PAVES TRISTES.
Sur le chrême du jour impassible qui glisse, imagine-t-on les mille et un frémissements et les brisures qui tordent l’écho des jours anciens ? Je marche dans la ville en voyou, le blues au cœur, sur les traces des vents.
Je cherche la promesse de l’aube dans le crépuscule qui a défiguré les arbres et les maisons au toit de vétiver. Les ruisseaux ont dévié de leur lit qu’empruntait jadis le chant clair des serins.
Les vents qui se sont abattus ne sont pas nés du bras-de-fer entre le chaud et le froid, de l’océan qui crache sa salve belliqueuse. L’œil de ce cyclone est descendu dans le cœur des hommes, a aveuglé leurs sens, balayé le Verbe qui érige des cathédrales.
Cette nuit, dans les rues désertes de la ville, la lune a froid aux yeux. Les parfums en partance ont tournoyé, empilant des bris et des débris en masses informes, austères, toujours plus hautes, plus dédaigneuses. Le bal des criquets s’est tu.
Et mes pas sur les pavés tristes résonnent comme des vers oubliés.
Sylvestre LE BON.
In Le rôdeur de l’exil, Les impliqués Éditeur, 2023.
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