Les états les plus
voisins de l’état de proximité absolue sont la gémellité et l’état de l’enfant
dans le ventre de sa mère. Ce sont des états qui, simultanément, nous font
envie et nous effraient, provoquent en nous le malaise.
Ce qu’est la femme pour
l’homme, pour tel ou tel homme, ce n’est pas mon problème.
Mon problème est que
la Culture (dans à peu près toutes les cultures) s’est trouvée accaparée par le
sexe masculin.
De cela, celui-ci
croit tirer le droit, le pouvoir de nous dire ce que nous DEVONS être.
La femme doit pouvoir
être « définie », se définir, se poser en dehors de tout avis
masculin. De toute exigence masculine.
Finalement, la femme
doit reconquérir sa propre identité en dehors de toute idée de l’autre sexe.
Tâche
impossible ?...
Entre rien ( not to
be ) et quelque chose ou quelqu’un ( to be ), la marge est souvent très, très fine. Beaucoup plus mince
qu’on le croit.
Les odeurs imprègnent
les lieux, elles s’y incrustent (intensément ou discrètement, sous une forme
plus subtile), et, plus encore que les
souvenirs (la mémoire est, on le sait, peu fiable), souvent, elles prolongent
les présences. Avec une rare ténacité.
Parfois, longtemps,
pendant des durées temporelles insoupçonnées, c’est avec une singulière
autorité qu’elles perpétuent des actes ou des êtres censés s’être volatilisés
depuis des lustres. Les animaux et ce qu’il y a en nous
d’ « animal », de spontanément olfactif ne s’y trompent
nullement.
L’homme n’est pas un
bloc. Il est contradictoire. Il est aussi changeant. Les deux choses, parfois, dans une mesure
extraordinaire. Ses intérêts, ses réactions, ses aspirations et désirs, ses
idées, ses paroles comme ses actions peuvent très fréquemment apparaître comme
inconciliables.
Il porte en lui les
choses telles qu’elles sont et telles qu’il rêverait qu’elles fussent. Il porte
en lui ce qu’il se doit à lui-même et ce qu’il doit aux autres. Il porte en lui
encore bien plus, et infiniment plus, sans doute.
Ses comportements et
réactions forment souvent, pour tout observateur logique, un tissu de mystère
opaque.
Sans l’amas de matière
organisée qu’il forme, et qui le forme (au demeurant, lui-même, en perpétuel
état d’évolution), sans le sentiment qu’il possède une conscience et une
mémoire de son propre passé, une perception de la continuité de sa propre
« histoire », qu’en serait-il de l’ « unité » de
chaque individu humain ?
« Je suis
quelqu’un de bien et je suis mieux que toi. »…phrase stupide par excellence, mais si souvent pensée, voire
dite, voire traduite en comportements !
Ce qui m’importe
d’abord, c’est la vérité.
Même si je sais - et n’essaie
jamais de perdre de vue - combien celle-ci est relative.
Ils deviennent
lassants, ces hommes qui ont l’air, quelquefois, de regarder la poésie comme un
moyen d’attirer, de drainer vers eux et autour d’eux des cercles de femmes à la
bouche grande ouverte d’admiration béate et, ainsi, de susciter soit l’envie de
maternage (toujours aux aguets chez certaines), soit encore – et encore plus
basiquement – de se trouver une compagne-soutien (car il faut toujours les
soutenir, voyez la pauvre George SAND, la pauvre Madame de Warens ou encore
toutes ces salonnardes fort réputées à leurs époques et entichées en veux-tu,
en-voilà des dernières vedettes de la littérature, de l’art ou de la pensée) ou
de collectionner les aventures papillonnantes à la Jean-Paul SARTRE.
Pas un instant, il ne
semble leur venir à l’esprit que le « créateur » puisse, d’aventure,
être une « créatrice ». Ils sont complètement prisonniers d’un
schéma, d’un véritable stéréotype suranné autant que sexiste.
Et puis, on ne fait
pas de la poésie (ou quoi que ce soit d’autre dans le domaine artistique ou
intellectuel) POUR sortir de l’anonymat ou de la frustration narcissique, POUR
impressionner. On fait ce genre de chose parce que ça vous « tombe dessus »,
vous habite et vous tient aux tripes.
Un homme a-t-il besoin
d’être cynique pour être plus masculin ?
Peut-être, le cynisme
étant, après tout, une forme de brutalité.
De nos jours, quand on
lutte pour un monde plus juste, moins cynique, moins régi par la loi du plus
fort, on se sent de plus en plus seul(e).
