’elle aime à se construire d’elle-même pour son propre usage et à
présenter au monde.
Et, pour restaurer ladite image, elle n’a rien trouvé de mieux à
faire que de se tourner vers…le chauvinisme, l’exacerbation du bon vieux
complexe de supériorité propre à l’ « Homme Blanc ».
L’absence de grand idéal fédérateur et d’alternative humaniste
réelle, structurée au libéralisme sauvage (depuis les désillusions communiste,
puis social-démocrate) entretiennent désormais, en Occident, des fantasmes de « chute
de l’Empire romain » à connotation paranoïde.
L’Occident, avec ses diverses expansions coloniales, a
décloisonné (de force) le monde, pour en tirer profit. Il est sorti de ce que
le poète José-Maria DE HEREDIA appelait le « charnier natal » mais, à
présent, comme par « retour du courrier », c’est « l’outre-mers »
qui vient à son tour à lui et, parfois, lui demande des comptes. Et, en France,
un consensus national en forme de chape de plomb tend à s’installer : il
faut éviter, autant que faire se peut, de parler des choses qui gênent, des
sujets (même historiques, même véridiques) trop sensibles. Bizarre démocratie !
Mais attention, le passé […]
se venge. Plus le « refoulé » est nié, occulté, évacué dans une
tentative puissante, plus violemment il est susceptible de faire retour dans le
volcanisme. Tout tabou est à double tranchant.
Quoi qu’il en soit, il semble bien que ce soit, dans le cas qui nous occupe, la PEUR (subconsciente) D’ÊTRE PUNI EN RETOUR qui sous-tende ces démarches – classiques – de repli droitier dont
l’immigration POSTCOLONIALE est devenue le principal bouc-émissaire. C’est ce
qu’au travers de cet ouvrage, j’ai en tout cas perçu. Ce n’est pas pour rien
que Pascal BRUCKNER a, il y a quelques années, écrit son fameux essai Le
Sanglot de l’Homme Blanc, qui inaugurait la grande dénonciation de
toute repentance.
Et pourtant, la colonisation, telle qu’elle fut menée par l’Europe,
fut sans doute, avec le nazisme, le plus grand drame qu’ait connu l’histoire
humaine. Un crime contre l’humanité sans équivalent par son ampleur, par sa
violence (matérielle, morale), par son étalement dans le temps (qui se prolonge
de nos jours, sous d’autres formes, bien plus subtiles).
Et l’on voudrait cautériser une telle plaie sans la toucher ?
L’on voudrait que le chirurgien qui la tamponne, la désinfecte,
recoud ses bords le fasse affublé d’un bandeau sur les yeux ?
P. Laranco.
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