mercredi 9 mai 2018

Lecture (Sociologie, France/Afrique) : Boubacar Boris DIOP, Odile TOBNER, François-Xavier VERSCHAVE, "NEGROPHOBIE", Ed. Les Arènes, 2005.






Ce livre fera (peut-être, si celui-ci en est toutefois capable) comprendre au lecteur franco-français combien son pays a saboté, sabordé, dès leur « avènement », les indépendances de ses ex « possessions » en Afrique noire.
La colonisation et le martyre colonial  que subissent les pays du Sud de la planète du fait de l’Europe et de ses extensions que sont ses anciennes « colonies de peuplement » (les USA au premier chef) est, contrairement à ce qu’une certaine propagande désinformatrice cherche à nous faire accroire (en y réussissant au-delà de toute espérance du fait de ses moyens financiers, technologiques et médiatiques) toujours de pleine actualité. Seules – encore que depuis peu de temps - de grandes puissances asiatiques (Chine, Inde) s’en sont affranchies, grâce à leur volonté farouche, à la taille gigantesque de leur population et à leurs civilisations brillantes et infiniment plus anciennes que celle de l’Europe, lesquelles, à raison entretiennent chez leurs peuples un sentiment de fierté réel, ancré dans leurs identités très fortes.
Mais, dans le cas de l’Afrique noire, il en va, hélas, tout autrement.
Pour ce qui est de cet ouvrage en soi, il est né d’une réaction. Il constitue une – indispensable et salutaire – réponse à un autre essai, NEGROLOGIE, publié en 2003   par un journaliste réputé en France en tant qu’expert faisant autorité  au sujet de l’Afrique ayant travaillé pour Libération comme pour Le Monde (rien que ça !), Stephen SMITH. Ce Négrologie, il est à peine utile de le souligner, a obtenu un succès de premier ordre en France, tant dans les rangs du grand public ignorant et farci de préjugés et autres clichés qui ont la vie dure (et qui lui facilitent la vie) que dans les médias hexagonaux et dans l’intelligentsia parisienne, qu’elle soit de type « nouvelle droite » ou gauche social-démocrate.
Haro sur le Nègre et sur l’échec des indépendances africaines !
Pourquoi les Français veulent-ils à tout prix réhabiliter la colonisation […] ?  (B.B.DIOP).
Pourquoi est-ce si important pour la France d’ « en remettre une couche », de discréditer le Noir d’Afrique et donc, d’en revenir à une essentialisation raciste qui avance plus ou moins masquée ?
Voilà ce que les trois parties de Négrophobie, livre de 200 pages environ, se proposent de déterminer, sous les plumes de trois rédacteurs différents qui cependant, s’entendent pour démolir, ainsi qu’elles se doivent de l’être, les thèses – largement partisanes et sans aucune rigueur - de l’ouvrage Négrologie.
L’Afrique subsaharienne « francophone » est, c’est connu (même d’un certain public hexagonal), l’un des exemples les plus patents, les plus sinistrement éclatants de néocolonialisme. Depuis la « coopération » mise en place par le ténébreux Jacques FOCCART dès le moment des « indépendances » factices de 1960, on va même jusqu’à parler tout à fait ouvertement de FRANCAFRIQUE  et de pré carré, comme si ça allait de soi. Dans ce pré carré, l’on a éliminé tous les leaders et penseurs potentiellement oppositionnel (tels LUMUMBA et SANKARA, pour ne citer que les plus connus) pour placer à la tête (officielle) des pays en question des autocrates à vie incapables et corrompus jusqu’à la moelle mais dociles (c’était tout ce qu’on leur demandait, et leur demande encore). Car, voyez-vous, la France est un pays qui adore se poser en « grande puissance » et l’Afrique noire est immensément riche en matières premières minérales et biologiques, que le « Pays des Droits de l’Homme », moraliste sourcilleux devant l’Eternel, « indépendance » ou pas, pompe avec allégresse pour alimenter son mode de vie si prospère et si hédoniste.
Boubacar Diop cite Stephen Smith : La France n’existe, face aux vrais grands, qu’en s’appuyant sur l’Afrique […]  et là, au moins, ça a le mérite d’être franc.