Car chacun est disposé
à lutter – et ne lutte - que « pour sa pomme », et n’est prêt à
endosser, le cas échéant, qu’un mini minimum de risque.
La France est un pays
où nul ne veut assumer ses privilèges. Se dire, s’admettre
« privilégié » ? La chose est encore impensable.
Voilà qui est sans
doute lié à la (lourde) connotation historique du mot « privilège » à
partir, bien sûr, du bouleversement de la Révolution française. Le « privilégié »,
ça reste l’ « aristo », le « méchant », l’ennemi,
figure négative par excellence. Figure qu’au nom de l’idéal
d’ « égalité », l’on se doit de combattre, d’anéantir.
Faute d’avoir choisi,
au XXe siècle, le camp du communisme, le pays a dû composer avec cette
exigence, restée vivace (notamment, entretenue par sa devise-mère). Ce qui s’en
est suivi ? Une « schizophrénie » à nulle autre pareille :
haine (idéologique) du privilège, de la réussite toujours suspecte, versus
désir général d’embourgeoisement. Le privilège caché, tabou. Inassumé.
Inassumable. Et ses deux corollaires, la tendance à la plainte, voire à la
victimisation chroniques et la colère, la révolution à fleur de peau.
Dans une société
misogyne, la femme ne peut être que « folle ».
Le conservatisme,
c’est, aussi (et peut-être, d’abord), révolte contre le passage du temps.
Dans bien des cas,
l’esprit de contradiction ne fait que résulter d’un prurit égotiste, lié à
l’affirmation de soi.
On se pose en
contredisant, pour MONTRER qu’on a des idées et, mieux encore, ses propres
idées. Qui, bien sûr, nous distinguent de l’autre. C’est comme si être d’accord
pouvait vous exposer au risque de disparaître derrière l’autre, de vous fondre
en lui. Donc, de devenir, comble de détresse, complètement inexistant.
Le problème des
intellectuels, en France, c’est que, suite à une longue tradition (lire, pour
plus de détails, notamment, le très intéressant ouvrage de Shlomo SAND LA FIN DE L’INTELLECTUEL FRANÇAIS ? –
De Zola à Houellebecq, La Découverte, 2016), ils se prennent (beaucoup) trop au sérieux.
Cela les rend souvent « grosse-tête », insupportablement pontifiants
et snobs, encore plus snobs qu’un lord anglais.
Tout comme l’Inde a
ses guru, ses satguru, ses grands esprits, la France possède ses intellectuels,
ce qui n’est pas peu dire.
RACISME EN OCCIDENT ET
EN FRANCE.
La domination est,
pour moi, l’une des choses les plus haïssables qui soient au monde. Et, plus
encore, l’exaltation, le sentiment (mégalomaniaque) de « gloire », de
« grandeur » qu’elle confère – ou est censée conférer – à certaines
personnes ou à certains peuples.
Les
« stronger » et les « more stronger », pour ma part, ne
m’impressionnent guère et (pire encore) ne m’intéressent que de façon fort modérée.
Tabous, pas plus
qu’incantations, que « langue de bois » (« républicaine » ou autre ) n’éliminent pas les problèmes.
Plus un problème fait l’objet d’un tabou, plus c’est, souvent, le signe qu’il
est « saignant » comme une plaie mal refermée, menaçant comme un volcan encore actif qui se
contenterait seulement de dormir. Le problème des préjugés, idées reçues et des
formes de discrimination héritées d’ordres et hiérarchies coloniales
racialisantes ne sera pas, en France, je le pense, évacué par le refus de regarder bien en face l’Histoire parfois
obscure, honteuse (au regard des notions véhiculées par les Déclarations des
Droits de l’Homme) de cette nation. En tant qu’ex pays colonial, la France ne
peut être que « racialisante », au même titre que le Portugal,
l’Espagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, les U.S.A, la plupart des pays
d’Amérique dite « latine » ou l’Île Maurice. La mondialisation
coloniale (du XVIe au XXe siècle) a profondément imprégné l’Europe (surtout
occidentale) et sa culture, les historiens l’ont démontré. Elle a même été
justifiée, d’abord par l’invention méprisante de « l’impie sauvage »
puis davantage encore, ensuite, par l’invention d’un véritable racialisme
« scientifique » dans le courant du XIXe siècle (les « noirs »,
les « jaunes », les « blancs », classés de manière
ascendante, hiérarchique en fonction de leur état technologique et de leur
degré de domination planétaire, ceux-ci se trouvant étroitement associés à
divers prétendus « dons » ou « manques » en termes
d’aptitudes intellectuelles).
