lundi 1 juin 2020

Le critique littéraire tunisien Mohamed Salah BEN AMOR poursuit son étude sur la poésie francophone pendant le confinement avec, aujourd'hui, le poète français Alain MINOD, que nous connaissons bien sur ce site...






LES OISEAUX INDIQUENT LA LIBERTÉ SANS PRIX
LEUR RÉSEAU MUSIQUE EN CITE NOUS L'A APPRIS




Si je ne veux pas faire tomber mon amour
Dans une cage pour l'oiseau que je veux libre
Allumant ma page à la flèche du toujours
J'incendierai l'enfer aux feux de ce calibre !
Déployant les ailes enflammées du silence
Aux abîmes d'âme de l'océan urbain -
Dans le soleil de l'égal perlant sa présence
Au creux des fenêtres – me jetterai au bain
L'être de l'oiseau en fraternelle envolée
Dans l'altitude des toits – nos baisers cueille
Sans avec un paraître vouloir les voler
Au soir il embrasse nos maisons qui accueillent
Ô Chante ! Merle par notre veille : affûté !
Dans la douce lumière du jour qui s'incline
Tu déclines musique en liberté fêtée
Par notre terre qui tendrement s'en avine
A la nuit et toutes ses lueurs en ballet
Un dernier vol de colombes avec cris passe
Les bruits de toutes rumeurs qui vont s'en aller
Avec lui et l'école du monde en paix qu'il trace.


Alain MINOD


























Pour nous mettre dans l’univers particulier de ce poète rappelons-nous en deux mots que sa poésie se place dans le genre expérimental dont l’objectif est d’écrire en dehors des normes préétablies et en l’absence de tout modèle préconçu et de purifier la langue des sens lexicaux dénotatifs. Et ce, en poussant l’acte langagier dans des sentiers non-battus et en faisant éclater les associations établies entre les mots dans le langage commun pour les remplacer, à chaque pas, par des combinaisons inédites qui ouvrent sur des mondes inexplorés.


Cette façon particulière de manier les mots se perçoit dès la première lecture de ce poème bien qu’il ait été écrit dans un contexte auquel son auteur n’était pas préparé et malgré l’influence très nette de ce contexte sur le texte en question.


Mais vu que l’objectif de cette série de commentaires est d’examiner l’effet de la pandémie du coronavirus sur la poésie mondiale, c’est sur ce seul aspect que nous nous limitons cette fois.


De prime abord, le locuteur produisant cet énoncé adopte une stratégie tout à fait différente de celles de ses prédécesseurs qui étaient, somme toute, négatives : (attaque en avant par la contestation et la révolte contre le libéralisme sauvage régnant en Occident –remise en question de l’esprit scientifique qui régit ce système –attaque en arrière en se plongeant dans le gouffre du désespoir) et qui consiste , comme nous le voyons à travers ces vers , à s’élancer dans un mouvement doublement extatique , d’un côté au niveau du rêve éveillé en s’identifiant à un oiseau détenu en cage qui aspire à s’envoler très loin et très haut ( « je ne veux pas faire tomber mon amour/Dans une cage pour l'oiseau que je veux libre - Déployant les ailes enflammées du silence - me jetterai au bain /L'être de l'oiseau en fraternelle envolée / Dans l'altitude des toits - Merle par notre veille : affûté ! - Un dernier vol de colombes avec cris » ) et de l’autre sur le plan purement linguistique en accomplissant une danse frénétique avec les mots qui s’exprime par un rythme sonore et mental intense engendré par suppression des particules de conjonction (asyndète) et la multiplication des métaphores , ce qui lui procure ainsi qu’au lecteur une immense sensation de libération tout en demeurant bien tranquille dans sa « cage » de confinement .


Une belle opération thérapeutique qui montre que la poésie est capable de venir à bout de toutes les crises et toutes les situations tragiques.



Pr Mohamed Salah BEN AMOR.
































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