Toutefois, l’ « humanisme » paternaliste (et donc, en somme, « bon enfant ») qu’elle prétend incarner et qui est censé fonder son image aux yeux du reste de la planète doit à tout prix rester sans tache. Si la France « se maintient » si vigoureusement dans les anciennes AOF et AEF ainsi qu’à Madagascar (qu’elle a ruiné), c’est que le Noir est nul ; c’est un « inapte », un « dépendant » qui n’a pas la notion de l’Etat.
Et les vieilles images faciles de la « sauvagerie » ressurgissent, réactualisées, entre autre, par un auteur comme Stephen Smith ; pain béni pour l’égo « gaulois ».
S’y ajoutent d’autres justifications, tel, par exemple, le scandaleux « droit d’ingérence » (que l’on devrait, peut-être, rebaptiser « droit d’ingérer ») du « bon docteur » Bernard KOUCHNER, tant louangé dans l’hexagone, et sa conséquence directe : l’interventionnisme militaire, sous couverture onusienne ou non, qui devient, dès avant les attaques de DAECH et consorts en terre européenne, un véritable tic
(Rwanda, Côte d’Ivoire, Mali…), le fin mot de l’histoire étant que l’Afrique noire francophone « en faillite » aurait un sérieux besoin d’être recolonisée.
Ces « thèses » s’appuient, en toute logique, sur tout le courant de « droitisation des esprits », de négationnisme touchant les cruautés liées à la traite négrière et à l’esclavage et autres coloniaux méfaits (et dieu sait qu’ils ne manquent point, du XVIe siècle jusqu’à nos jours, car le dossier est loin d’être clos, il faut le souligner sans relâche) et de libération (dans la quasi impunité) de la parole raciste « ordinaire » lasse du politiquement correct et de ses relents d’accusation qui, depuis quelques décennies, a pris possession des contrées prospères de l’Europe de l’Ouest et de l’Amérique du Nord. Le chauvinisme Blanc – et particulièrement, français – est de retour (et avec lui, entre autres inepties, la « colonisation positive ») ! Il s’agit de convaincre le monde entier – y compris les Africains eux-mêmes – de l’innocence de l’Occident. (Diop). Une fois de plus, si la victime est la victime, c’est de sa faute – Vae victis ! L’Afrique noire se résume, dans son essence, à des guerres (en fait, toutes provoquées, en sous-main, par des réseaux et autre lobbys des pays d’Occident), des génocides, des dirigeants frappés de folie et une pauvreté crasse répugnante, dont elle ne sortira jamais, en raison de son incompétence, de ses cultures « inadaptées », disqualifiées d’avance (même langage, ici, que pour l’islam).
la décolonisation  [ cette tutelle masquée mais toujours opérante, on oublie de l’ajouter, est ] responsable de tous les maux actuels du continent. (Diop).
Dans ce cas, pourquoi le Blanc « sangloterait »-il ?
La vérité est que la France est un pays génocidaire de plus. La « crise » rwandaise, largement décortiquée par F.X VERSCHAVE dans la dernière partie de l’ouvrage, le met en relief de façon saisissante et honteusement incontournable. Et les grandes tirades, si à la mode, sur le métissage, le vivre ensemble assorti de pardon des offenses ou le dévouement (si longtemps passé inaperçu) des Tirailleurs noirs n’y changeront rien. Elles endorment les esprits (tant Noirs que Blancs ou autres), c’est tout.
De ce livre, c’est avec une boule au ventre, voire une franche envie de vomir que l’on ressort. Pas moins. Mais il faut, d’urgence, le lire.


















P. Laranco.





2 commentaires:

  1. Pourquoi toujours est utile d'utiliser le qualificatif de couleur pour designer l’Afrique ?après tout c'est la couleur naturelle et non faite par l'humain et si l’Afrique se trouve dans un état alarment et desesperant ce n'est du à sa couleur.

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    1. La couleur, c'est une invention des racistes. Si j'y fais allusion ici, c'est parce que les deux livres dont il est question y font référence.

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