Quand on comprend et
quand on admet que l’Homme n’est ni mauvais, ni bon, qu’il est capable de TOUT
ce que lui permet sa nature (au demeurant fort imaginative), les
« meilleures » comme les « pires » des choses (les guillemets
se trouvent là pour souligner le caractère relatif des termes
« meilleur » et « pire »; cf. l’adage Vérité en-deçà des
Pyrénées, mensonge au-delà.), on supporte bien mieux ses faiblesses, ses
manques, ses défauts et turpitudes personnels. On est peut-être moins arc-bouté
sur le déni ou la mauvaise foi. On résiste peut-être mieux au choc consécutif à
une image de soi qui se trouverait tant soit peu écornée. Si cela vaut, à ce
qu’il m’en semble, pour les individus, cela vaut également pour les groupes et
les consciences collectives. Il faut renoncer à l’idée (à la fable) qu’en tant
qu’individu, on est parfait, net, angélique, totalement exempt de reproche, de « noirceur ».
Et il faut aussi, dans une mesure équivalente, admettre que sa culture soit
encombrée de gros défauts et que le groupe (ou le pays) auquel on se sent
appartenir ait immanquablement des torts (de grande ou de moindre importance).
Ainsi ne doit-on pas se sentir « injustement agressé » par les
critiques et autres remises en cause et exigences de justice que beaucoup sont
susceptibles d’émettre à l’endroit du comportement (ancien ou actuel) de ce que
l’on considère comme notre contrée.
Les raisons de la
haine, souvent, peuvent surprendre; on peut nourrir de l’animosité, de
l’hostilité à l’endroit de quelqu’un par ressentiment, parce qu’il nous a causé
du tort et/ou nous a infligé une souffrance, qui laisse un déplaisant souvenir.
Mais, bien plus
étonnant, quelqu’un peut, tout à fait dans la même mesure, prendre quelqu’un
d’autre en grippe par mauvaise conscience, parce que c’est lui-même qui lui a,
tout au contraire, fait quelque mal, et que ce mal écorne l’idée positive que
l’individu en cause se fait de sa propre personne, son estime de soi si vitale
et, en tout cas, si importante pour son confort mental.
Un peu à l’instar du porteur
de mauvaise(s) nouvelle(s), l’éventuelle victime prendra à ses yeux, dans un
tel cas, un visage digne de la démonologie dans la mesure où elle deviendra
l’insupportable révélateur de sa méchanceté (humaine, trop humaine), qu’il
refuse catégoriquement de reconnaître, de regarder en face; elle l’incarnera,
en quelque sorte.
Donc, l’auteur de la
mauvaise action aura alors une tendance certaine à redoubler de mauvaiseté,
dans un réflexe de fuite en avant, et de méfiance à l’égard de qui il a
agressé. Il se caparaçonnera sous les justifications et rationalisations
protectrices, tellement commodes.
L’hostilité
méprisante, dédaigneuse des peuples dominants de culture occidentale à
l’encontre des multiples peuples qu’ils ont écrasés et dominent encore d’une
manière ou d’une autre ressemble assez à cela.
« On les a
attaqués, occupés, soumis, parfois presque fait disparaître, mais ce n’est pas
notre faute : c’étaient des « sauvages » qui avaient le malheur
d’être moins bien équipés que nous. Ils n’y entendaient rien à la technologie
de pointe, ni à la démocratie…ni à la sophistication bénéfique de nos cultures.
Or, leurs terres étaient riches et, pour faire avancer LA Civilisation, nous
avions besoin d’elles. Ils essayaient de faire obstacle à tout ça…le Mal,
c’était donc eux ! ».
En sus, il faut
(peut-être) aussi, je crois, prendre en compte le mimétisme propre à l’Homme.
Les situations
coloniales, néocoloniales, postcoloniales cosmopolites (qu’illustre si bien le spectacle
des mégapoles occidentales), en faisant plus ou moins cohabiter des individus
issus des cultures dominées et des êtres rattachés culturellement au bloc qui
détient la suprématie planétaire, expose ces derniers à la sempiternelle
tentation mimétique.
L’occidental a beau
être un « dieu de l’Olympe », il n’en est pas moins humain. Pour ne
pas céder à la tentation d’imiter l’ « indigène », le
« native » ou l’immigré, il se « réfugie », en quelque
sorte, derrière le rempart du racisme (« hard » ou
« soft ») et de son corollaire, la volonté d’apartheid (même si celle-ci,
souvent, demeure inassumée, habilement dissimulée). Il érige
l’occidentalisation comme la condition sine qua non de la résorption de la
méfiance.
P. Laranco.
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